Populiste : le mot [document électronique] / Ludovic Pauchant, Auteur . - 21/06/2011 . - 1 article en ligne. Le Point.fr - Publié le 16/06/2011 à 00:18 - Modifié le 21/06/2011 à 23:36 Langues : Français ( fre)
Catégories : |
03 Dictionnaire. Référence. Adresses. Définitions 321.7.02 Démagogie Populisme
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Résumé : |
Article complet :
"Populiste, moi ? J'assume !" déclare Jean-Luc Mélenchon, bien décidé à se réapproprier un mot jusque-là honni par tous. Par tous, ou presque : polysémique, ambigu, il suscite soit la défiance soit l'enthousiasme. C'est une affaire de point de vue...
Le point de vue : "On flatte les bas instincts du peuple"
Shemtov prévient : "À vouloir s'indigner, se révolter contre les vents, marées et tornades, on perd toujours. Et l'on court droit au pire fléau : l'individualisme, le chauvinisme, le populisme. En un mot à la barbarie." Vu ici comme néfaste et dangereux, le populisme est empreint de démagogie : il s'éloigne des discours rationnels pour investir le champ des émotions, il se fait séduction pour recueillir l'assentiment de l'électeur, l'intérêt général est oublié. Ainsi considéré, ce qu'on appelle le populisme a plusieurs cordes à son arc : l'appel au "bon sens", aux "évidences", un discours manichéen, une argumentation compréhensible immédiatement par tous et indolore pour le quotidien du citoyen.
En fait, il exprime la frustration de l'opinion publique. Le populisme refuse toute légitimité aux "élites", intellectuelles, politiques, culturelles, en un mot, ceux "d'en haut", coupés des réalités de la classe populaire, bien décidés à protéger jalousement leurs privilèges. Ce populisme-là inspire la peur, la défiance, comme tout discours qui donne priorité à l'émotion en reléguant la raison, et la distance qu'elle suppose face aux événements.
Le point de vue : "Ostraciser les partis populistes, c'est insulter le peuple"
Pour d'autres, voir dans le populisme un mot péjoratif, c'est afficher un mépris profond pour les électeurs. Ainsi, dans nos colonnes, Indignator s'exaspère du traitement méprisant que réservent certains au mot : "Le terrorisme intellectuel des bobos et bien-pensants nantis réduit le terme populiste à son sens péjoratif. En faire uniquement un gros mot, une sorte d'arme fatale de la rhétorique télévisée et une injure infamante supposée clouer le bec non seulement à tout homme politique, mais aussi et surtout à tout citoyen mécontent, est une atteinte à l'histoire, un péché contre la langue française et une insulte à l'intelligence des électeurs."
Alors, dénoncer le populisme, par exemple de certains partis, d'extrême droite ou d'extrême gauche, ce serait manifester une méfiance à l'égard de la classe populaire, refuser toute idée de démocratie directe, voire refuser au citoyen la capacité de s'exprimer à travers le vote, puisqu'alors il pourrait succomber aux sirènes d'un clientélisme outrancier.
In fine, c'est remettre en question le principe même du suffrage universel : il ne faudrait pas permettre à tous de voter, puisqu'il existerait de "mauvais votes", des votes "dangereux", qui renforceraient de "mauvais partis". Ainsi, le citoyen serait incapable de hauteur d'esprit quand il s'agit de l'avenir de son pays, voire incapable de savoir ce qui est bon pour lui, puisqu'on lui propose des programmes affectivement séduisants, mais dont la médiocrité lui échapperait.
Le point de vue : "Par la démocratie directe, le populisme libère la voix du peuple"
Pour d'autres, le populisme est entendu comme l'une des options de la démocratie participative. Il représente alors la voix nouvelle donnée au peuple, une réaction face à une élite dirigeante disqualifiée, car elle le mépriserait et se serait coupée de lui et de ses préoccupations. Une élite vue comme une "caste oligarchique libérale mondialisée qui tient l'économie, la politique et les médias et s'y maintient à grands coups de communication" (Maximus). Le populisme se revendique ainsi plutôt de la démocratie directe, jugée plus efficace pour contrôler l'activité d'une élite dirigeante sur laquelle pèse une présomption d'incapacité et de malignité.
