Navigation – Plan du site

AccueilNuméros13Solder l’Occupation… L’épuration ...

Solder l’Occupation… L’épuration interne de la gendarmerie (1944-1948)

Jonas Campion
p. 83-106

Résumé

La Libération du mois de septembre 1944 constitue une période capitale de l’histoire de l’administration belge. Elle se caractérise par un inévitable mouvement d’épuration, destiné à éloigner les « inciviques » des emplois publics et par là, de l’ensemble de la société. Ce phénomène prend une double forme : une épuration judiciaire d’abord, une épuration administrative, initiée par un arrêté-loi du 25 septembre 1944, ensuite. Cette épuration interne se situe au sommet d’une relation triangulaire entre l’administration, ses autorités de tutelles, et la population servie. Elle participe à une redéfinition des concepts de légitimité et de légalité des instances administratives par rapport au travail fourni durant l’Occupation d’une part, dans la société libérée d’autre part.

Dans cette contribution, nous interrogeons sa mise en pratique par rapport à une administration particulière : la gendarmerie. L’intérêt de la démarche vient du caractère mixte de cette institution, incarnée par un statut hybride, entre tradition administrative et identité militaire. Nous y détaillons l’organisation et l’évolution des procédures épuratoires établies en première instance entre septembre 1944 et la fin de l’année 1947, pour en analyser l’impact sur l’identité professionnelle et l’autonomie institutionnelle du corps de gendarmerie.

Haut de page

Texte intégral

  • 1  L. HUYSE, S. DHONDT, La répression des collaborations. 1942-1952. Un passé toujours présent, Bruxe (...)

1En septembre 1944, la Belgique est libérée. La punition de la collaboration avec l’ennemi représente alors une priorité en termes de restauration d’un état de droit. L’enjeu n’est autre que le rétablissement de la légitimité d’action des structures étatiques pour permettre la reconstruction du pays. Omniprésente dans la vie sociale, cette répression des collaborations est multiforme. Elle mêle procédures judiciaires, dynamiques « extralégales », et une épuration professionnelle, propre aux différents groupes sociaux1.

  • 2  C.GOYARD, « La notion d’épuration administrative », Les épurations administratives. 19e -20e siècl (...)
  • 3  O. WIEVIORKA, « Epuration », J.P. AZEMA, F. BEDARIDA (dir.), 1938-1948 : les années de tourmente. (...)

2Il est malaisé de définir cette dernière forme d’épuration2. S’intégrant dans une certaine mesure à une tradition disciplinaire professionnelle, elle s’en démarque pourtant de par les circonstances particulières du conflit qui se termine. Correspondant à un contexte de régénération nationale et de justice d’exception, elle se caractérise d’une part par un systématisme exceptionnel. D’autre part, elle cristallise au sein de microcosmes professionnels les passions de l’Occupation, revêtant ainsi un caractère affectif fort. Procédure interne à un groupe social déterminé, elle se donne pour objectif de punir l’ensemble des comportements de l’Occupation – qu’ils soient ou non poursuivis en parallèle par le Code Pénal comme « atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat » – considérés comme attentatoires aux pratiques, traditions, ainsi qu’à l’éthique identitaire de ce groupe professionnel. Soldant le passé immédiat pour assurer un présent troublé et un futur encore incertain3, ces procédures restaurent la confiance interne de ces groupes sociaux, et par là, assurent leur pérennité.

  • 4  Voir le fonds d’archives CEGES, Services du Premier ministre. Archives des commissions d'enquête s (...)

3L’appareil d’Etat n’échappe pas à cette dynamique. A partir de l’automne 1944, fleurit en son sein une nuée de commissions en charge des affaires d’incivisme4. Elles examinent le comportement des agents publics durant la guerre, pour conseiller le ministre de tutelle sur la nécessité de sanctions. Alors que sont remis en cause l’ensemble des comportements posés sous l’Occupation, le travail des commissions restaure, dans la société belge, la légitimité des administrations publiques, mais aussi des autorités qu’elles servent. Cette épuration interne se situe donc au sommet d’une relation triangulaire entre l’administration, ses autorités de tutelle, et la population servie. Elle participe à une redéfinition des concepts de légitimité et de légalité des instances administratives par rapport au travail fourni durant l’Occupation d’abord, dans la société libérée ensuite.

  • 5  Notamment la « loi Bovesse » du 5 mars 1935, sur le comportement des fonctionnaires en temps de gu (...)
  • 6  Se reporter aux droits et devoirs des fonctionnaires en territoires occupés, prescrits par la Conv (...)
  • 7  Sur la politique du « moindre mal », voir M. VAN DEN WIJNGAERT, « La politique du moindre mal. La (...)

4Mais l’épuration des administrations publiques s’inscrit dans un contexte particulier. Elle tient en effet compte de la politique de présence adoptée officiellement en Belgique occupée. Conformément à la législation d’avant-guerre d’une part5, aux conventions internationales d’autre part6, et aux décisions prises durant l’été 1940 par certaines élites enfin7, l’appareil étatique belge veille, tout au long de l’Occupation, à ne pas laisser la gestion des affaires publiques aux seules autorités militaires allemandes. Par conséquent, alors que le gouvernement de 1944 est le même que celui de 1940, ces procédures participent, en poursuivant la « collaboration ordinaire » – autrement dit, l’ensemble des accommodations indissociables de l’exercice d’une fonction publique sous occupation militaire – à une remise en question de cette politique du moindre mal, et des pratiques professionnelles des agents de l’Etat, en termes d’efficacité dans l’exercice des missions ou d’obéissance aux ordres reçus.

  • 8  R. VAN DOORSLAER, « La police belge et le maintien de l’ordre en Belgique occupée », A. DEJONGHE ( (...)

5La situation des forces de police est à cet égard particulièrement révélatrice8. Premiers concernés par l’exercice des fonctions régaliennes de par leur rôle judiciaire et de maintien de l’ordre, les agents de la loi ont été soumis, tout au long de l’Occupation, à un tiraillement permanent entre exigences légales belges et pression des autorités allemandes. Le doute quant à la légitimité d’exercice des missions policières augmente au fur et à mesure du durcissement du conflit. Les gendarmes vivent un trouble intense, et les pratiques quotidiennes oscillent entre stricte efficacité, zèle, neutralité et passivité volontaire.

  • 9  Histoire de la gendarmerie, Bruxelles, Ghesquerre & Partners, 2 vol., 1979-1980.
  • 10  G. PHILLIPOT (dir.), Entre l’État et la Nation ? La gendarmerie et les gendarmes, de 1939 à 1945. (...)
  • 11  Gerard Romsée (1901-1976). Homme politique nationaliste flamand. Docteur en droit. Représentant VN (...)
  • 12  Emiel Van Coppenolle (1893-1975). Colonel d’infanterie. Militaire de carrière, engagé sur le front (...)
  • 13  J. CAMPION, « Epuration, restauration ou renouvellement ? Première approche de l’impact de la Seco (...)

6De par ses caractéristiques identitaires9, la gendarmerie est particulièrement exposée tout au long de l’Occupation. Première force de police du pays, quadrillant l’ensemble du territoire, cette institution au service d’une multiplicité de ministères, en charge des missions de police administrative, judiciaire ou de tâches militaires, est touchée de plein fouet par ce conflit de normes entre devoirs « professionnel » et « patriotique »10. La situation est encore aggravée par les restructurations humaines et organisationnelles que subit l’arme. Dès la capitulation, l’institution est démilitarisée et rattachée au département de l’Intérieur. A partir de 1941, sous l’impulsion du Secrétaire général Gérard Romsée11 et d’Emiel Van Coppenolle12, directeur de la Police Générale du Royaume, puis commandant du corps, de profondes réformes sont mises en place à la gendarmerie : elles participent à la fois à une modernisation de l’arme, laquelle est largement renforcée, mais aussi à une volonté de politisation accrue de ses membres13.

