[article] La Grande Terreur en URSS [texte imprimé] / Alain Blum, Directeur de publication ; Nicolas Werth (1950-....), Directeur de publication . - 2010 . - pp. 2-113. Langues : Français ( fre) in Vingtième siècle > 107 (juillet-septembre 2010) . - pp. 2-113
Catégories : |
321.6(47) Stalinisme 94(47)"19" Histoire de l'URSS au XXe siècle (depuis 1917) La Grande Terreur (août 1937-septembre 1938, URSS)
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Note de contenu : |
Nicolas Werth et Alain Blum / La Grande Terreur des années 1937-1938 : Un profond renouveau historiographique
Depuis une quinzaine d’années, l’historiographie de ce qu’il est convenu d’appeler la Grande Terreur des années 1937-1938 a été profondément renouvelée, tant par des historiens russes et ukrainiens que par des historiens occidentaux. Rappelons brièvement que cet épisode paroxystique de la terreur stalinienne avait, bien avant l’ouverture des archives de l’ex-URSS, suscité de...
Plan de l’article : Bref rappel historiographique / L’ouverture des archives / Formes de répression : purges et « opérations de masse » / Préhistoire de la Grande Terreur / Le moment 1937 / Les mécanismes de prise de décision / La mise en œuvre des « opérations de masse » / Les autres formes de participation / Que savons-nous des victimes ? / La question de la réhabilitation
Gábor T. Rittersporn / Police politique, magistrats, terreur Justice et violence institutionnalisée en URSS
La politique pénale qui a précédé la Terreur de 1937 et de 1938 ne permet pas de conclure que cette dernière avait été planifiée de longue date. Durant quatre années les dirigeants ont encouragé le Parquet à contrôler les pratiques de la police politique dans des domaines aussi cruciaux qu’arrestations ou jugements. La pratique pénale reflétait les incertitudes du régime face à ses ennemis présumés. Le remarquable formalisme juridique alors dominant n’exclua pas la persécution de contre-révolutionnaires imaginaires et de gens jugés socialement dangereux sans qu’ils soient pour autant accusés d’avoir commis des crimes. À la veille même de la Grande Terreur les autorités insistèrent pour que ceux-ci soient poursuivis dans un cadre légalement défini. Ce formalisme fut balayé un temps par la terreur, devenue incontrôlable. Mais il fut rétabli en 1939, malgré l’opposition de la police secrète. Le nombre des affaires politiques et des éléments socialement dangereux baissa, les travailleurs indisciplinés devant la cible prioritaire de la répression.
Iouri Å apoval / La Iejovschina en Ukraine (1936-1938)
Les étapes clés de la politique de la Grande Terreur en Ukraine en 1936-1938 font l’objet de cet article. Selon l’auteur, lorsque Nikolai Iejov devient commissaire du peuple de l’URSS à l’Intérieur, en septembre 1936, l’Ukraine avait cela de spécifique qu’elle avait déjà connu des opérations de terreur de masse et une purge de ses élites. À partir de 1935 avaient été menées en Ukraine des « opérations de masses » fondées sur des critères ethniques – la déportation des familles de Polonais et d’Allemands des zones frontières. Enfin, la direction stalinienne ayant fait de la famine un instrument de politique nationale, avait commencé une chasse frontale contre les « partisans de Petlioura », les « agents de Pi?sudski » et les « nationalistes ukrainiens » latents, catégories dans lesquelles tombaient déjà certains représentants de l’intelligentsia procommuniste et des structures du parti et de l’État. Pour autant, l’arrivée de Iejov au pouvoir a signifié une nouvelle étape de purges et le début des « opérations de masses », qui ont pris en Ukraine une dimension toute particulière. Cet article analyse ces opérations ainsi que l’action de trois commissaires du peuple d’Ukraine à l’intérieur, ayant dirigé les répressions jusqu’à la chute de Iejov.
