[article] Jorge Semprún, le grand témoin [texte imprimé] / Martin Legros, Auteur . - 2011 . - p. 86. Langues : Français ( fre) in Philosophie magazine > 51 (juillet-août 2011) . - p. 86
Catégories : |
0(082) Critique / extrait document / citations Semprún, Jorge (1923-2011)
|
Résumé : |
Article complet :
« Alors vous montez en fumée dans les airs / alors vous avez une tombe au creux des nuages on n'y est pas couché à l'étroit… »
Voilà les mots, beaux et étranges, empruntés à La Fugue de mort de Paul Celan, qui se rappellent à la mémoire de Jorge Semprún, un dimanche de mars 1992, devant le « dramatique espace vide » de l'Appelpaltz de Buchenwald. Il lui avait fallu retourner sur ce lieu de cendres, où il n'était plus revenu depuis le 11 avril 1945, jour de la libération du camp, pour achever son chef-d'oeuvre, L'Écriture ou la Vie. Là , devant le vide, il pense une fois de plus aux morts, privés de tombe, « montés tels des flocons de fumée dans le ciel », « couchés dans l'immensité de la mémoire » mais menacés par l'oubli. À Celan qui affirmait dans son poème que « la mort est un maître venu d'Allemagne », il opposait Goethe, Thomas Mann, la langue et la culture allemande où il avait puisé des armes pour résister au nazisme, mais aussi son expérience du fascisme espagnol et du totalitarisme soviétique. Non, disait-il, si la mort est « un maître », c'est un maître venu de l'humanité, de cette obscure liberté humaine, capable, comme l'avaient déjà pensé Kant et Schelling, de se retourner contre elle-même pour plonger dans le mal radical.
Au lendemain de sa disparition, à Paris, le 7 juin, voilà que les mots de Celan résonnent à nouveau et livrent accès au coeur de la démarche de ce grand témoin. Écrivain, scénariste, philosophe, Jorge Semprún était en effet capable de nous faire toucher à l'essence de l'humain en faisant circuler son existence, aventureuse et tragique, avec son goût des poètes et sa fréquentation assidue des philosophes. Nous l'avions accueilli dans les colonnes de Philosophie magazine à plusieurs reprises. En guise d'hommage, nous avons décidé de publier dans notre prochain numéro la retranscription de l'entretien public que nous avions organisé au Festival Philosophia de Saint-Émilion sur le thème: « L'imagination est-elle un rempart contre la barbarie? »
Martin Legros
Le combattant de l'oubli
L'Écriture ou la Vie /« Folio » / Gallimard
Alors qu'il a traversé la déportation, un jeune survivant se retrouve dans le Paris libéré en proie à l'angoisse de la mort. Terrorisé, il fait le choix de l'oubli. Et puis, cinquante ans après, il raconte son expérience de la déportation.
Un récit hanté par l'impossibilité de pénétrer à nouveau dans l'enceinte du camp et par le sentiment d'avoir fait l'expérience limite de la traversée de la mort.
M. L.
Européen convaincu
Une tombe au creux des nuages / « Folio » /Gallimard
Formé d'une série de textes et de conférences publiés et prononcés
en Allemagne, où Semprún mêle ses souvenirs aux réflexions des penseurs qui ont compté pour lui, d'Edmund Husserl à Jan Pato?cka en passant par George Orwell, ce volume constitue le testament philosophique et politique d'un Européen convaincu.
M. L.
Français d'adoption
Adieu, vive clarté… / « Folio » / Gallimard
Ce bouleversant récit initiatique publié en 1998 raconte son exil adolescent, sa vie d'avant Buchenwald. Quand éclate la guerre civile en 1936, il quitte l'Espagne pour les Pays-Bas, puis la France, avec sa famille. Il évoque son enracinement à Paris, indissociable de sa découverte de la langue et de la littérature françaises – notamment Paludes d'André Gide, une lecture fondatrice.
Juliette Cerf
Militant Communiste
La Deuxième Mort de Ramon Mercader / « Folio » / Gallimard.
Une fiction modelée dans l'existence de Semprún, dans la vie clandestine de ce militant communiste. La Deuxième Mort de Ramon Mercader (1969) – le nom de l'assassin de Trotski –, est un roman d'espionnage trépidant, sur fond de communisme, de guerre civile espagnole et de franquisme, entre Madrid, Amsterdam et Zurich.
J. C.
Scénariste pour le cinéma
Outre ses essais et ses romans, Jorge Semprún a été un scénariste de renom pour le cinéma. Il a laissé l'empreinte de sa plume politique sur quelques films majeurs relatant les grands soubresauts du siècle: de La guerre est finie (1966) et Stavisky (1974) d'Alain Resnais à Z (1968) et L'Aveu (1969) de Costa-Gavras, en passant par Les Routes du Sud (1978) de Joseph Losey.
