[article] La vie est-elle une suite de hasards ? : dossier [texte imprimé] . - 2011. Langues : Français ( fre) in Philosophie magazine > 51 (juillet-août 2011)
Catégories : |
394 Vie publique et sociale
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Résumé : |
Si le hasard mène la danse, s'il distribue les cartes de la naissance, de l'amour, des rencontres et des carrières, alors notre volonté ne compte pour rien, et notre liberté est réduite à néant.
La vie n'a aucun sens.
Mais si, à l'inverse, nul hasard ne préside à notre existence, si tout est déjà programmé à l'avance, alors, une fois encore, rien ne sert de vouloir, la liberté n'existe pas.
Comment sortir d'une telle impasse ? D'abord en interrogeant les mille et une facettes du hasard vu par les philosophes, de l'accident créateur défendu par Lucrèce à l'erreur de la volonté diagnostiquée par Descartes. Ensuite, en examinant avec le thérapeute François Roustang à quoi pourrait ressembler une paradoxale éthique de l'opportunité. En organisant aussi un débat entre le philosophe Baptiste Morizot et le sociologue Michel Bozon, sur la place réelle de l'aléatoire dans nos histoires d'amour. Ou, pourquoi pas, en tentant l'expérience d'un voyage dont chaque étape se jouerait sur un coup de dés. Histoire de mettre au jour, loin des alternatives grossières, l'exigeant sens de la nuance que commande le phénomène hasard. Et ainsi, apprendre à accueillir ce qui vient. |
Note de contenu : |
7 articles composent ce dossier
- La vie est-elle une suite de hasards ?
Vous n'aviez rien laissé au hasard pour cet entretien d'embauche. Vous aviez répété votre prestation plusieurs fois. Vous aviez prévu une heure d'avance, un parapluie, et même une chemise de rechange. Mais lorsque vous vous êtes retrouvé en face du recruteur, stupeur ! Vous reconnaissez votre voisin de palier, celui-là même avec qui vous êtes en procès depuis plusieurs mois… En ressortant, totalement déprimé, vous ne faites plus attention à rien, même pas à l'averse qui vous transforme en épouvantail, ni à cette personne que vous bousculez et qui vous invective. C'est pourtant elle que vous reverrez dix minutes plus tard dans le train, à qui vous offrirez un café pour vous excuser et avec qui vous oublierez votre mauvaise fortune. Des années plus tard, d'ailleurs, vous évoquerez avec elle comme un talisman cette journée particulière où le hasard vous a fait perdre un emploi et gagner un amour.
Et si ces aléas, qui font dévier les parcours les plus stricts, étaient ce qu'il y a de plus important, de plus intéressant et presque de plus beau, dans nos existences ? Et si la vie n'était qu'une suite de hasards ? C'est difficile à entendre, surtout dans une société où chacun est sommé d'être productif et concurrentiel, de construire sa vie sentimentale, familiale et professionnelle comme on bâtit une maison, sous le signe de la raison et de la volonté. Mais que peuvent le travail et le contrôle de soi contre ce petit démon facétieux qui vient bouleverser nos projets les plus solides ? À l'heure où nous en sommes arrivés à planifier les dates de naissance de nos enfants, où tous les chemins sont balisés par le tourisme, la communication et l'économie, l'aléa est peut-être le sel de la vie. N'est-il pas grisant, finalement, de savoir que le coin de la rue vous réserve encore des surprises ?
- « Un facteur d'organisation »
Opposé à l'idée du tout-génétique, le biologiste et philosophe Henri Atlan constate qu'une « auto-organisation » est à l'oeuvre dans le vivant : ce sont des perturbations aléatoires qui font émerger la nouveauté.
Propos recueillis par Juliette Cerf
Henri Atlan
Médecin biologiste et philosophe, il a été membre du Comité national d'éthique pendant dix-sept ans. Il a notamment publié Les Étincelles de hasard (2 tomes, Seuil, 1999 et 2003) et Le Vivant post-génomique (Odile Jacob, 2011).
- Le jour où les dés m'ont guidé
Peut-on aller à la rencontre du pur hasard ? Notre reporter s'y est essayé en voyageant, le temps d'une journée, à coup de dés. Morale de l'aventure : on finit toujours quelque part.
