[n° ou bulletin] est un bulletin de
103 - février-mars 2009 - Les révoltés du travail [texte imprimé] . - 2009 . - 1 vol. (98 p.). Langues : Français ( fre)
Catégories : |
323.25 Résistance passive . Désobéissance civile. Lutte non armée 323.26 Résistance armée . Lutte active. Sabotage . Guérilla 323.4 Lutte des classes 331.109.32 Grèves Contestations Inégalités sociales / Précarité
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Note de contenu : |
Les invités-surprises / Mona Chollet et Pierre Rimbert
I. Résistances improbables
Carotte ou bâton, management par la peur ou par la séduction, culpabilisation, chantage à la survie – relever la tête, c’est s’exposer à perdre son salaire ou ses allocations –, désignation de boucs émissaires – chômeurs, immigrés, fonctionnaires – sur lesquels détourner l’expression de sa colère et de sa rancoeur, abrutissement médiatique... Plus ou moins sophistiqués en fonction du contexte et du rapport de forces, les moyens ne manquent pas pour garantir la docilité des soldats de l’économie.
En général, ces moyens fonctionnent plutôt efficacement. Mais il arrive aussi qu’un grain de sable vienne bloquer les rouages de la machine à exploiter. L’analyse lucide du mécanisme dont on est le jouet, le refus de tolérer plus longtemps les abus que l’on subit déjouent les prévisions et subvertissent les conditions dans lesquelles ils prennent naissance : à propos du mouvement des chômeurs de l’hiver 1997-1998 en France, Pierre Bourdieu parlait de « miracle social ». Aucun système, si désespérant et verrouillé qu’il paraisse, si vulnérables que ses victimes puissent sembler, ne peut se prémunir contre la menace d’un tel surgissement.
Rien d’étonnant si, depuis une bonne trentaine d’années, l’organisation du travail a visé la fragmentation des « ressources humaines » : dès lors que vous le laissez côtoyer de façon durable ses compagnons de galère, l’être humain manifeste une fâcheuse propension à s’entendre avec eux pour démultiplier ses forces et fomenter des révoltes.
L’issue de ces confrontations peut être tragique ; il arrive aussi qu’elle soit heureuse et débouche sur des améliorations tangibles. Dans tous les cas, ces failles dans l’ordre des choses marquent profondément les consciences, au point parfois de passer à la postérité. Le XXIe siècle se souvient encore d’un certain Spartacus et de son armée d’esclaves, dont l’épopée remonte à l’an 73 avant Jésus-Christ...
Articles :
- Les sans-papiers jouent leur va-tout / Olivier Piot
- Aux Philippines, une zone franche se rebelle / Mimi Brady et Henry Holland
- Fin de l’idylle entre Renault et la Roumanie / Stéphane Luçon
- Les « Nanas-Benz », reines d’Afrique / Elisabeth Lequeret
- Ce que les Japonais ont appris à Narita / Philippe Pons
- Les chômeurs français font école en Allemagne / Brigitte Pätzold
- Des cols blancs contre la finance / Christophe Dabitch et Jean-François Meekel
- Notre utopie contre la leur / Serge Halimi
II. Luttes organisées
Améliorer l’ordinaire des salariés tout en préparant leur émancipation : à cette « double besogne, quotidienne et d’avenir », du syndicalisme révolutionnaire, définie en 1906 à Amiens, s’est peu à peu ajoutée une troisième tâche – celle qui consiste à défendre les conquêtes, et les emplois eux-mêmes. Les révoltés du travail s’étaient organisés, en Europe, aux Etats-Unis, en Afrique du Sud, pour arracher les droits les plus élémentaires ; c’est « tous ensemble » qu’ils refusent qu’on les leur retire.
Décrié par les puissants, boudé par les salariés, le syndicat forme la dernière digue quand la tempête économique dépeuple bureaux et ateliers.
Si elle s’est faite plus discrète ces dernières années, la conflictualité au travail couve comme le feu sous la cendre. Ses formes évoluent, notent les chercheurs ; elle explose au nez de ceux qui diagnostiquent sa fin. Mais ces conflits ne s’inscrivent plus, comme autrefois, dans un système de valeurs largement partagé. La révolte est orpheline du projet de société qui la portait vers l’abolition du salariat.