À le considérer ainsi, le populisme n'est pas un élan démocratique pour la nation, mais pour le peuple. C'est ce qui l'oppose, de l'avis de certains, à la démocratie républicaine, fondée sur la représentation et la délégation de souveraineté.
Le populisme n'est pas un courant nouveau : on le retrouve déjà aux temps révolutionnaires de 1789, aux épopées du boulangisme, du poujadisme, avortées, jusqu'à celles du bonapartisme, voire, d'une certaine manière, du gaullisme. Et plus récemment, outre-Atlantique, il s'incarne dans la figure emblématique de la républicaine Sarah Palin et des Tea Party, mouvements protestataires fermement opposés à l'État fédéral et à ses impôts. Campagne présidentielle approchant, il revient dans les discours, ici comme une menace, là comme un espoir, en tout cas comme un fait inéluctable : il suffit de voir le succès rencontré par les partis dits populistes dans les démocraties européennes comme la Hongrie ou l'Italie.
Certains s'en inquiètent : favoriser à outrance le plébiscite du peuple pourrait ouvrir la voie à une propagande de masse pour s'assurer son soutien inconditionnel. Avec Chomsky, ils pressentent le danger : pour le linguiste philosophe, "la propagande est aux démocraties ce que la violence est aux dictatures". Comme certains de nos lecteurs, on pourrait s'aventurer à penser que, finalement, le populisme est peut-être l'enfant indispensable de la démocratie. |
En ligne : |
http://www.lepoint.fr/dictionnaire/populiste-16-06-2011-1342485_353.php |
Format de la ressource électronique : |
Article en ligne |
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Titre : |
Populiste : le mot |
Type de document : |
document électronique |
Auteurs : |
Ludovic Pauchant, Auteur |
Année de publication : |
21/06/2011 |
Importance : |
1 article en ligne |
Note générale : |
Le Point.fr - Publié le 16/06/2011 à 00:18 - Modifié le 21/06/2011 à 23:36 |
Langues : |
Français (fre) |
Catégories : |
03 Dictionnaire. Référence. Adresses. Définitions 321.7.02 Démagogie Populisme
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Résumé : |
Article complet :
"Populiste, moi ? J'assume !" déclare Jean-Luc Mélenchon, bien décidé à se réapproprier un mot jusque-là honni par tous. Par tous, ou presque : polysémique, ambigu, il suscite soit la défiance soit l'enthousiasme. C'est une affaire de point de vue...
Le point de vue : "On flatte les bas instincts du peuple"
Shemtov prévient : "À vouloir s'indigner, se révolter contre les vents, marées et tornades, on perd toujours. Et l'on court droit au pire fléau : l'individualisme, le chauvinisme, le populisme. En un mot à la barbarie." Vu ici comme néfaste et dangereux, le populisme est empreint de démagogie : il s'éloigne des discours rationnels pour investir le champ des émotions, il se fait séduction pour recueillir l'assentiment de l'électeur, l'intérêt général est oublié. Ainsi considéré, ce qu'on appelle le populisme a plusieurs cordes à son arc : l'appel au "bon sens", aux "évidences", un discours manichéen, une argumentation compréhensible immédiatement par tous et indolore pour le quotidien du citoyen.
En fait, il exprime la frustration de l'opinion publique. Le populisme refuse toute légitimité aux "élites", intellectuelles, politiques, culturelles, en un mot, ceux "d'en haut", coupés des réalités de la classe populaire, bien décidés à protéger jalousement leurs privilèges. Ce populisme-là inspire la peur, la défiance, comme tout discours qui donne priorité à l'émotion en reléguant la raison, et la distance qu'elle suppose face aux événements.