  • 14  MINISTERE DE LA DEFENSE NATIONALE, Réorganisation de la Gendarmerie, Bruxelles, ICM, 1945, p. 8.
  • 15  Par exemple, Circulaire de José Streel  aux chefs de cercle, 09/10/1942, (CEGES, Archives Rex, AA (...)

7Durant l’Occupation, les effectifs augmentent de près 25 %, tant pour le cadre officier que pour les personnels sous-officiers. De 8300 hommes en mai 1940, ils passent à 10500 à l’aube de la Libération14. Cette augmentation modifie profondément le visage de l’arme qui, avant guerre, avait une hiérarchie largement francophone. D’abord, une quarantaine d’officiers flamands, libérés des camps de prisonniers, y prennent du service. Les mises à pied forcées, ainsi que les réformes structurelles et linguistiques augmentent ensuite le nombre de postes à pourvoir. Ils le sont majoritairement par des néerlandophones. Plus généralement, les partis issus de la collaboration favorisent au maximum l’intégration de leurs militants au sein de l’arme15.

  • 16  B. MAJERUS, X. ROUSSEAUX, «The impact of the war on Belgian police system»,    C. FIJNAUT (dir.), (...)

8Ces réformes ne sont pas limitées à la gendarmerie. Il existe une volonté politique de transformer l’ensemble de l’appareil policier, pour le moderniser, le professionnaliser, le centraliser et accroître la coordination entre services. En ce sens, pour le département de l’Intérieur, la gendarmerie incarne dans sa structure, les valeurs idéales d’organisation policière16. Pour autant, le corps ne dispose pas d’une autonomie institutionnelle plus importante. Loin de se renforcer, il est noyauté de l’intérieur.

  • 17  E. LAUREYS, Het bevrijde België (1944-1945) : feiten, opinies, voorstellingen, FKFO project, Bruxe (...)
  • 18  Sur les relations souvent tendues entre le HCSE et la gendarmerie, se reporter à

9Conscient de cette situation, le gouvernement de Londres prépare sa mise sous tutelle. Il n’ignore pas qu’à la libération du territoire, la stabilité du régime dépendra de sa capacité à faire régner l’ordre public. La gendarmerie constitue bien, de par ses missions, un enjeu de la libération. Pour l’appuyer, il instaure en août 1943, le Haut Commissariat à la Sécurité de l’Etat (HCSE) dont la mission principale est de coordonner les organes impliqués dans le maintien de l’ordre17. Le HCSE prépare activement l’épuration et la réorganisation de l’arme, qui est largement tenue à l’écart des projets18. Tant en Belgique occupée qu’en exil, l’Occupation représente une perte de légitimité pour l’institution.

10A la Libération, la nécessité d’épurer une gendarmerie profondément transformée est évidente. Elle oblige les gendarmes à revenir sur leur comportement passé pour définir, par rapport aux actes posés durant l’Occupation, une frontière définissant le légitime et l’illégitime, le punissable de l’acceptable. Pour des corps ancrés dans une tradition de l’obéissance, le choc est rude à gérer. Dans le contexte de la Libération, ce processus est pourtant une condition de pérennité institutionnelle. Il est essentiel à la redéfinition d’une identité gendarmique, en affirmant que ce n’est pas la gendarmerie, en tant qu’institution, qui a manqué de patriotisme, mais seulement certains de ses membres.

11Cette situation est révélatrice des troubles induits par une occupation militaire sur le fonctionnement de l’appareil étatique. De cette manière, il importe d’analyser précisément l’organisation, le fonctionnement et les conséquences, notamment en termes d’impacts identitaires sur le corps, de cette nécessité épuratoire : les organes impliqués sont-ils issus d’une tradition disciplinaire ancienne ou les besoins de l’épuration entraînent-ils une évolution majeure de ces structures ? Dans quelle mesure y retrouve-t-on l’identité mixte de la gendarmerie ? Sait-elle y défendre des intérêts propres, notamment en matière d’autonomie institutionnelle ?

  • 19  « Arrêté du 25/09/1944 créant des commissions d’enquête dans les administrations d’État », Moniteu (...)

12Bien qu’institution militaire, la gendarmerie s’intègre, pour ce qui concerne son épuration interne, dans le cadre législatif propre à l’ensemble des administrations étatiques. La base légale sur laquelle s’appuie la mise en place des commissions d’enquête est un arrêté-loi du 25 septembre 1944, publié au Moniteur le 6 octobre de la même année19. Cet arrêté se contente de dresser à grands traits les contours de l’appareil épuratoire, délaissant l’organisation pratique des procédures aux différentes autorités compétentes.

13L’origine de ce texte est ancienne. Il s’inscrit dans une continuité affirmée avec la réglementation de l’avant-guerre relative au personnel de l’Etat. Il se réfère constamment au statut Camu de 193720. Cette logique est évidente : pour atteindre son objectif de rétablissement de la légalité étatique, l’épuration ne peut s’affranchir de la législation qui lui préexiste. De cette façon, elle réintègre la Libération dans la continuité démocratique. Elle refuse à cet égard, toute idée révolutionnaire, défendue notamment par le parti communiste21. Pourtant, ce texte est chronologiquement marqué par l’Occupation. Il nécessite une prise en compte des enjeux nouveaux posés par le conflit. Ces derniers ont été mis en lumière par un important travail de réflexion et de documentation des instances belges en exil22.

  • 23  « Arrêté du 25/09/1944 […] », article 2.
  • 24  « Arrêté-loi du 26/10/1944 créant une commission d’enquête pour les gouverneurs de province, le pe (...)
  • 25  « Arrêté loi du 08/05/1944 relatif aux fonctions publiques », Moniteur belge, 01/09/1944, pp. 386- (...)

14En termes de public ciblé, l’arrêté du 25 septembre 1944 est particulièrement globalisant. S’adressant aux « fonctionnaires et agents de l’Etat », il prévoit une commission spécifique pour les Secrétaires généraux, des commissions pour les administrations centrales et, au niveau provincial, des organes prennent en charge les « affaires concernant le personnel des services extérieurs y exerçant [leurs] fonctions »23. Dès la fin du mois d’octobre, son champ de compétences est étendu aux « gouverneurs de province, au personnel dirigeant de certains organismes parastataux et [aux] fonctionnaires ayant exercé, sous l’occupation, les attributions de secrétaire permanent au recrutement »24. Mais ce n’est pas tout. Conformément à un arrêté-loi du 8 mai 1944 relatif aux fonctions publiques, les militaires et gendarmes sont aussi compris, dans le cadre des mesures prises à l’automne 1944, dans les personnels de la fonction publique25.

15Au final, le champ d’application du texte est particulièrement large, et de ce fait peu homogène. De nombreuses catégories de personnel, parfois très éloignées en termes d’identités, de statuts, fonctions et missions, en dépendent. Outre les agents de l’état stricto sensu, s’y retrouvent aussi des fonctions à caractère politique (Secrétaires généraux, Gouverneurs de province) ou technique (armée). La mise en pratique de ce texte dans de multiples domaines de la vie publique est révélatrice du caractère particulier de l’épuration. Procédure exceptionnelle, elle doit être d’une portée généralisante pour atteindre ses objectifs.

  • 26  « Arrêté du 25/09/1944 […] », article 1er.