Reconstruire un mouvement social impliquerait de mettre en lumière les intérêts communs de catégories sociales fragmentées – précaires, chômeurs, femmes, immigrés –, dont beaucoup demeurent les parents pauvres de la culture syndicale.
Quand les données officielles dévoilent la vitalité des conflits sociaux / S. Béroud, J.-M. Denis, G. Desage, B. Giraud et J. Pélisse
Articles :
- 1905-1995, un siècle de batailles ouvrières / Michel Dreyfus
- Petites chroniques d’une crise annoncée / Gilbert Rochu
- S’organiser en temps d’apartheid / Jean-Pierre Richard
- A Chicago, la lutte syndicale a payé / Peter Dreier
- Les femmes dans les luttes sociales / Geneviève et Thérèse Brisac
- La Commune de Longwy / Pierre Rimbert et Rafaël Trapet
- Pour un mouvement social européen / Pierre Bourdieu
III. Nouveaux horizons
La grève est une école. On y entre d’abord avec appréhension, comme s’il fallait marcher dans le vide. Et, surprise, le sol ne se dérobe pas sous les pieds. L’ordre hier encore inaltérable se fissure, ses mirages se dissipent. Des idées, des pratiques, des formes d’organisation collectives, une chaleur, un avenir – la vie – s’y réinventent au quotidien : conseils ouvriers, congés payés, autogestion... Quand la puissance du groupe dépasse la somme des forces individuelles, tout paraît possible.
Le rêve d’une société égalitaire, dans laquelle le travail cesserait d’être une malédiction – soit parce qu’il respecterait les aspirations et la dignité de chacun, soit parce qu’il aurait été aboli –, n’a jamais cessé, en particulier depuis la révolution industrielle, de hanter les imaginations.
Que ce soit à l’échelle de quelques dizaines de personnes ou d’un pays entier, il arrive que ce rêve devienne réalité. Il connaît alors des fortunes diverses. Les expériences menées pendant la Commune de Paris en 1871, dans l’Allemagne de 1919, l’Espagne de 1936 ou le Chili du début des années 1970 ont été balayées dans le sang ; le système soviétique a dévoyé le sens du communisme dans le crime de masse.
Plus modestes, des projets alternatifs se développent. L’Ecosse, en 1999, profite de son autonomie vis-à -vis de la libérale Angleterre pour faire sa réforme agraire ; les petites communautés de Longo Maï restent fidèles aux idéaux de l’après-68. Tandis que s’étoffe la revendication d’un « revenu d’existence » découplé du travail.
Articles :
- Les inventeurs de mondes / Mireille Azzoug
- Ambiguïtés de l’économie sociale et solidaire / Jean-Loup Motchane
- Redistribution des terres en Ecosse / Alastair McIntosh et Vérène Nicolas
- A Longo Maï, réussites et tâtonnements / Ingrid Carlander
- L’Espagne, royaume de l’anarchisme / Frédéric Goldbronn et Frank Mintz
- Les travailleurs et l’autogestion au Chili et au Pérou / Michel Raptis
- Un chef-d’oeuvre pour saluer une révolution / Lionel Richard
- Bâtir la civilisation du temps libéré / André Gorz
Iconographie
Des représentations du monde du travail tel que l’a montré le cinéma illustrent ce numéro. Tous nos remerciements à Ilka Vari-Lavoisier pour ses patientes recherches, à Catherine Fröchen et à Marie Brosillon, de la photothèque des Cahiers du cinéma, au service iconographique de la Cinémathèque française, ainsi qu’aux artistes et aux maisons de production pour leurs documents.