Par Michel Eltchaninoff
8 heures du matin. Je tends à mon fils les quatre cartes de Monopoly qui figurent les gares parisiennes. Il ferme les yeux et en tire une. Gare Montparnasse. Je partirai vers l'Ouest.
- La plus surréaliste des rencontres
À l'origine de la révolution surréaliste, il y a l'accueil du hasard au coeur du processus de création. Ou encore l'art de transformer l'événement fortuit en une nécessité essentielle.
Par François Salmeron
Qu'ils pratiquent les collages de mots découpés dans des journaux, le cadavre exquis, qu'ils se livrent à des exercices d'écriture automatique ou dictent des poèmes en état d'hypnose, les surréalistes n'ont eu de cesse de jouer avec le hasard. « La beauté sera convulsive ou ne sera pas », déclare Breton dans L'Amour fou. Son avant-garde parie sur une esthétique du jeu, de la perte de maîtrise, du surgissement de l'inattendu. Nul étonnement, dès lors, que la revue surréaliste Le Minotaure – éditée par Albert Skira de 1933 à 1939 – ait consacré son troisième numéro au thème du hasard. André Breton et Paul Éluard ont envoyé deux questions à trois cents de leurs amis, et collecté cent quarante réponses. Florilège.
Pouvez-vous dire quelle a été la rencontre capitale de votre vie ? Jusqu'à quel point cette rencontre vous a-t-elle donné, vous donne-t-elle l'impression du fortuit ? du nécessaire ?
- L'instant où tout bascule
Accident grave ou billet de loto gagnant : il est des vies qui connaissent une réorientation radicale à la faveur d'un extraordinaire coup du sort. Elles nous ouvrent ainsi, explique le philosophe et thérapeute François Roustang, à une paradoxale éthique de l'imprévu.
Pages coordonnées par Martin Legros / Propos recueillis par Ludmilla Lorrain,
François Salmeron et Cédric Enjalbert / Photos Édouard Caupeil
- L'amour flou
- Les aventures de la Fortune
Serait-il possible de fixer le hasard ? Telle est l'entreprise titanesque à laquelle s'essaient les philosophes depuis deux mille cinq cents ans. Nous offrant ainsi un riche éventail d'attitudes capables de nous soutenir face aux surprises de l'existence. Par Nicolas Tenaillon
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Titre : |
La vie est-elle une suite de hasards ? : dossier |
Type de document : |
texte imprimé |
Année de publication : |
2011 |
Langues : |
Français (fre) |
Catégories : |
394 Vie publique et sociale
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Résumé : |
Si le hasard mène la danse, s'il distribue les cartes de la naissance, de l'amour, des rencontres et des carrières, alors notre volonté ne compte pour rien, et notre liberté est réduite à néant.
La vie n'a aucun sens.
Mais si, à l'inverse, nul hasard ne préside à notre existence, si tout est déjà programmé à l'avance, alors, une fois encore, rien ne sert de vouloir, la liberté n'existe pas.
Comment sortir d'une telle impasse ? D'abord en interrogeant les mille et une facettes du hasard vu par les philosophes, de l'accident créateur défendu par Lucrèce à l'erreur de la volonté diagnostiquée par Descartes. Ensuite, en examinant avec le thérapeute François Roustang à quoi pourrait ressembler une paradoxale éthique de l'opportunité. En organisant aussi un débat entre le philosophe Baptiste Morizot et le sociologue Michel Bozon, sur la place réelle de l'aléatoire dans nos histoires d'amour. Ou, pourquoi pas, en tentant l'expérience d'un voyage dont chaque étape se jouerait sur un coup de dés. Histoire de mettre au jour, loin des alternatives grossières, l'exigeant sens de la nuance que commande le phénomène hasard. Et ainsi, apprendre à accueillir ce qui vient. |
Note de contenu : |
7 articles composent ce dossier
- La vie est-elle une suite de hasards ?
Vous n'aviez rien laissé au hasard pour cet entretien d'embauche. Vous aviez répété votre prestation plusieurs fois. Vous aviez prévu une heure d'avance, un parapluie, et même une chemise de rechange. Mais lorsque vous vous êtes retrouvé en face du recruteur, stupeur ! Vous reconnaissez votre voisin de palier, celui-là même avec qui vous êtes en procès depuis plusieurs mois… En ressortant, totalement déprimé, vous ne faites plus attention à rien, même pas à l'averse qui vous transforme en épouvantail, ni à cette personne que vous bousculez et qui vous invective. C'est pourtant elle que vous reverrez dix minutes plus tard dans le train, à qui vous offrirez un café pour vous excuser et avec qui vous oublierez votre mauvaise fortune. Des années plus tard, d'ailleurs, vous évoquerez avec elle comme un talisman cette journée particulière où le hasard vous a fait perdre un emploi et gagner un amour.
