[article] Qui vote pour l'extrême droite ? : et comment la combattre [texte imprimé] / Jean Faniel (1977-....) . - 2003 . - p. 17. Langues : Français ( fre) in Espace de Libertés > 310 (avril 2003) . - p. 17
Catégories : |
171:329.18 Antifascisme - Lutte contre l'extrême droite 316 Sociologie 32(493) Politique de la Belgique 324 Elections Plébiscites 329.18 Tendance d'extrême droite 329.18(493) Extrême droite Belgique 352(493) Schoten
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Résumé : |
Qui vote pour l'extrême droite ?
L'analyse scientifique permet d'améliorer la connaissance de l'électorat des partis d'extrême droite et de ses motivations. Elle est utile pour lutter contre la progression de ces formations et de leurs idées.
Beaucoup d'études l'ont montré, les partis d'extrême droite attirent les voix de différentes catégories de citoyens. À côté d'un noyau dur, assez restreint, d'extrémistes, leur électorat se compose d'une part d'individus provenant de milieux populaires, et, d'autre part, d'un nombre important d'électeurs issus de milieux aisés, sans difficultés apparentes et ayant voté auparavant pour des partis de la droite «classique». À Schoten, dans la banlieue «chic» d'Anvers, le Vlaams Blok a recueilli 24,5% des voix aux élections communales d'octobre 2000 .
Les motivations électorales de cette frange «aisée» de la population en faveur des partis d'extrême droite sont peu connues. Ainsi en est-on réduit à émettre différentes hypothèses: rejet égoïste des étrangers, attachement au nationalisme le plus étroit dans certains cas, volonté de faire pression sur les partis de la droite «classique» afin qu'ils mènent une politique plus à droite dans d'autres, crainte des partis de gauche, approbation du discours socio-économique parfois très libéral des partis d'extrême droite pour d'autres électeurs encore, etc. La criminalité touchant certains quartiers précis (car- et home-jackings, cambriolages de villas, etc.) et le sentiment d'insécurité qu'elle génère permettent sans doute également d'expliquer un tel vote de la part de personnes apparemment épargnées par les soucis financiers.
En revanche, les raisons qui amènent une fraction de l'électorat «populaire» à voter pour des partis d'extrême droite sont connues avec plus de précision . L'environnement socioéconomique de ces personnes est source de préoccupation pour celles-ci: confrontation au chômage à travers sa propre situation ou celle d'un proche (enfant, conjoint,...), crainte de perdre son emploi, conditions de travail et/ou salariales difficiles, etc.
Cette situation engendre une certaine déception, voire un rejet des partis politiques «traditionnels» jugés responsables de cette situation ou, à tout le moins, perçus comme incapables d'y remédier. L'idée que «tous se ressemblent» revient ainsi de manière récurrente. Une dimension «négative» conduit donc à ce vote de rejet, de protestation. C'est la porte ouverte pour se tourner vers un autre parti.
Une seconde dimension, «positive», va alors pousser ces électeurs de manière plus précise vers les partis d'extrême droite. Le discours xénophobe, voire raciste, que ces formations propagent, séduit ceux qui sont convaincus qu'on en fait effectivement «trop» pour les étrangers et «pas assez» pour eux, dont la situation est difficile. La combinaison d'une situation (perçue comme) difficile, d'un rejet des partis traditionnels et d'une certaine réceptivité à l'égard d'idées xénophobes peut engendrer un vote favorable à l'extrême droite.
Comment reconquérir ces électeurs ?
Ces constats appellent différentes conclusions, utiles dans le combat que mènent les démocrates contre la progression de l'extrême droite. Pour combattre le mal «à la racine», il est nécessaire de s'attaquer véritablement aux conditions de vie des gens en leur procurant un emploi réel, gratifiant, et non un «petit boulot» précaire . Ensuite, il faut que le jeu politique soit clair afin que ces électeurs n'aient plus le sentiment que les partis politiques sont «tous les mêmes»... et que ces partis tiennent leurs promesses sociales, ce qui nous ramène au point précédent. il est également nécessaire de continuer à lutter contre le racisme et de ne pas faire de la question des étrangers un enjeu de campagne électorale . Enfin, il est indispensable de combattre les partis d'extrême droite et leurs slogans en expliquant, de manière simple mais sans le simplisme propre à l'extrême droite elle-même, les dangers que l'application de leur programme feraient courir non seulement aux étrangers, mais également aux salariés , aux chômeurs, aux femmes ou encore aux jeunes .