16En ce qui concerne les comportements poursuivis, l’arrêté reste très général. Aucune définition précise des faits, ou catégories de faits répréhensibles n’est donnée. Seul est précisé que les commissions ont en charge l’examen du « comportement sous l’occupation » des personnels concernés26. Est ainsi laissée à chaque instance le soin de définir la jurisprudence la mieux adaptée aux spécificités de la fonction et des pratiques des agents qu’elle représente. Pourtant, toute médaille a son revers. Nous le verrons, cet état de fait entraîne un afflux de plaintes vers les commissions. Ces affaires, aux griefs variables, peu établis ou en rapport lointain avec la collaboration, saturent ces organes, et retardent d’autant l’aboutissement de la dynamique épuratoire.

  • 27  Ibidem, articles 1-2.
  • 28  Ibidem, articles 5-6.
  • 29  « Arrêté des ministres réunis en Conseil du 16/06/1944 déléguant certains pouvoirs par application (...)

17L’instrument premier de l’épuration est la commission d’enquête. Elle se compose de trois membres à voix délibérative (un président et deux assesseurs) nommés au nom du Régent par le ministre de tutelle, et de deux membres consultatifs (rapporteur et secrétaire), nommés en interne27. Elle instruit les affaires, et dispose dans ce but des pouvoirs nécessaires pour saisir documents et objets, ou exiger la collaboration de tout service de l’Etat28. L’instruction achevée, se déroule la comparution de l’agent incriminé, accompagné d’un défenseur de son choix. La commission rend ensuite avis motivé au ministre qui, au nom du Régent, prend une éventuelle sanction29.

  • 30  B. ROCHET, « L’impact de la Seconde Guerre mondiale sur les pratiques administratives », Pyramides (...)

18Au final, la dynamique épuratoire se caractérise par un double phénomène. Elle se définit par une certaine modération, soulignée par une volonté manifeste de procédure légaliste et de respect minimum des droits de la défense. Loin d’être révolutionnaire, son organisation s’intègre, en partie, dans l’esprit du statut de 1937. L’effort réglementaire de cette période est largement mobilisé pour la définition des personnels visés, des procédures à établir et des sanctions possibles. Sur la forme, la continuité est de mise et ces acquis de l’avant-guerre ne sont pas fondamentalement remis en cause. De cette manière, l’arrêté du 25 septembre s’intègre dans un processus ancien, de prise en compte législative, en tant que corps constitué possédant droits et devoirs, des agents de l’Etat30. Malgré tout, l’épuration est clairement différenciée des procédures disciplinaires classiques.

19Sur le fond, l’arrêté se démarque de cette tradition par son caractère exceptionnel. L’épuration représente une procédure particulière, parce que politique. L’article 9 de l’arrêté du 25 septembre 1944 ne laisse pas de doute à ce sujet. Statutairement, il suspend, pour les affaires d’incivisme, la procédure disciplinaire instaurée en 1937. En outre, le système reste, sous certains abords, particulièrement sévère pour les agents poursuivis. Ainsi, les décisions ne sont-elles pas susceptibles de recours. Sans doute le contexte de l’Occupation explique-t-il cette entorse aux droits de la défense.

  • 31  Dépêche n°SPM/I/N.5.278, reprise de manière intégrale dans Note n° 3392/F, 23/10/1944, (SHP, Regis (...)
  • 32  Note n° 4047/F, 15/11/1944, (SHP, Registres utilisés à la gendarmerie, P0207).
  • 33  Instruction pour la Gendarmerie dans les territoires libérés de l’occupation ennemie, 01/09/1944, (...)

20D’après une dépêche ministérielle du 19 octobre 194431, la gendarmerie dépend de quatre commissions : l’une pour les officiers, commune à l’armée, se réunit à Bruxelles, tandis que les membres subalternes du corps sont traduits, suivant leur régime linguistique, devant trois instances siégeant à Bruxelles, Gand et Liège. Les commissions commencent leur travail dans le courant des mois d’octobre et de novembre, au fur et à mesure de la nomination de leurs membres32. Elles se substituent aux mesures provisoires d’épuration prises jusqu’alors sur la base d’une « instruction des Ministres de la Défense Nationale et de l’Intérieur pour la gendarmerie des territoires libérés », datée du 1er septembre 1944, qui autorisait l’éloignement du service, de tout gendarme a priori suspect de collaboration33.

  • 34  Les problèmes ne concernent pas uniquement la gendarmerie, mais l’ensemble de l’appareil militaire (...)
  • 35  Dépêche n° 6/196/J, 06/03/1945, (SHP, Registres utilisés à la gendarmerie, P0217).

21Il ressort vite que tel qu’organisé, le système est incapable de gérer la masse de dossiers qui afflue en provenance des unités de gendarmerie34. Aussi, une réforme importante y est introduite en mars 1945 pour en corriger les lacunes35. A présent, les enquêtes sont dissociées des comparutions, pour être spécialement confiées à un organisme directement rattaché au ministre, le service des enquêtes (SE). Les commissions ne sont plus que des commissions d’avis, se basant sur un dossier monté exclusivement par les sections locales du SE.

  • 36  Note du ministre de la Défense Nationale aux Présidents de Commission, 29/08/1946, (SGRS, Cabinet (...)
  • 37  Note du ministre de la Défense Nationale à l’Auditeur Général, 26/04/1947, (SGRS, Cabinet du minis (...)
  • 38  Note du Premier ministre aux Présidents de Commissions, 01/10/1947, (SGRS, Cabinet du ministre, 67 (...)
  • 39  Note n°6455/F, 17/11/1947, (SHP, Registres utilisés à la gendarmerie, P0229).

22Après mars 1945, le système s’installe dans la durée, ne nécessitant plus que certaines adaptions imputables aux nécessités du service. A l’été 1946, on espère clôturer l’épuration interne pour la fin de l’année36. Devant les retards, le processus est repoussé d’un an. Le 30 juin 1947, pour « supprimer l’alimentation des dossiers », le SE est dissous37, tandis que les commissions d’avis restent en place pour traiter les affaires résiduelles, souvent doublées d’une procédure judiciaire encore en cours. Courant octobre, le Premier ministre fait savoir aux présidents de commissions qu’il est nécessaire d’achever l’épuration pour la fin de l’année, le budget 1948 ne prévoyant aucun crédit de fonctionnement pour les organes de première instance38. Le 17 novembre 1947, une ultime référence à ces structures est faite dans une note interne au corps39.

23En pleine période de restructuration identitaire de l’institution, l’épuration administrative représente, pour la gendarmerie, un enjeu de toute première importance. Aussi, il importe de déterminer le poids exact que représente le corps en son sein. La gendarmerie est-elle véritablement autonome dans les procédures épuratoires ? Quels en sont les autres acteurs, qu’ils soient issus des mondes politique, militaire ou administratif ? La gendarmerie arrive-t-elle à défendre ses intérêts propres, notamment en termes de « spécificité » institutionnelle, au sein du microcosme militaire ? Plus largement, le déroulement de l’épuration ne représente-t-elle pas une remise en cause de la hiérarchie traditionnelle classique de la gendarmerie, où l’autorité des officiers se voit contestée par les hommes du rang ? Pour répondre à ces questions, intéressons-nous d’une part, à la composition des organes épuratoires et, d’autre part, à la circulation de l’information en leur sein, notamment par rapport à la place du commandant du corps.

  • 40  Dépêche n°SPM/I/N.5.278, 19/10/1944, (SHP, Registres utilisés à la gendarmerie, P0207).
  • 41  Par exemple, le major B[…] se plaint d’être victime d’une « interprétation étroite des règles et d (...)