Oleg Leibovitch / Les fonctionnaires régionaux du NKVD face aux purges de 1937-1938
Cet article propose l’une des premières études détaillées du milieu des fonctionnaires du NKVD dans une région précise (celle de Perm, dans l’Oural) avant et pendant la Grande Terreur de 1937-1938. Il analyse la place du NKVD dans la nomenklatura régionale, les rapports entre le NKVD et le parti au niveau local, le « quotidien » de l’activité, devenue quelque peu routinière, des fonctionnaires du NKVD. Puis survient la « grande secousse » du printemps 1937, au cours de laquelle la plupart des dirigeants régionaux du parti sont arrêtés sous prétexte de « comploter » contre Staline. À partir de ce moment-là , le NKVD est profondément remanié : nouveaux cadres, nouvelles méthodes, nouvelle hiérarchie. On ne peut pas comprendre l’implication du NKVD dans les « opérations secrètes de masse » sans tenir compte des changements profonds et des purges qui affectent, au même moment, le NKVD lui-même.
François-Xavier Nérard / L'action populaire pendant la Grande Terreur (1937-1938)
La Grande Terreur stalinienne est d’abord une terreur d’État, pensée à son sommet et mis en œuvre par ses agents. Cette terreur a pourtant une dimension populaire que cet article cherche à étudier. Largement secrète, la violence stalinienne est néanmoins parfois mise en scène lors de réunions publiques qui contraignent les Soviétiques à en être spectateurs, sinon acteurs. Vote, prise de parole ou dénonciation, écrite ou orale : les moyens de faire participer les Soviétiques sont divers. Pourtant les citoyens sont loin d’être uniquement passifs face à la Terreur. Cet article s’attache plus particulièrement aux lettres envoyées pendant ces mois de violences extrêmes : pour se protéger, pour démentir, pour défendre, mais aussi pour attaquer, pour salir, pour nuire, les Soviétiques ne cessent de s’adresser au pouvoir. Il s’agit ainsi d’étudier l’action populaire dans toute sa diversité.
Malte Griesse / Journal intime, identité et espaces communicationnels pendant la Grande Terreur
Dans les journaux intimes de l’époque stalinienne les manifestations d’isolement et de déprime sont légion. Les diaristes de l’époque ont souvent tendance à culpabiliser et à chercher la faute dans leur for intérieur. Le fait de critiquer le régime et de mettre en cause sa légitimité contribue à les isoler, surtout s’ils ne partagent pas leurs pensées. Cet article examine d’abord la fragilisation du moi par le non-dit et l’impact de l’isolement sur une identification sans bornes avec le pouvoir en place. Il présente ensuite les espaces communicationnels informels, amicaux, voire intimes, qui se dessinent dans les journaux, leur ambiguïté et leurs limites, ainsi que l’impact qu’ils ont sur une prise de distance par rapport au discours officiel. Sont enfin émises des hypothèses sur le point de vue du régime et sur les stratégies qui en découlent dans les interactions concrètes de celui-ci avec les individus.
Marc Elie / Ce que réhabiliter veut dire Khrouchtchev et Gorbatchev aux prises avec l'héritage répressif stalinien
Comment les successeurs de Staline ont-ils géré l’inconfortable legs des années de terreur ? Comment s’est posée la question de la réparation des torts infligés à des millions de personnes et quelles réponses les héritiers du dictateur ont-ils tenté d’y apporter ? À deux reprises, sous la direction d’abord de Nikita Khrouchtchev (1953-1964) puis de Mikhail Gorbatchev (1985-1991), le passé stalinien fut l’objet d’intenses débats dans la société et la sphère politique soviétiques. C’est la posture critique face à l’époque stalinienne que désigne le mot d’ordre « réhabilitation », caractéristique à la fois du Dégel et de la perestroïka. Les procédures sociojuridiques de rétablissement dans leurs droits des victimes de Staline restèrent pour leur part à l’état embryonnaire jusqu’à la fin de l’ère soviétique. Cet article retrace l’histoire de l’inachèvement de la politique de réhabilitation, marqué par l’impossibilité de mettre radicalement à distance le passé soviétique pour le livrer à l’analyse critique. |
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[article]
Titre : |
La Grande Terreur en URSS |
Type de document : |
texte imprimé |
Auteurs : |
Alain Blum, Directeur de publication ; Nicolas Werth (1950-....), Directeur de publication |
Année de publication : |
2010 |
Article en page(s) : |
pp. 2-113 |
Langues : |
Français (fre) |
Catégories : |
321.6(47) Stalinisme 94(47)"19" Histoire de l'URSS au XXe siècle (depuis 1917) La Grande Terreur (août 1937-septembre 1938, URSS)
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Note de contenu : |
Nicolas Werth et Alain Blum / La Grande Terreur des années 1937-1938 : Un profond renouveau historiographique
Depuis une quinzaine d’années, l’historiographie de ce qu’il est convenu d’appeler la Grande Terreur des années 1937-1938 a été profondément renouvelée, tant par des historiens russes et ukrainiens que par des historiens occidentaux. Rappelons brièvement que cet épisode paroxystique de la terreur stalinienne avait, bien avant l’ouverture des archives de l’ex-URSS, suscité de...