Caméra sociale /Mona Chollet
- Le Crime de Monsieur Lange, de Jean Renoir
- Brassed Off (Les Virtuoses), de Mark Herman
- L’An 01, de Gébé
Extraits de films
- Un idiot à Paris, de Serge Korber
- Attention danger travail, de Pierre Carles
- The Big One, de Michael Moore
Cartographie / Philippe Rekacewicz avec la collaboration d’Agnès Stienne et Emmanuelle Bournay
- Condition laborieuse
- La disproportion des forces
- Inégalités à tous les étages
Documentation / Olivier Pironet
Essais
Sur la Toile |
Permalink : |
https://bibliotheque.territoires-memoire.be/pmb/opac_css/index.php?lvl=bulletin_ |
[n° ou bulletin] est un bulletin de
Titre : |
103 - février-mars 2009 - Les révoltés du travail |
Type de document : |
texte imprimé |
Année de publication : |
2009 |
Importance : |
1 vol. (98 p.) |
Langues : |
Français (fre) |
Catégories : |
323.25 Résistance passive . Désobéissance civile. Lutte non armée 323.26 Résistance armée . Lutte active. Sabotage . Guérilla 323.4 Lutte des classes 331.109.32 Grèves Contestations Inégalités sociales / Précarité
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Note de contenu : |
Les invités-surprises / Mona Chollet et Pierre Rimbert
I. Résistances improbables
Carotte ou bâton, management par la peur ou par la séduction, culpabilisation, chantage à la survie – relever la tête, c’est s’exposer à perdre son salaire ou ses allocations –, désignation de boucs émissaires – chômeurs, immigrés, fonctionnaires – sur lesquels détourner l’expression de sa colère et de sa rancoeur, abrutissement médiatique... Plus ou moins sophistiqués en fonction du contexte et du rapport de forces, les moyens ne manquent pas pour garantir la docilité des soldats de l’économie.
En général, ces moyens fonctionnent plutôt efficacement. Mais il arrive aussi qu’un grain de sable vienne bloquer les rouages de la machine à exploiter. L’analyse lucide du mécanisme dont on est le jouet, le refus de tolérer plus longtemps les abus que l’on subit déjouent les prévisions et subvertissent les conditions dans lesquelles ils prennent naissance : à propos du mouvement des chômeurs de l’hiver 1997-1998 en France, Pierre Bourdieu parlait de « miracle social ». Aucun système, si désespérant et verrouillé qu’il paraisse, si vulnérables que ses victimes puissent sembler, ne peut se prémunir contre la menace d’un tel surgissement.
Rien d’étonnant si, depuis une bonne trentaine d’années, l’organisation du travail a visé la fragmentation des « ressources humaines » : dès lors que vous le laissez côtoyer de façon durable ses compagnons de galère, l’être humain manifeste une fâcheuse propension à s’entendre avec eux pour démultiplier ses forces et fomenter des révoltes.
L’issue de ces confrontations peut être tragique ; il arrive aussi qu’elle soit heureuse et débouche sur des améliorations tangibles. Dans tous les cas, ces failles dans l’ordre des choses marquent profondément les consciences, au point parfois de passer à la postérité. Le XXIe siècle se souvient encore d’un certain Spartacus et de son armée d’esclaves, dont l’épopée remonte à l’an 73 avant Jésus-Christ...
Articles :
- Les sans-papiers jouent leur va-tout / Olivier Piot
- Aux Philippines, une zone franche se rebelle / Mimi Brady et Henry Holland
- Fin de l’idylle entre Renault et la Roumanie / Stéphane Luçon
- Les « Nanas-Benz », reines d’Afrique / Elisabeth Lequeret
- Ce que les Japonais ont appris à Narita / Philippe Pons
- Les chômeurs français font école en Allemagne / Brigitte Pätzold
- Des cols blancs contre la finance / Christophe Dabitch et Jean-François Meekel
- Notre utopie contre la leur / Serge Halimi
II. Luttes organisées
Améliorer l’ordinaire des salariés tout en préparant leur émancipation : à cette « double besogne, quotidienne et d’avenir », du syndicalisme révolutionnaire, définie en 1906 à Amiens, s’est peu à peu ajoutée une troisième tâche – celle qui consiste à défendre les conquêtes, et les emplois eux-mêmes. Les révoltés du travail s’étaient organisés, en Europe, aux Etats-Unis, en Afrique du Sud, pour arracher les droits les plus élémentaires ; c’est « tous ensemble » qu’ils refusent qu’on les leur retire.
Décrié par les puissants, boudé par les salariés, le syndicat forme la dernière digue quand la tempête économique dépeuple bureaux et ateliers.
Si elle s’est faite plus discrète ces dernières années, la conflictualité au travail couve comme le feu sous la cendre. Ses formes évoluent, notent les chercheurs ; elle explose au nez de ceux qui diagnostiquent sa fin. Mais ces conflits ne s’inscrivent plus, comme autrefois, dans un système de valeurs largement partagé. La révolte est orpheline du projet de société qui la portait vers l’abolition du salariat.