24Pour apporter une réponse globale à ces questions, il est utile de nuancer notre propos en considérant successivement chacun des organes épuratoires (commission pour officiers, commissions pour les personnels subalternes et SE). Au sein de la commission pour officiers, commune à l’armée, la gendarmerie est minoritaire. Ainsi, seul un de ses cinq membres est officier du corps40, instaurant un déséquilibre flagrant entre les armes, alors que la situation des gendarmes sous l’Occupation est loin d’être comparable à celle des officiers de l’armée. Par conséquent, le trouble de la hiérarchie de l’arme face aux comptes qu’elle rend à des « étrangers », alors qu’elle a le sentiment de n’avoir fait qu’exercer ses missions traditionnelles, est parfois palpable41.

  • 42  Note n°4047/F, 15/11/1944, (Jambes, Collection privée du colonel Claessens, doc 225).

25Au sein des trois commissions pour sous-officiers par contre, les épurateurs sont exclusivement issus de l’institution. Cet état de fait illustre une différence importante de traitement entre sous-officiers et officiers. Si pour le personnel subalterne, le critère discriminant est la spécialisation, il n’en est rien pour les officiers, où les devoirs de la fonction prennent le dessus. Cette distinction a pour conséquence de réintroduire un mode de fonctionnement vertical au sein de l’appareil épuratoire pour sous-officiers. En effet, au sein des trois commissions créées, les officiers du corps disposent systématiquement, de par les fonctions occupées, de la majorité des voix. Les fonctions de président, de rapporteur, et un des deux sièges d’assesseur leurs reviennent, tandis que le personnel subalterne se contente du second siège d’assesseur, et des places d’assesseur suppléant et de secrétaire42. De cette manière, le cadre sous-officier est minoritaire dans le jugement de ses pairs. Dans un contexte de remise en question de devoir d’obéissance aux ordres donnés, ce constat n’est pas sans conséquence. Pour les militaires poursuivis, il peut entraîner une perception de l’épuration comme étant un phénomène uniquement hiérarchique.

26Le mode de nomination des épurateurs nous oblige à nuancer le propos. Si le caractère hiérarchique est bien présent au sein de ces instances, il est, dans un premier temps, quelque peu amoindri par l’influence que réussissent à obtenir sur cette politique, les gendarmes de terrain. Ainsi, en 1944-1945, ce choix se fait principalement sur une base « patriotique », favorisant les gendarmes ayant été victimes de mesures de rétorsion des Allemands ou des autorités collaboratrices durant la guerre. Dans ce contexte, les gendarmes n’hésitent pas à faire valoir leur mécontentement face à certaines nominations considérées comme injustifiées.

  • 43  Note reçue par le HCSE relative au major B[…], 02/1945, (CEGES, Fonds de l’activité du HCSE, AA 13 (...)
  • 44  Lettre du Colonel Dethise à W. Ganshof, 14/02/1945, (CEGES, Fonds de l’activité du HCSE, AA 1311 n (...)
  • 45  Note reçue par le HCSE relative à la commission de Gand, 07/02/1945, (CEGES, Fonds de l’activité d (...)
  • 46  Lettre de W. Ganshof au Colonel Dethise, 07/02/1945, (CEGES, Fonds de l’activité du HCSE, AA 1311, (...)

27Ainsi, en février 1945, un mouvement de contestation se fait jour à l’encontre du vice-président de la commission de Bruxelles et président de la commission de Gand, qui, avec le grade de major, aurait été l’adjoint du colonel Van Coppenolle, participant par là « à tous les actes de trahison commis par celui-ci »43. Suite à ces accusations, il est démis de ses fonctions et soumis à enquête interne44. A Gand, des gendarmes accusent le rapporteur de la commission d’avoir eu « des relations très suspectes avec les VNV de la région et il semble être encore à l’heure actuelle en rapport avec certains d’entres eux »45, entraînant une réaction immédiate de la hiérarchie46. Sur le plan de l’habitus professionnel de l’appareil d’Etat, ce phénomène est original. Partiellement acceptée, cette contestation émanant de militaires soumis à un strict devoir d’obéissance, souligne le trouble qu’a pu apporter la guerre dans les pratiques de l’arme. De la même façon, l’importante fonction psychologique de l’épuration est ainsi soulignée : elle permet aux membres du corps de restaurer leur confiance quant à leur légitimité sociale, quitte à devoir transiger, de manière provisoire, sur certaines valeurs professionnelles.

  • 47 Dépêche n° 6/196/J, 06/03/1945, (SHP, Registres utilisés à la gendarmerie, P0217).
  • 48  Rapport de John Gilissen au ministre de la Défense Nationale, 19/09/1946, (SGRS, Cabinet du minist (...)
  • 49  Jean Joseph dit John Gilissen (1912-1988). Juriste, historien, magistrat, professeur d’université. (...)
  • 50  Liste des membres du Service des Enquêtes, 17/12/1946, (SGRS, Cabinet du ministre, A 4-1946).

28Enfin, en mars 1945, la création du SE modifie profondément la donne de l’épuration de la gendarmerie qui, comme celle de l’ensemble du monde militaire, se judiciarise. En effet, le SE est composé, selon les directives ministérielles de « 15 à 30 officiers, des cadres actifs ou de réserve »47 occupés exclusivement par cette fonction. Dans la pratique, il s’agit presque exclusivement « de juristes-officiers de réserve »48, preuve de la professionnalisation du travail d’enquête. En décembre 1946, le SE comporte 41 officiers, placés sous la direction du substitut de l’Auditeur général John Gilissen49. Cinq d’entre eux seulement font partie du cadre d’active. Parmi les officiers de réserve, se retrouvent 19 personnes issues directement du monde du droit (avocat, juge, auditeur à la Cour des Comptes, greffier, notaire, avoué)50.

29La professionnalisation du travail survenant avec l’avènement du SE participe à une minorisation de la place des commissions, et par là du rôle de la gendarmerie, en tant qu’institution, dans sa propre épuration. Devant les ratés des premiers temps, le ministre de la Défense favorise une centralisation accrue des procédures, par le biais d’un organe nouveau et spécialisé. De cette façon, il éloigne l’épuration administrative de la tradition disciplinaire de l’armée, dépassée par l’ampleur des procédures, pour la transformer selon des principes de rationalisation de l’instruction, caractéristiques d’une certaine conception « moderniste » du fonctionnement de l’administration.

  • 51  Dépêche n°SPM/I/N.5.278, 19/10/1944, (SHP, Registres utilisés à la gendarmerie, P0207).
  • 52  Dépêche n° 6/888/J, 19/03/1945, (Jambes, Collection privée du colonel Claessens, doc 225).

30Le rôle peu évident du commandant du corps dans la pyramide épuratoire est révélateur de ces tensions. Entre octobre 1944 et mars 1945, bien que cela ne soit pas explicitement prévu par la circulaire ministérielle du 19 octobre51, il lui est possible d’émettre un commentaire sur le dossier, après avis de la commission et avant transmission au ministre. Sans être central, il garde encore un certain contrôle sur les procédures menées. La circulaire du 6 mars 1945 constitue un recul face à cette pratique, puisque le rôle du commandant de corps n’y est nullement reconnu. Pour ce dernier, il s’agit là d’une situation difficile à accepter. Aussi, la procédure est à nouveau modifiée le 19 mars, « en raison de l’esprit du corps de la gendarmerie et de sa reconstitution actuelle comme unité homogène »52. La pratique des premiers temps devient la norme, puisque les avis des commissions lui sont maintenant officiellement transmis pour consultation avant décision du ministre.

  • 53  Outre diverses instances officielles, comme le HCSE, nombreuses sont les interventions de comités (...)
  • 54  B. MAJERUS, X. ROUSSEAUX, Op. Cit., pp. 81-83.