J. C. |
Permalink : |
https://bibliotheque.territoires-memoire.be/pmb/opac_css/index.php?lvl=notice_di |
[article]
Titre : |
Jorge Semprún, le grand témoin |
Type de document : |
texte imprimé |
Auteurs : |
Martin Legros, Auteur |
Année de publication : |
2011 |
Article en page(s) : |
p. 86 |
Langues : |
Français (fre) |
Catégories : |
0(082) Critique / extrait document / citations Semprún, Jorge (1923-2011)
|
Résumé : |
Article complet :
« Alors vous montez en fumée dans les airs / alors vous avez une tombe au creux des nuages on n'y est pas couché à l'étroit… »
Voilà les mots, beaux et étranges, empruntés à La Fugue de mort de Paul Celan, qui se rappellent à la mémoire de Jorge Semprún, un dimanche de mars 1992, devant le « dramatique espace vide » de l'Appelpaltz de Buchenwald. Il lui avait fallu retourner sur ce lieu de cendres, où il n'était plus revenu depuis le 11 avril 1945, jour de la libération du camp, pour achever son chef-d'oeuvre, L'Écriture ou la Vie. Là , devant le vide, il pense une fois de plus aux morts, privés de tombe, « montés tels des flocons de fumée dans le ciel », « couchés dans l'immensité de la mémoire » mais menacés par l'oubli. À Celan qui affirmait dans son poème que « la mort est un maître venu d'Allemagne », il opposait Goethe, Thomas Mann, la langue et la culture allemande où il avait puisé des armes pour résister au nazisme, mais aussi son expérience du fascisme espagnol et du totalitarisme soviétique. Non, disait-il, si la mort est « un maître », c'est un maître venu de l'humanité, de cette obscure liberté humaine, capable, comme l'avaient déjà pensé Kant et Schelling, de se retourner contre elle-même pour plonger dans le mal radical.
Au lendemain de sa disparition, à Paris, le 7 juin, voilà que les mots de Celan résonnent à nouveau et livrent accès au coeur de la démarche de ce grand témoin. Écrivain, scénariste, philosophe, Jorge Semprún était en effet capable de nous faire toucher à l'essence de l'humain en faisant circuler son existence, aventureuse et tragique, avec son goût des poètes et sa fréquentation assidue des philosophes. Nous l'avions accueilli dans les colonnes de Philosophie magazine à plusieurs reprises. En guise d'hommage, nous avons décidé de publier dans notre prochain numéro la retranscription de l'entretien public que nous avions organisé au Festival Philosophia de Saint-Émilion sur le thème: « L'imagination est-elle un rempart contre la barbarie? »
Martin Legros
Le combattant de l'oubli
L'Écriture ou la Vie /« Folio » / Gallimard
Alors qu'il a traversé la déportation, un jeune survivant se retrouve dans le Paris libéré en proie à l'angoisse de la mort. Terrorisé, il fait le choix de l'oubli. Et puis, cinquante ans après, il raconte son expérience de la déportation.
Un récit hanté par l'impossibilité de pénétrer à nouveau dans l'enceinte du camp et par le sentiment d'avoir fait l'expérience limite de la traversée de la mort.
M. L.
Européen convaincu
Une tombe au creux des nuages / « Folio » /Gallimard
Formé d'une série de textes et de conférences publiés et prononcés
en Allemagne, où Semprún mêle ses souvenirs aux réflexions des penseurs qui ont compté pour lui, d'Edmund Husserl à Jan Pato?cka en passant par George Orwell, ce volume constitue le testament philosophique et politique d'un Européen convaincu.
M. L.
Français d'adoption
Adieu, vive clarté… / « Folio » / Gallimard
Ce bouleversant récit initiatique publié en 1998 raconte son exil adolescent, sa vie d'avant Buchenwald. Quand éclate la guerre civile en 1936, il quitte l'Espagne pour les Pays-Bas, puis la France, avec sa famille. Il évoque son enracinement à Paris, indissociable de sa découverte de la langue et de la littérature françaises – notamment Paludes d'André Gide, une lecture fondatrice.
Juliette Cerf
Militant Communiste
La Deuxième Mort de Ramon Mercader / « Folio » / Gallimard.
Une fiction modelée dans l'existence de Semprún, dans la vie clandestine de ce militant communiste. La Deuxième Mort de Ramon Mercader (1969) – le nom de l'assassin de Trotski –, est un roman d'espionnage trépidant, sur fond de communisme, de guerre civile espagnole et de franquisme, entre Madrid, Amsterdam et Zurich.
J. C.
Scénariste pour le cinéma
Outre ses essais et ses romans, Jorge Semprún a été un scénariste de renom pour le cinéma. Il a laissé l'empreinte de sa plume politique sur quelques films majeurs relatant les grands soubresauts du siècle: de La guerre est finie (1966) et Stavisky (1974) d'Alain Resnais à Z (1968) et L'Aveu (1969) de Costa-Gavras, en passant par Les Routes du Sud (1978) de Joseph Losey.
J. C. |
Permalink : |
https://bibliotheque.territoires-memoire.be/pmb/opac_css/index.php?lvl=notice_di |
in Philosophie magazine > 51 (juillet-août 2011) . - p. 86
|  |