Le point de vue : "Ostraciser les partis populistes, c'est insulter le peuple"
Pour d'autres, voir dans le populisme un mot péjoratif, c'est afficher un mépris profond pour les électeurs. Ainsi, dans nos colonnes, Indignator s'exaspère du traitement méprisant que réservent certains au mot : "Le terrorisme intellectuel des bobos et bien-pensants nantis réduit le terme populiste à son sens péjoratif. En faire uniquement un gros mot, une sorte d'arme fatale de la rhétorique télévisée et une injure infamante supposée clouer le bec non seulement à tout homme politique, mais aussi et surtout à tout citoyen mécontent, est une atteinte à l'histoire, un péché contre la langue française et une insulte à l'intelligence des électeurs."
Alors, dénoncer le populisme, par exemple de certains partis, d'extrême droite ou d'extrême gauche, ce serait manifester une méfiance à l'égard de la classe populaire, refuser toute idée de démocratie directe, voire refuser au citoyen la capacité de s'exprimer à travers le vote, puisqu'alors il pourrait succomber aux sirènes d'un clientélisme outrancier.
In fine, c'est remettre en question le principe même du suffrage universel : il ne faudrait pas permettre à tous de voter, puisqu'il existerait de "mauvais votes", des votes "dangereux", qui renforceraient de "mauvais partis". Ainsi, le citoyen serait incapable de hauteur d'esprit quand il s'agit de l'avenir de son pays, voire incapable de savoir ce qui est bon pour lui, puisqu'on lui propose des programmes affectivement séduisants, mais dont la médiocrité lui échapperait.
Le point de vue : "Par la démocratie directe, le populisme libère la voix du peuple"
Pour d'autres, le populisme est entendu comme l'une des options de la démocratie participative. Il représente alors la voix nouvelle donnée au peuple, une réaction face à une élite dirigeante disqualifiée, car elle le mépriserait et se serait coupée de lui et de ses préoccupations. Une élite vue comme une "caste oligarchique libérale mondialisée qui tient l'économie, la politique et les médias et s'y maintient à grands coups de communication" (Maximus). Le populisme se revendique ainsi plutôt de la démocratie directe, jugée plus efficace pour contrôler l'activité d'une élite dirigeante sur laquelle pèse une présomption d'incapacité et de malignité.
À le considérer ainsi, le populisme n'est pas un élan démocratique pour la nation, mais pour le peuple. C'est ce qui l'oppose, de l'avis de certains, à la démocratie républicaine, fondée sur la représentation et la délégation de souveraineté.
Le populisme n'est pas un courant nouveau : on le retrouve déjà aux temps révolutionnaires de 1789, aux épopées du boulangisme, du poujadisme, avortées, jusqu'à celles du bonapartisme, voire, d'une certaine manière, du gaullisme. Et plus récemment, outre-Atlantique, il s'incarne dans la figure emblématique de la républicaine Sarah Palin et des Tea Party, mouvements protestataires fermement opposés à l'État fédéral et à ses impôts. Campagne présidentielle approchant, il revient dans les discours, ici comme une menace, là comme un espoir, en tout cas comme un fait inéluctable : il suffit de voir le succès rencontré par les partis dits populistes dans les démocraties européennes comme la Hongrie ou l'Italie.
Certains s'en inquiètent : favoriser à outrance le plébiscite du peuple pourrait ouvrir la voie à une propagande de masse pour s'assurer son soutien inconditionnel. Avec Chomsky, ils pressentent le danger : pour le linguiste philosophe, "la propagande est aux démocraties ce que la violence est aux dictatures". Comme certains de nos lecteurs, on pourrait s'aventurer à penser que, finalement, le populisme est peut-être l'enfant indispensable de la démocratie. |
En ligne : |
http://www.lepoint.fr/dictionnaire/populiste-16-06-2011-1342485_353.php |
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