Et si ces aléas, qui font dévier les parcours les plus stricts, étaient ce qu'il y a de plus important, de plus intéressant et presque de plus beau, dans nos existences ? Et si la vie n'était qu'une suite de hasards ? C'est difficile à entendre, surtout dans une société où chacun est sommé d'être productif et concurrentiel, de construire sa vie sentimentale, familiale et professionnelle comme on bâtit une maison, sous le signe de la raison et de la volonté. Mais que peuvent le travail et le contrôle de soi contre ce petit démon facétieux qui vient bouleverser nos projets les plus solides ? À l'heure où nous en sommes arrivés à planifier les dates de naissance de nos enfants, où tous les chemins sont balisés par le tourisme, la communication et l'économie, l'aléa est peut-être le sel de la vie. N'est-il pas grisant, finalement, de savoir que le coin de la rue vous réserve encore des surprises ?
- « Un facteur d'organisation »
Opposé à l'idée du tout-génétique, le biologiste et philosophe Henri Atlan constate qu'une « auto-organisation » est à l'oeuvre dans le vivant : ce sont des perturbations aléatoires qui font émerger la nouveauté.
Propos recueillis par Juliette Cerf
Henri Atlan
Médecin biologiste et philosophe, il a été membre du Comité national d'éthique pendant dix-sept ans. Il a notamment publié Les Étincelles de hasard (2 tomes, Seuil, 1999 et 2003) et Le Vivant post-génomique (Odile Jacob, 2011).
- Le jour où les dés m'ont guidé
Peut-on aller à la rencontre du pur hasard ? Notre reporter s'y est essayé en voyageant, le temps d'une journée, à coup de dés. Morale de l'aventure : on finit toujours quelque part.
Par Michel Eltchaninoff
8 heures du matin. Je tends à mon fils les quatre cartes de Monopoly qui figurent les gares parisiennes. Il ferme les yeux et en tire une. Gare Montparnasse. Je partirai vers l'Ouest.
- La plus surréaliste des rencontres
À l'origine de la révolution surréaliste, il y a l'accueil du hasard au coeur du processus de création. Ou encore l'art de transformer l'événement fortuit en une nécessité essentielle.
Par François Salmeron
Qu'ils pratiquent les collages de mots découpés dans des journaux, le cadavre exquis, qu'ils se livrent à des exercices d'écriture automatique ou dictent des poèmes en état d'hypnose, les surréalistes n'ont eu de cesse de jouer avec le hasard. « La beauté sera convulsive ou ne sera pas », déclare Breton dans L'Amour fou. Son avant-garde parie sur une esthétique du jeu, de la perte de maîtrise, du surgissement de l'inattendu. Nul étonnement, dès lors, que la revue surréaliste Le Minotaure – éditée par Albert Skira de 1933 à 1939 – ait consacré son troisième numéro au thème du hasard. André Breton et Paul Éluard ont envoyé deux questions à trois cents de leurs amis, et collecté cent quarante réponses. Florilège.
Pouvez-vous dire quelle a été la rencontre capitale de votre vie ? Jusqu'à quel point cette rencontre vous a-t-elle donné, vous donne-t-elle l'impression du fortuit ? du nécessaire ?
- L'instant où tout bascule
Accident grave ou billet de loto gagnant : il est des vies qui connaissent une réorientation radicale à la faveur d'un extraordinaire coup du sort. Elles nous ouvrent ainsi, explique le philosophe et thérapeute François Roustang, à une paradoxale éthique de l'imprévu.
Pages coordonnées par Martin Legros / Propos recueillis par Ludmilla Lorrain,
François Salmeron et Cédric Enjalbert / Photos Édouard Caupeil
- L'amour flou
- Les aventures de la Fortune
Serait-il possible de fixer le hasard ? Telle est l'entreprise titanesque à laquelle s'essaient les philosophes depuis deux mille cinq cents ans. Nous offrant ainsi un riche éventail d'attitudes capables de nous soutenir face aux surprises de l'existence. Par Nicolas Tenaillon
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