Plan de l’article : Bref rappel historiographique / L’ouverture des archives / Formes de répression : purges et « opérations de masse » / Préhistoire de la Grande Terreur / Le moment 1937 / Les mécanismes de prise de décision / La mise en œuvre des « opérations de masse » / Les autres formes de participation / Que savons-nous des victimes ? / La question de la réhabilitation
Gábor T. Rittersporn / Police politique, magistrats, terreur Justice et violence institutionnalisée en URSS
La politique pénale qui a précédé la Terreur de 1937 et de 1938 ne permet pas de conclure que cette dernière avait été planifiée de longue date. Durant quatre années les dirigeants ont encouragé le Parquet à contrôler les pratiques de la police politique dans des domaines aussi cruciaux qu’arrestations ou jugements. La pratique pénale reflétait les incertitudes du régime face à ses ennemis présumés. Le remarquable formalisme juridique alors dominant n’exclua pas la persécution de contre-révolutionnaires imaginaires et de gens jugés socialement dangereux sans qu’ils soient pour autant accusés d’avoir commis des crimes. À la veille même de la Grande Terreur les autorités insistèrent pour que ceux-ci soient poursuivis dans un cadre légalement défini. Ce formalisme fut balayé un temps par la terreur, devenue incontrôlable. Mais il fut rétabli en 1939, malgré l’opposition de la police secrète. Le nombre des affaires politiques et des éléments socialement dangereux baissa, les travailleurs indisciplinés devant la cible prioritaire de la répression.
Iouri Å apoval / La Iejovschina en Ukraine (1936-1938)
Les étapes clés de la politique de la Grande Terreur en Ukraine en 1936-1938 font l’objet de cet article. Selon l’auteur, lorsque Nikolai Iejov devient commissaire du peuple de l’URSS à l’Intérieur, en septembre 1936, l’Ukraine avait cela de spécifique qu’elle avait déjà connu des opérations de terreur de masse et une purge de ses élites. À partir de 1935 avaient été menées en Ukraine des « opérations de masses » fondées sur des critères ethniques – la déportation des familles de Polonais et d’Allemands des zones frontières. Enfin, la direction stalinienne ayant fait de la famine un instrument de politique nationale, avait commencé une chasse frontale contre les « partisans de Petlioura », les « agents de Pi?sudski » et les « nationalistes ukrainiens » latents, catégories dans lesquelles tombaient déjà certains représentants de l’intelligentsia procommuniste et des structures du parti et de l’État. Pour autant, l’arrivée de Iejov au pouvoir a signifié une nouvelle étape de purges et le début des « opérations de masses », qui ont pris en Ukraine une dimension toute particulière. Cet article analyse ces opérations ainsi que l’action de trois commissaires du peuple d’Ukraine à l’intérieur, ayant dirigé les répressions jusqu’à la chute de Iejov.