C'est par un tel travail, difficile mais indispensable, que l'on pourra un jour casser la litanie des «dimanches noirs».
Jean Faniel
notes :
1. Voir Jean Faniel, "L'ex trême droite après les scrutins de 1999 et 2000. Représentation électorale et implantation" Courrier hebdomadaire du CRISP, Bruxelles, n°1709-1710, 2001, p. 28
2. Voir Jean Faniel, "Le vote d'extrême droite en Belgi- que francophone.
Enquête à Seraing", Bruxelles, MRAX, 2000, 178pp.
3. La Belgique compte près de 400.000 chômeurs complets indemnisés. Le Soir, 4 février 2003.
4. À ce titre, la récente décision de la Cour d'Appel de Bruxelles de se déclarer incompétente dans le procès intenté aux trois principales asbl du Vlaams Blok pour infraction à la loi réprimant le racisme (Le Soir, 27102!2003) semble aller à contre-courant de cette lutte "frontale", directe, des organisations d'extrême droite et de leur idéologie.
5. Le Vlaams Blok a ainsi tenté de créer en 1998 un syndjcat dont la principale caractéristique était d'interdire la grève et toute opposition aux employeurs! Cf. Le Soir , 14 mai 1999.
6. Le programme du Front national belge prévoyait ainsi en 1996 l'augmentation du minerval à payer pour effectuer des études supérieures (Le National, no38, octobre 1996, page 12, point 8). |
Permalink : |
https://bibliotheque.territoires-memoire.be/pmb/opac_css/index.php?lvl=notice_di |
[article] inEspace de Libertés > 310 (avril 2003) . - p. 17
Titre : |
Qui vote pour l'extrême droite ? : et comment la combattre |
Type de document : |
texte imprimé |
Auteurs : |
Jean Faniel (1977-....) |
Année de publication : |
2003 |
Article en page(s) : |
p. 17 |
Langues : |
Français (fre) |
Catégories : |
171:329.18 Antifascisme - Lutte contre l'extrême droite 316 Sociologie 32(493) Politique de la Belgique 324 Elections Plébiscites 329.18 Tendance d'extrême droite 329.18(493) Extrême droite Belgique 352(493) Schoten
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Résumé : |
Qui vote pour l'extrême droite ?
L'analyse scientifique permet d'améliorer la connaissance de l'électorat des partis d'extrême droite et de ses motivations. Elle est utile pour lutter contre la progression de ces formations et de leurs idées.
Beaucoup d'études l'ont montré, les partis d'extrême droite attirent les voix de différentes catégories de citoyens. À côté d'un noyau dur, assez restreint, d'extrémistes, leur électorat se compose d'une part d'individus provenant de milieux populaires, et, d'autre part, d'un nombre important d'électeurs issus de milieux aisés, sans difficultés apparentes et ayant voté auparavant pour des partis de la droite «classique». À Schoten, dans la banlieue «chic» d'Anvers, le Vlaams Blok a recueilli 24,5% des voix aux élections communales d'octobre 2000 .
Les motivations électorales de cette frange «aisée» de la population en faveur des partis d'extrême droite sont peu connues. Ainsi en est-on réduit à émettre différentes hypothèses: rejet égoïste des étrangers, attachement au nationalisme le plus étroit dans certains cas, volonté de faire pression sur les partis de la droite «classique» afin qu'ils mènent une politique plus à droite dans d'autres, crainte des partis de gauche, approbation du discours socio-économique parfois très libéral des partis d'extrême droite pour d'autres électeurs encore, etc. La criminalité touchant certains quartiers précis (car- et home-jackings, cambriolages de villas, etc.) et le sentiment d'insécurité qu'elle génère permettent sans doute également d'expliquer un tel vote de la part de personnes apparemment épargnées par les soucis financiers.