Reconstruire un mouvement social impliquerait de mettre en lumière les intérêts communs de catégories sociales fragmentées – précaires, chômeurs, femmes, immigrés –, dont beaucoup demeurent les parents pauvres de la culture syndicale.
Quand les données officielles dévoilent la vitalité des conflits sociaux / S. Béroud, J.-M. Denis, G. Desage, B. Giraud et J. Pélisse
Articles :
- 1905-1995, un siècle de batailles ouvrières / Michel Dreyfus
- Petites chroniques d’une crise annoncée / Gilbert Rochu
- S’organiser en temps d’apartheid / Jean-Pierre Richard
- A Chicago, la lutte syndicale a payé / Peter Dreier
- Les femmes dans les luttes sociales / Geneviève et Thérèse Brisac
- La Commune de Longwy / Pierre Rimbert et Rafaël Trapet
- Pour un mouvement social européen / Pierre Bourdieu
III. Nouveaux horizons
La grève est une école. On y entre d’abord avec appréhension, comme s’il fallait marcher dans le vide. Et, surprise, le sol ne se dérobe pas sous les pieds. L’ordre hier encore inaltérable se fissure, ses mirages se dissipent. Des idées, des pratiques, des formes d’organisation collectives, une chaleur, un avenir – la vie – s’y réinventent au quotidien : conseils ouvriers, congés payés, autogestion... Quand la puissance du groupe dépasse la somme des forces individuelles, tout paraît possible.
Le rêve d’une société égalitaire, dans laquelle le travail cesserait d’être une malédiction – soit parce qu’il respecterait les aspirations et la dignité de chacun, soit parce qu’il aurait été aboli –, n’a jamais cessé, en particulier depuis la révolution industrielle, de hanter les imaginations.
Que ce soit à l’échelle de quelques dizaines de personnes ou d’un pays entier, il arrive que ce rêve devienne réalité. Il connaît alors des fortunes diverses. Les expériences menées pendant la Commune de Paris en 1871, dans l’Allemagne de 1919, l’Espagne de 1936 ou le Chili du début des années 1970 ont été balayées dans le sang ; le système soviétique a dévoyé le sens du communisme dans le crime de masse.
Plus modestes, des projets alternatifs se développent. L’Ecosse, en 1999, profite de son autonomie vis-à -vis de la libérale Angleterre pour faire sa réforme agraire ; les petites communautés de Longo Maï restent fidèles aux idéaux de l’après-68. Tandis que s’étoffe la revendication d’un « revenu d’existence » découplé du travail.
Articles :
- Les inventeurs de mondes / Mireille Azzoug
- Ambiguïtés de l’économie sociale et solidaire / Jean-Loup Motchane
- Redistribution des terres en Ecosse / Alastair McIntosh et Vérène Nicolas
- A Longo Maï, réussites et tâtonnements / Ingrid Carlander
- L’Espagne, royaume de l’anarchisme / Frédéric Goldbronn et Frank Mintz
- Les travailleurs et l’autogestion au Chili et au Pérou / Michel Raptis
- Un chef-d’oeuvre pour saluer une révolution / Lionel Richard
- Bâtir la civilisation du temps libéré / André Gorz
Iconographie
Des représentations du monde du travail tel que l’a montré le cinéma illustrent ce numéro. Tous nos remerciements à Ilka Vari-Lavoisier pour ses patientes recherches, à Catherine Fröchen et à Marie Brosillon, de la photothèque des Cahiers du cinéma, au service iconographique de la Cinémathèque française, ainsi qu’aux artistes et aux maisons de production pour leurs documents.
Caméra sociale /Mona Chollet
- Le Crime de Monsieur Lange, de Jean Renoir
- Brassed Off (Les Virtuoses), de Mark Herman
- L’An 01, de Gébé
Extraits de films
- Un idiot à Paris, de Serge Korber
- Attention danger travail, de Pierre Carles
- The Big One, de Michael Moore
Cartographie / Philippe Rekacewicz avec la collaboration d’Agnès Stienne et Emmanuelle Bournay
- Condition laborieuse
- La disproportion des forces
- Inégalités à tous les étages
Documentation / Olivier Pironet
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