Oleg Leibovitch / Les fonctionnaires régionaux du NKVD face aux purges de 1937-1938
Cet article propose l’une des premières études détaillées du milieu des fonctionnaires du NKVD dans une région précise (celle de Perm, dans l’Oural) avant et pendant la Grande Terreur de 1937-1938. Il analyse la place du NKVD dans la nomenklatura régionale, les rapports entre le NKVD et le parti au niveau local, le « quotidien » de l’activité, devenue quelque peu routinière, des fonctionnaires du NKVD. Puis survient la « grande secousse » du printemps 1937, au cours de laquelle la plupart des dirigeants régionaux du parti sont arrêtés sous prétexte de « comploter » contre Staline. À partir de ce moment-là , le NKVD est profondément remanié : nouveaux cadres, nouvelles méthodes, nouvelle hiérarchie. On ne peut pas comprendre l’implication du NKVD dans les « opérations secrètes de masse » sans tenir compte des changements profonds et des purges qui affectent, au même moment, le NKVD lui-même.
François-Xavier Nérard / L'action populaire pendant la Grande Terreur (1937-1938)
La Grande Terreur stalinienne est d’abord une terreur d’État, pensée à son sommet et mis en œuvre par ses agents. Cette terreur a pourtant une dimension populaire que cet article cherche à étudier. Largement secrète, la violence stalinienne est néanmoins parfois mise en scène lors de réunions publiques qui contraignent les Soviétiques à en être spectateurs, sinon acteurs. Vote, prise de parole ou dénonciation, écrite ou orale : les moyens de faire participer les Soviétiques sont divers. Pourtant les citoyens sont loin d’être uniquement passifs face à la Terreur. Cet article s’attache plus particulièrement aux lettres envoyées pendant ces mois de violences extrêmes : pour se protéger, pour démentir, pour défendre, mais aussi pour attaquer, pour salir, pour nuire, les Soviétiques ne cessent de s’adresser au pouvoir. Il s’agit ainsi d’étudier l’action populaire dans toute sa diversité.
Malte Griesse / Journal intime, identité et espaces communicationnels pendant la Grande Terreur
Dans les journaux intimes de l’époque stalinienne les manifestations d’isolement et de déprime sont légion. Les diaristes de l’époque ont souvent tendance à culpabiliser et à chercher la faute dans leur for intérieur. Le fait de critiquer le régime et de mettre en cause sa légitimité contribue à les isoler, surtout s’ils ne partagent pas leurs pensées. Cet article examine d’abord la fragilisation du moi par le non-dit et l’impact de l’isolement sur une identification sans bornes avec le pouvoir en place. Il présente ensuite les espaces communicationnels informels, amicaux, voire intimes, qui se dessinent dans les journaux, leur ambiguïté et leurs limites, ainsi que l’impact qu’ils ont sur une prise de distance par rapport au discours officiel. Sont enfin émises des hypothèses sur le point de vue du régime et sur les stratégies qui en découlent dans les interactions concrètes de celui-ci avec les individus.
Marc Elie / Ce que réhabiliter veut dire Khrouchtchev et Gorbatchev aux prises avec l'héritage répressif stalinien
Comment les successeurs de Staline ont-ils géré l’inconfortable legs des années de terreur ? Comment s’est posée la question de la réparation des torts infligés à des millions de personnes et quelles réponses les héritiers du dictateur ont-ils tenté d’y apporter ? À deux reprises, sous la direction d’abord de Nikita Khrouchtchev (1953-1964) puis de Mikhail Gorbatchev (1985-1991), le passé stalinien fut l’objet d’intenses débats dans la société et la sphère politique soviétiques. C’est la posture critique face à l’époque stalinienne que désigne le mot d’ordre « réhabilitation », caractéristique à la fois du Dégel et de la perestroïka. Les procédures sociojuridiques de rétablissement dans leurs droits des victimes de Staline restèrent pour leur part à l’état embryonnaire jusqu’à la fin de l’ère soviétique. Cet article retrace l’histoire de l’inachèvement de la politique de réhabilitation, marqué par l’impossibilité de mettre radicalement à distance le passé soviétique pour le livrer à l’analyse critique. |
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in Vingtième siècle > 107 (juillet-septembre 2010) . - pp. 2-113
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