31Au final, il est évident que l’organisation de l’épuration de la gendarmerie est loin d’être exclusivement une affaire de gendarmes. De l’ouverture des affaires53 à la décision finale, nombreux sont les acteurs extérieurs au corps qui interviennent dans les procédures. La situation est loin d’être évidente à gérer pour la hiérarchie de l’arme, qui se voit en outre contestée par une base, à la parole libérée. Pour l’administration « gendarmerie », les premiers temps de la Libération sont loin de se caractériser par une autonomie accrue. Malgré sa place primordiale dans l’appareil du maintien de l’ordre en Belgique libérée, et son importance numérique, le corps est contrôlé de près54.

  • 55  Lettre du Major Goffin au commandant de corps, 30/06/1945, (SHP, Gestion du Personnel officier Fra (...)

32Avec le temps pourtant, la situation évolue quelque peu. Une transition s’effectue vers une meilleure prise en compte des contraintes administratives dans l’organisation épuratoire. Les besoins du service et la réorganisation globale de l’arme sont ainsi mieux considérés, notamment dans le choix des épurateurs. Alors que des plaintes s’élèvent contre la charge de travail que représente l’épuration pour des officiers en service55, sont ainsi nommés des officiers pensionnés, passés dans le cadre de réserve, dont le service est prolongé afin de ne pas priver le corps de ses forces vives dans une période de pénurie de personnels qualifiés.

33Ce contexte de crise pour le corps est encore renforcé par les causes de poursuites à l’égard des gendarmes. Le concept d’incivisme doit être nuancé. Lors de l’épuration, nombreux sont les comportements qui sont incriminés comme constitutifs de la collaboration avec l’ennemi. Les commissions examinent des dossiers, qui dépassent la seule occupation allemande. Ils mêlent étroitement des griefs propres à l’exercice du métier de gendarme, des comportements communément partagés par tous les milieux sociaux et professionnels, et des griefs personnels. Cette situation illustre la soif exacerbée de Justice qui court à la Libération. Elle caractérise aussi le mélange des genres qui s’effectue parfois entre actions disciplinaires et faits d’incivisme, entraînant un accroissement des procédures à partir de l’automne 1944, et leur inscription dans la durée. Face à cette multiplication de griefs, une régulation de l’épuration devient nécessaire. En partie, l’instauration du SE apporte une solution à ce problème.

  • 56  Se reporter au travail en cours sur base des dossiers d’épuration de gendarmes conservés au sein d (...)
  • 57  PV de la 2e commission d’avis de Bruxelles sur le comportement de l’adjudant B[…], 05/10/1945, (SH (...)

34D’abord, sont poursuivis des faits imputables à la guerre, dans l’exercice des missions de la gendarmerie : arrestation de membres de la résistance, transmission d’informations aux autorités allemandes, gardes statiques à leur profit. Ensuite, les commissions enquêtent sur des comportements constitutifs du métier de gendarme. Ils en évaluent alors le bien-fondé dans le contexte particulier de l’Occupation. Le « zèle » dans l’exécution des devoirs devient ainsi un critère déterminant d’éventuelles sanctions. Les gendarmes rendent des comptes sur leur manière de travailler, en matière de police administrative ou judiciaire. Des griefs politiques, comme l’affiliation à un parti d’Ordre nouveau, la fréquentation de collaborateurs ou de soldats ennemis, sont aussi relevés. Enfin, sous le grief générique « d’attitude anti-nationale », les gendarmes sont encore poursuivis pour leur comportement général, leur vie privée, ou celle de leur famille. Les questions de ravitaillements, de mœurs, les relations locales constituent ici le cœur des dossiers qu’instruit le SE56. Les commissions interrogent alors les « qualités morales et professionnelles »57 des soldats de la loi.

  • 58  « Loi du 16/06/1836 concernant la perte de grades des officiers de l’armée », Pasinomie, 3e série, (...)
  • 59  Le statut de 1937 prévoit les sanctions suivantes : le rappel à l’ordre ; la réprimande ; le blâme (...)

35Dans l’ensemble de procédures épuratoires menées au sein de l’appareil d’état belge, l’épuration interne de la gendarmerie occupe, de par l’identité professionnelle de cette institution, une place particulière. Elle oscille entre caractéristiques disciplinaires propres à un corps militaire et caractéristiques administratives. Ainsi, elle est basée à la fois sur l’arrêté-loi du 25 septembre 1944 et sur une tradition ancienne de commissions internes, prévues par les différents statuts des militaires58. De même, elle débouche sur des sanctions synthétisées par le statut Camu de 193759, et sur des peines propres à l’armée, comme la mise aux arrêts militaires des soldats poursuivis.

36Entre l’automne 1944 et l’automne 1947, deux structures épuratoires se succèdent, correspondant à deux modèles différents d’exercice de ce mode de régulations professionnelles. A l’automne 1944, l’épuration est avant tout disciplinaire et interne. Ce sont des militaires qui jugent des militaires, dans un respect relatif de la chaîne hiérarchique traditionnelle. Les organes instaurés, qui sont simultanément chargés de l’instruction des affaires et de l’expression d’un avis au ministre, préexistent d’ailleurs en partie à la guerre. Les commissions disciplinaires « normales » sont chargées de mener à son terme une épuration « extraordinaire ». Le système instauré se révèle trop lent. Aussi, au printemps 1945, l’épuration administrative se judiciarise. Par la création du SE en charge de l’instruction des dossiers d’incivisme, elle devient en grande partie l’apanage de professionnels du droit militarisés : juristes, avocats, juges ou notaires. Les commissions ne servent plus maintenant qu’à transmettre un avis au ministre de la Défense, principalement sur base d’un dossier instruit par le SE. Indiscutablement, le corps perd en autonomie, l’épuration s’éloignant des structures et procédures disciplinaires traditionnelles de l’arme.

37Au final, l’organisation de l’épuration administrative au sein de la gendarmerie n’est pas aisée. Elle se situe à l’intersection des besoins organisationnels, de questions de légitimité d’action de ces commissions et de revendications institutionnelles d’un corps traumatisé par son histoire récente. Revêtue d’une importante fonction psychologique en terme de légitimité d’une institution aux missions toujours plus nombreuses, elle illustre bien les difficultés de solder, à la Libération, les séquelles d’une occupation militaire et de sa préparation législative et administrative de l’avant-guerre, qui se révéla vite être en décalage avec les circonstances du conflit.

  • 60  Annales parlementaires, Chambre, séance du 17/11/1946.

38Par conséquent, mesurer l’impact de ces procédures sur le corps est loin d’être une démarche évidente. L’épuration doit d’abord être évaluée sur le plan de son ampleur. Aucune donnée officielle fiable n’existe à ce sujet. D’après des chiffres rendus publics en novembre 1946 par le ministère de la Défense, environ 420 officiers et gendarmes ont été soumis à enquête. Ventilés, ces chiffres correspondent à 20,5 % du cadre officier de 1940 (14,4 % après renforcement) et à 4,6 % (3,7 % après renforcement) des sous-officiers60. Mais ces chiffres sont largement dépassés par les statistiques inédites du travail du SE.

  • 61  John Gilissen au ministre de la Défense nationale, 19/09/1946, (SGRS, Cabinet du ministre, J 6-194 (...)
  • 62  Ministre de la Défense nationale à l’Auditeur général, 27/06/1945, (SGRS, Cabinet du ministre, G 2 (...)

39Jusqu’au mois d’août 1946, ce service traite les dossiers de 61 officiers et 834 sous-officiers de gendarmerie. D’après ces chiffres, 34,8 % du cadre officier antérieur à l’Occupation a été inquiété à la Libération (24,4 % après renforcement). Les poursuites menées à l’encontre des personnels sous-officiers du corps sont aussi importantes puisque, d’après ces données, 9,8 % du cadre de la gendarmerie de 1940 (8 % après renforcement) a été soumis à enquête interne61. Il n’existe pas de données ultérieures à cette date. Au vu de la priorité de traitement accordée aux dossiers de gendarmes62, les chiffres totaux ne doivent être que légèrement supérieurs à ces données.