En revanche, les raisons qui amènent une fraction de l'électorat «populaire» à voter pour des partis d'extrême droite sont connues avec plus de précision . L'environnement socioéconomique de ces personnes est source de préoccupation pour celles-ci: confrontation au chômage à travers sa propre situation ou celle d'un proche (enfant, conjoint,...), crainte de perdre son emploi, conditions de travail et/ou salariales difficiles, etc.
Cette situation engendre une certaine déception, voire un rejet des partis politiques «traditionnels» jugés responsables de cette situation ou, à tout le moins, perçus comme incapables d'y remédier. L'idée que «tous se ressemblent» revient ainsi de manière récurrente. Une dimension «négative» conduit donc à ce vote de rejet, de protestation. C'est la porte ouverte pour se tourner vers un autre parti.
Une seconde dimension, «positive», va alors pousser ces électeurs de manière plus précise vers les partis d'extrême droite. Le discours xénophobe, voire raciste, que ces formations propagent, séduit ceux qui sont convaincus qu'on en fait effectivement «trop» pour les étrangers et «pas assez» pour eux, dont la situation est difficile. La combinaison d'une situation (perçue comme) difficile, d'un rejet des partis traditionnels et d'une certaine réceptivité à l'égard d'idées xénophobes peut engendrer un vote favorable à l'extrême droite.
Comment reconquérir ces électeurs ?
Ces constats appellent différentes conclusions, utiles dans le combat que mènent les démocrates contre la progression de l'extrême droite. Pour combattre le mal «à la racine», il est nécessaire de s'attaquer véritablement aux conditions de vie des gens en leur procurant un emploi réel, gratifiant, et non un «petit boulot» précaire . Ensuite, il faut que le jeu politique soit clair afin que ces électeurs n'aient plus le sentiment que les partis politiques sont «tous les mêmes»... et que ces partis tiennent leurs promesses sociales, ce qui nous ramène au point précédent. il est également nécessaire de continuer à lutter contre le racisme et de ne pas faire de la question des étrangers un enjeu de campagne électorale . Enfin, il est indispensable de combattre les partis d'extrême droite et leurs slogans en expliquant, de manière simple mais sans le simplisme propre à l'extrême droite elle-même, les dangers que l'application de leur programme feraient courir non seulement aux étrangers, mais également aux salariés , aux chômeurs, aux femmes ou encore aux jeunes .
C'est par un tel travail, difficile mais indispensable, que l'on pourra un jour casser la litanie des «dimanches noirs».
Jean Faniel
notes :
1. Voir Jean Faniel, "L'ex trême droite après les scrutins de 1999 et 2000. Représentation électorale et implantation" Courrier hebdomadaire du CRISP, Bruxelles, n°1709-1710, 2001, p. 28
2. Voir Jean Faniel, "Le vote d'extrême droite en Belgi- que francophone.
Enquête à Seraing", Bruxelles, MRAX, 2000, 178pp.
3. La Belgique compte près de 400.000 chômeurs complets indemnisés. Le Soir, 4 février 2003.
4. À ce titre, la récente décision de la Cour d'Appel de Bruxelles de se déclarer incompétente dans le procès intenté aux trois principales asbl du Vlaams Blok pour infraction à la loi réprimant le racisme (Le Soir, 27102!2003) semble aller à contre-courant de cette lutte "frontale", directe, des organisations d'extrême droite et de leur idéologie.
5. Le Vlaams Blok a ainsi tenté de créer en 1998 un syndjcat dont la principale caractéristique était d'interdire la grève et toute opposition aux employeurs! Cf. Le Soir , 14 mai 1999.
6. Le programme du Front national belge prévoyait ainsi en 1996 l'augmentation du minerval à payer pour effectuer des études supérieures (Le National, no38, octobre 1996, page 12, point 8). |
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