  • 63 Note n°230/R, 23/03/1946, (SHP, Registres utilisés à la gendarmerie, P0 222).

40Les nuances nécessaires pour la lecture de ces données sont nombreuses. De par le rôle du SE, il ne s’agit là que du nombre d’instructions ouvertes et non de sanctions prononcées par le ministre. Celles-ci sont réduites par les classements sans suite ou les non-lieux prononcés. Les chiffres du ministre correspondent-ils alors au taux de gendarmes sanctionnés ? En cours de réalisation, seul le dépouillement systématique des dossiers d’enquête permet de préciser les taux exacts de gendarmes poursuivis et condamnés. Il est ensuite utile de spécifier que, dans la majeure partie des cas, l’épuration frappe les gendarmes de métier, entrés au corps avant 1940. En effet, conformément à l’instruction du 1er septembre, les engagements des gendarmes entrés au corps après mai 1940 ont été annulés au fur et à mesure de la Libération du pays. Après demande individuelle et enquête menée par la seule hiérarchie de l’arme, seuls 715 d’entre eux sont engagés définitivement en mars 194663. Ces catégories « politisées » de personnels ne relèvent donc pas des commissions.

41Néanmoins, malgré leurs limites, ces données illustrent à suffisance l’actualité du problème épuratoire au sein du corps. Exerçant toujours leurs missions en territoire occupé, les gendarmes sont particulièrement exposés. A l’heure des comptes, ils ne bénéficient d’aucun traitement de faveur. Phénomène d’ampleur, l’épuration constitue pendant de longs mois un horizon menaçant pour des gendarmes, en pleine incertitude face à leur sort.

42Ainsi, le bilan de l’épuration ne peut faire l’économie d’un volet moral. Des troubles se font sentir en interne. Les usages hiérarchiques traditionnels sont profondément mis à mal. La gendarmerie est traversée de tendances centrifuges. La remise en question de l’autorité établie est profonde, elle se caractérise par une prise de parole « libre » des soldats de la loi. Notamment, le modèle disciplinaire du « haut vers le bas » est contesté, dans la pratique, par des initiatives venant de la base. Souvent, on dénonce collègues ou supérieurs. D’autres troubles sont imputables à la variété des comportements poursuivis. Rancœurs et vengeances personnelles sont ainsi à la base de nombreux dossiers.

  • 64  Annales parlementaires, Chambre, séance du 11/01/1951.
  • 65  J. CAMPION, « France, Belgique, Pays-Bas : regard croisé sur les gendarmeries en guerre. Les mémoi (...)

43Les conséquences morales de l’épuration ne restent pas sans conséquence. A la fin des années quarante, l’exigence plusieurs fois renouvelée64, d’une clarification des droits et devoirs des fonctionnaires en cas de nouvelle occupation étrangère, est à comprendre en réaction à ces procédures. Alors que les gendarmes tentent de s’adapter à d’importantes mutations socio-économiques et que les craintes d’une invasion par le bloc soviétique se font pressantes, les gendarmes ne veulent plus revivre ces hésitations professionnelles. De même, l’importante mobilisation, dans la mémoire collective, des héros du corps65, illustre aussi le malaise des agents de l’Etat face à leur passé immédiat.

  • 66  A. MOLITOR, « L’évolution de l’administration belge depuis 1945 », Res Publica, t.25, 1983, pp. 66 (...)

44A ce titre, les enjeux que la gendarmerie gère durant son épuration sont, à bien des égards, communs à l’ensemble des services publics belges. Autonomie institutionnelle, modes de gestion de l’information, redéfinition nécessaire des pratiques professionnelles sont autant de traits communs à l’épuration des organismes publics, quelle que soit leur mission. Par la présence de ces enjeux à tous les niveaux de l’appareil d’Etat, l’épuration administrative se lit aussi dans une perspective longue. Notamment, elle s’intègre dans un processus de redéfinition de la culture administrative débutant dès l’entre-deux-guerres pour n’aboutir qu’au début des années cinquante66. Si l’épuration permet de digérer le choc de la guerre, elle incarne aussi une nouvelle période de doutes pour l’appareil public. Par les remises en question qu’elle impose, elle s’inscrit dans une longue période d’incertitudes et de remises en question professionnelles ayant, sous certains abords, débuté durant la crise des années trente.

  • 67  « Arrêté du Régent du 03/08/1945 réorganisant la Gendarmerie »,  Moniteur Belge, 22/08/1945, p. 52 (...)

45Ainsi, pendant plus d’une décennie, les gendarmes sont confrontés à un cadre particulier d’exercice de leur métier, fait d’ambiguïtés et de pressions importantes. Face aux évolutions qui frappent la Belgique du milieu du siècle, le corps se remet en question pour contrer la remise en cause dont il fait l’objet. La création en août 1945 d’une direction de la gendarmerie indépendante au sein du ministère de la Défense Nationale67, plus à même de traiter de manière spécifique les problèmes de cette institution ambivalente, peut ainsi être lue comme un aboutissement des troubles du conflit, au premier rang desquels, se situe l’épuration administrative.

46Plus largement, les enjeux de l’épuration de la gendarmerie belge doivent être confrontés au vécu, au sein de l’espace européen, de ses institutions sœurs. A la veille de la guerre, la France et les Pays-Bas disposent aussi d’une « gendarmerie nationale ». Entre 1940 et 1944, les trois institutions partagent ainsi l’amère expérience de devoir cohabiter avec les troupes d’occupation. A la fin de la guerre, la nécessité épuratoire est communément partagée. Pourtant, la situation de ces institutions est loin d’être similaire, tant sont diffèrents les contextes politiques et sociaux de la guerre.

47Dans ce contexte, la comparaison des instances épuratoires et comportements poursuivis mérite d’être menée à terme. La confrontation des difficultés que rencontrent les corps au sein des procédures internes est particulièrement intéressante. Plus particulièrement, que différencie l’épuration de gendarmes au service d’un pouvoir politique collaborateur, comme en France, à celle de gendarmes confrontés à une politique de présence, menée par des autorités administratives ? Au final, l’épuration administrative des gendarmeries est-elle nationale ou professionnelle ? Y observe-t-on des caractéristiques du métier de gendarme, ou au contraire, les particularités nationales, propres aux circonstances de l’Occupation, l’emportent-elles ?

Haut de page

Notes

1  L. HUYSE, S. DHONDT, La répression des collaborations. 1942-1952. Un passé toujours présent, Bruxelles, CRISP, 1993, 345 p.

2  C.GOYARD, « La notion d’épuration administrative », Les épurations administratives. 19e -20e siècles, Genève, Librairie Droz, 1977, pp. 11-13.

3  O. WIEVIORKA, « Epuration », J.P. AZEMA, F. BEDARIDA (dir.), 1938-1948 : les années de tourmente. De Munich à Prague, dictionnaire critique, Paris, Flammarion, 1995, pp. 933-943. M. BERGERE, Une société en épuration. Epuration vécue et perçue en Maine-et-Loire de la Libération au début des années 50’, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2004, p. 181.

4  Voir le fonds d’archives CEGES, Services du Premier ministre. Archives des commissions d'enquête sur l'attitude des fonctionnaires pendant l'occupation (1944-1950), AA 1326.

5  Notamment la « loi Bovesse » du 5 mars 1935, sur le comportement des fonctionnaires en temps de guerre ou le livret de mobilisation civile, instauré un an plus tard.

Voir N. WOUTERS, Oorlogsburgemeesters 40/44. Lokaal bestuur en collaboratie in België, Tielt, Laanoo, 2004, pp. 40-42.

6  Se reporter aux droits et devoirs des fonctionnaires en territoires occupés, prescrits par la Convention de La Haye, adoptée en 1907. A ce propos, H. VAN GOETHEM, « La convention de La Haye, la collaboration administrative en Belgique et la persécution des Juifs à Anvers 1940-1942 », Cahiers d’histoire du temps présent, n°17, novembre 2006, pp. 117-197.

7  Sur la politique du « moindre mal », voir M. VAN DEN WIJNGAERT, « La politique du moindre mal. La politique du Comité des Secrétaires Généraux en Belgique sous l’Occupation allemande », A. DEJONGHE (dir.), L’Occupation en France et en Belgique, Hors-Série n°2 de Revue du Nord, t.2, 1987, pp. 63-72. Voir aussi N. WOUTERS, « La politique du moindre mal », R. VAN DOORSLAER (dir.), La Belgique Docile. Les autorités belges et la persécution des Juifs en Belgique durant la Seconde Guerre mondiale, Bruxelles, Luc Pire, 2007, pp. 267-273.

8  R. VAN DOORSLAER, « La police belge et le maintien de l’ordre en Belgique occupée », A. DEJONGHE (dir.), L’Occupation en France et en Belgique, Hors-Série n°2 de Revue du Nord, t.2, 1987, pp. 73-99; Idem, « De belgische politie en magistratuur en het probleem van de ordehandhaving », E. VERHOEYEN (dir.), Het minste kwaad, Kapellen, De Nederlandsche Boekhandel, 1990, pp. 100-120.

9  Histoire de la gendarmerie, Bruxelles, Ghesquerre & Partners, 2 vol., 1979-1980.

10  G. PHILLIPOT (dir.), Entre l’État et la Nation ? La gendarmerie et les gendarmes, de 1939 à 1945. Actes de la 2ème  Journée d’étude de la Société nationale de l’histoire et du patrimoine de la Gendarmerie, n°2 de Force publique. Revue de la société nationale histoire et patrimoine de la gendarmerie, février 2007, 231 p.

11  Gerard Romsée (1901-1976). Homme politique nationaliste flamand. Docteur en droit. Représentant VNV de Tongres-Maaseik entre 1929 et 1944. Durant l’Occupation, il occupe successivement les postes de Commissaire général du Rapatriement, de Gouverneur du Limbourg et de Secrétaire général du ministère de l’Intérieur. Condamné pour collaboration en 1948, il est réhabilité en 1966. E. RASKIN, « Gerard Romsée », Nieuwe Encyclopedie van de Vlaamse Beweging, Tielt, Lannoo, 1998, pp. 2.648-2.651.

12  Emiel Van Coppenolle (1893-1975). Colonel d’infanterie. Militaire de carrière, engagé sur le front de l’Yser durant la Première Guerre mondiale. Il milite pour l’égalité linguistique dans l’armée et mène de front des études en sciences politiques à la KUL. Fait prisonnier en mai 1940, il s’engage au sein du Luitenant De Winde Kring, cercle politique proche des idées de l’Ordre nouveau. Libéré en 1941, il prend la tête de la Police générale du Royaume (PGR) et, à partir de février 1943, de la gendarmerie. Condamné à mort en 1948, il est libéré en 1952. C. FRANSEN, Politiewerk in bezettingstijd. Emiel Van Coppenolle - korpscommandant van de rijkswacht tijdens de Tweede Wereldoorlog, Gand, mém. lic. en histoire UG, 2001, 260 p.

13  J. CAMPION, « Epuration, restauration ou renouvellement ? Première approche de l’impact de la Seconde Guerre mondiale sur le corps des officiers de gendarmerie », Cahiers d’histoire du temps présent, n°17, novembre 2006, pp. 54-56.

14  MINISTERE DE LA DEFENSE NATIONALE, Réorganisation de la Gendarmerie, Bruxelles, ICM, 1945, p. 8.

15  Par exemple, Circulaire de José Streel  aux chefs de cercle, 09/10/1942, (CEGES, Archives Rex, AA 166, n°228).

16  B. MAJERUS, X. ROUSSEAUX, «The impact of the war on Belgian police system»,    C. FIJNAUT (dir.), The impact of WWII on Policing in North West Europe, Tilburg, Leuven University Press, 2004, pp. 56-67.

17  E. LAUREYS, Het bevrijde België (1944-1945) : feiten, opinies, voorstellingen, FKFO project, Bruxelles, CEGES, 1998, 82 p. (recherche du CEGES, inédite).

18  Sur les relations souvent tendues entre le HCSE et la gendarmerie, se reporter à

J. CAMPION, Se restructurer, s’épurer, se légitimer. La gendarmerie belge à la sortie de la Seconde Guerre mondiale (1944-1945). A propos du maintien de l’ordre en Belgique libérée, LLN, mém. lic. en histoire UCL, 2004, pp. 76-100.

19  « Arrêté du 25/09/1944 créant des commissions d’enquête dans les administrations d’État », Moniteur belge, 06/10/1944, pp. 346-347.

20  « Arrêté royal du 2/10/1937 portant le statut des agents de l’État », Moniteur belge, 08/10/1937, p. 6074.

21  J. GOTOVITCH, Du rouge au tricolore : résistance et parti communiste, Bruxelles, Labor, 1992, 609 p.

22  Le rôle de la Commission d’études pour les problèmes de l’après-guerre (CEPAG), instituée à Londres dans le courant 1942, est évident. D. DE BELLEFROID, La Commission pour l’Etude des problèmes d’après-guerre (CEPAG). 1941-1944, LLN, mém. lic. en histoire UCL, 1987, p. 167.

23  « Arrêté du 25/09/1944 […] », article 2.

24  « Arrêté-loi du 26/10/1944 créant une commission d’enquête pour les gouverneurs de province, le personnel dirigeant de certains organismes parastataux et tous fonctionnaires ayant exercé, sous l’occupation, les attributions de secrétaire permanent au recrutement », Moniteur Belge, 2-3/11/1944, pp. 755-756.

25  « Arrêté loi du 08/05/1944 relatif aux fonctions publiques », Moniteur belge, 01/09/1944, pp. 386-394.

26  « Arrêté du 25/09/1944 […] », article 1er.

27  Ibidem, articles 1-2.

28  Ibidem, articles 5-6.

29  « Arrêté des ministres réunis en Conseil du 16/06/1944 déléguant certains pouvoirs par application de l’arrêté-loi du 8/05/1944 relatif aux fonctions publiques », Moniteur Belge, 01/09/1944, pp. 394-395.

30  B. ROCHET, « L’impact de la Seconde Guerre mondiale sur les pratiques administratives », Pyramides, Revue du Laboratoire d’Etudes et de Recherches en administration publique de l’Université Libre de Bruxelles, n°10, Bruxelles, Hiver 2005, pp. 167-188.

31  Dépêche n°SPM/I/N.5.278, reprise de manière intégrale dans Note n° 3392/F, 23/10/1944, (SHP, Registres utilisés à la gendarmerie, P0207).

32  Note n° 4047/F, 15/11/1944, (SHP, Registres utilisés à la gendarmerie, P0207).

33  Instruction pour la Gendarmerie dans les territoires libérés de l’occupation ennemie, 01/09/1944, (CEGES, Archives des Ministères à Londres, archives partielles du Ministère de la Défense nationale et de l’armée belge en Grande-Bretagne, AA 397, n°8)

34  Les problèmes ne concernent pas uniquement la gendarmerie, mais l’ensemble de l’appareil militaire. Rapport de John Gilissen au ministre de la Défense Nationale, 19/09/1946, (SGRS, Cabinet du ministre, J 6-1946).

35  Dépêche n° 6/196/J, 06/03/1945, (SHP, Registres utilisés à la gendarmerie, P0217).

36  Note du ministre de la Défense Nationale aux Présidents de Commission, 29/08/1946, (SGRS, Cabinet du ministre, J 10-1946). Au même moment, s’organise un processus d’appel des sanctions administratives prononcées à l’encontre des agents de l’Etat. Pour l’armée, voir « Arrêté du Régent du 17/12/1946 instituant en matière disciplinaire, une Commission supérieure d’appel pour sous-officiers », Moniteur Belge, 22/12/1946, pp. 10434-10436 et la « Commission supérieure d’appel pour les officiers ». Note du Président de la CSA au ministre de la Défense Nationale, 11/02/1947, (SGRS, Cabinet du ministre, 676.2-1946 1947).

37  Note du ministre de la Défense Nationale à l’Auditeur Général, 26/04/1947, (SGRS, Cabinet du ministre, 676.2- 1946 1947).

38  Note du Premier ministre aux Présidents de Commissions, 01/10/1947, (SGRS, Cabinet du ministre, 676.2- 1946 1947).

39  Note n°6455/F, 17/11/1947, (SHP, Registres utilisés à la gendarmerie, P0229).

40  Dépêche n°SPM/I/N.5.278, 19/10/1944, (SHP, Registres utilisés à la gendarmerie, P0207).

41  Par exemple, le major B[…] se plaint d’être victime d’une « interprétation étroite des règles et des devoirs » et demande par conséquent que son cas « puisse être examiné objectivement en tenant compte de tous les éléments et non pas au point de vue unique d’une étroite interprétation des règlements ». Lettre à propos du major B[…]de Jules Goddaer à Robert Gillon, Président du Sénat, 21/02/1945, (Jambes, Collection privée du colonel Claessens, doc 388/36).

42  Note n°4047/F, 15/11/1944, (Jambes, Collection privée du colonel Claessens, doc 225).

43  Note reçue par le HCSE relative au major B[…], 02/1945, (CEGES, Fonds de l’activité du HCSE, AA 1311 n°627).

44  Lettre du Colonel Dethise à W. Ganshof, 14/02/1945, (CEGES, Fonds de l’activité du HCSE, AA 1311 n°627).

45  Note reçue par le HCSE relative à la commission de Gand, 07/02/1945, (CEGES, Fonds de l’activité du HCSE, AA 1311, n°627).

46  Lettre de W. Ganshof au Colonel Dethise, 07/02/1945, (CEGES, Fonds de l’activité du HCSE, AA 1311, n°627).

47 Dépêche n° 6/196/J, 06/03/1945, (SHP, Registres utilisés à la gendarmerie, P0217).

48  Rapport de John Gilissen au ministre de la Défense Nationale, 19/09/1946, (SGRS, Cabinet du ministre, J 6-1946).

49  Jean Joseph dit John Gilissen (1912-1988). Juriste, historien, magistrat, professeur d’université. Avocat en 1935, assistant à l’ULB en 1936. Professeur en 1938, il devient substitut du Procureur du Roi de Bruxelles la même année. En 1944, il est attaché au Cabinet du ministre de la Défense, puis substitut de l’Auditeur général en 1945. Auditeur Général en 1965, il publie de nombreuses études sur le droit, l’histoire du droit, la justice militaire ou la répression de la collaboration. P. GODDING, « Jean Joseph Gilissen », Nouvelle Biographie Nationale, t.4, Bruxelles, Académie Royale des sciences, des lettres et des beaux-arts, 1997, pp. 179-182.

50  Liste des membres du Service des Enquêtes, 17/12/1946, (SGRS, Cabinet du ministre, A 4-1946).

51  Dépêche n°SPM/I/N.5.278, 19/10/1944, (SHP, Registres utilisés à la gendarmerie, P0207).

52  Dépêche n° 6/888/J, 19/03/1945, (Jambes, Collection privée du colonel Claessens, doc 225).

53  Outre diverses instances officielles, comme le HCSE, nombreuses sont les interventions de comités locaux d’épuration, de résistants ou même de personnes privées, en faveur ou défaveur de tel ou tel élément de la gendarmerie. De par leurs missions, les gendarmes sont particulièrement exposés à ce genre d’initiatives, pouvant s’apparenter à une véritable campagne de lobbying local, régional ou national.

54  B. MAJERUS, X. ROUSSEAUX, Op. Cit., pp. 81-83.

55  Lettre du Major Goffin au commandant de corps, 30/06/1945, (SHP, Gestion du Personnel officier Francophone (1944-1946)).

56  Se reporter au travail en cours sur base des dossiers d’épuration de gendarmes conservés au sein du Service historique de la Police, de la direction de la mobilité et de la gestion des personnels de la police fédérale pour les sous-officiers, et au Service Général de Renseignement et Sécurité, sections archives, pour les officiers.

57  PV de la 2e commission d’avis de Bruxelles sur le comportement de l’adjudant B[…], 05/10/1945, (SHP, dossiers individuels, dossier adjudant Marcel B[…]).

58  « Loi du 16/06/1836 concernant la perte de grades des officiers de l’armée », Pasinomie, 3e série, Bruxelles, H.Tarlier, entrée n°313, pp. 196-202 ; « Loi du 15/06/1924 sur la position et l’avancement des officiers », Moniteur Belge, 26/09/1924, pp. 4849-4853 ; « Loi du 27/07/1934 concernant le statut des sous-officiers », Moniteur Belge, 05/08/1934, pp. 4236-4241. Se reporter aussi à Armée belge : discipline et service intérieur, Bruxelles, Ministère de la Défense Nationale, 1928, 353 p.

59  Le statut de 1937 prévoit les sanctions suivantes : le rappel à l’ordre ; la réprimande ; le blâme ; la retenue de traitement ; le déplacement ; la suspension disciplinaire ; la réduction de traitement ; la rétrogradation ; la démission d’office, et enfin la révocation.

60  Annales parlementaires, Chambre, séance du 17/11/1946.

61  John Gilissen au ministre de la Défense nationale, 19/09/1946, (SGRS, Cabinet du ministre, J 6-1946).

62  Ministre de la Défense nationale à l’Auditeur général, 27/06/1945, (SGRS, Cabinet du ministre, G 2-1945).

63 Note n°230/R, 23/03/1946, (SHP, Registres utilisés à la gendarmerie, P0 222).

64  Annales parlementaires, Chambre, séance du 11/01/1951.

65  J. CAMPION, « France, Belgique, Pays-Bas : regard croisé sur les gendarmeries en guerre. Les mémoires de l’occupation à travers une décennie de presse corporative, 1945-1955 », G. PHILIPPOT (dir.), La Gendarmerie, les gendarmes et la guerre. Actes de la 1ère Journée d’étude de la Société nationale de l’histoire et du patrimoine de la Gendarmerie, n°1 de Force publique. Revue de la société nationale histoire et patrimoine de la gendarmerie, février 2006, pp. 97-111.

66  A. MOLITOR, « L’évolution de l’administration belge depuis 1945 », Res Publica, t.25, 1983, pp. 661-686.

67  « Arrêté du Régent du 03/08/1945 réorganisant la Gendarmerie »,  Moniteur Belge, 22/08/1945, p. 5258.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Jonas Campion, « Solder l’Occupation… L’épuration interne de la gendarmerie (1944-1948) »Pyramides, 13 | 2007, 83-106.

Référence électronique

Jonas Campion, « Solder l’Occupation… L’épuration interne de la gendarmerie (1944-1948) »Pyramides [En ligne], 13 | 2007, mis en ligne le 09 septembre 2011, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/pyramides/274

Haut de page

Auteur

Jonas Campion

Aspirant FRS-FNRS, membre du Centre d’histoire du droit et de la justice, Université catholique de Louvain.

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search