[n° ou bulletin] est un bulletin de
53 - 2014 - L’ordinaire de la guerre [texte imprimé] . - 2014 . - 221 p. ; 21 cm. Langues : Français ( fre)
Catégories : |
17 Morale Ethique Philosophie pratique Valeurs 172.4 Morale Ethique internationale / Paix / Pacifisme 341.485(675.98) Génocide des Tutsis au Rwanda 37:17 Travail de Mémoire 94(100)"1914/18" Histoire Première Guerre mondiale Judéocide / Shoah
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Résumé : |
Site éditeur:
Ce numéro est conçu en réaction aux postures, souvent esthétisantes, par lesquelles l’objet guerrier est trop souvent mis en scène comme sidérant, obscur, dépassant l’entendement, et dont il faudrait avant tout « retrouver » la violence dans ce qu’elle a de plus immédiatement brutal. On retrouve notamment cette tendance dans les travaux des historiens de la Guerre de 1914–1918 aujourd’hui dominants. Les contributions ici réunies montrent au contraire que les guerres et leurs violences peuvent répondre de logiques sociales ordinaires. En effet, c’est précisément parce que les meurtres de masses du xxe siècle suscitent à bon droit la stupeur et l’effroi qu’il importe de montrer ce qu’ils doivent aux sociétés qui les ont produites. Contre le tout culturel qui accompagne aujourd’hui la fascination de la violence ou de l’événement guerrier pour lui-même, ce numéro est un plaidoyer pour l’histoire sociale des conflits. |
Note de contenu : |
Table des matières :
L’ordinaire de la guerre / François Buton, AndréLoez, Nicolas Mariot, Philippe Olivera
Histoires de violences et violence (sociale) de l’histoire / Philippe Olivera
Une certaine histoire de la Grande Guerre s’est progressivement imposée au tournant des années 2000, stigmatisant l’aveuglement et les fautes professionnelles de ses prédécesseurs et renvoyant tous les concurrents à l’idéologie. Caractérisée par sa volonté de balayer la parole des témoins directs de l’événement, portée sur les fonts baptismaux par les plus hautes autorités éditoriale et universitaire, cette « école de Péronne » s’incarne au cours des années 1990 dans les personnes d’Annette Becker et de Stéphane Audoin-Rouzeau, sous la houlette d’un grand entrepreneur en « nouvelle histoire », leur éditeur Pierre Nora. Mais cette « nouvelle histoire » de la Grande Guerre est surtout une histoire sans complexe de dominants pour les dominants, dont l’essentiel du propos est de nier la domination en confisquant la parole des dominés.
Aux sources d’une histoire controversée. Une lecture de 14-18, retrouver la guerre de S. Audoin-Rouzeau et A. Becker / Blaise Wilfert-Portal
Compte-rendu de 14-18, retrouver la guerre, livre publié dans la prestigieuse « Bibliothèque des histoires » des éditions Gallimard en 2000, ce texte propose, en même temps qu’une leçon d’histoire, deux leçons de politique. Analyse fouillée et argumentée des thèses du livre d’Annette Becker et Stéphane Audoin-Rouzeau, qui en soulève les limites méthodologiques et en dévoile les partis-pris idéologiques, ce compte-rendu fut censuré par les Cahiers Jean Jaurès et l’auteur, dans le même élan, écarté de son poste de secrétaire de rédaction pour avoir contredit à l’« esprit amical » qui reliait ses directeurs et les auteurs critiqués.
Norbert Elias soldat ou La Grande Guerre du sociologue / François Buton
On sait peu de choses de Norbert Elias soldat pendant la Grande Guerre, mais le regard de sociologue expérimenté qu’il porte sur son expérience de la guerre, sur la guerre et sur le monde en général, peut nous aider à mieux saisir l’ordinaire de la guerre. En particulier pour mettre en doute le « consentement » patriotique des soldats à la guerre, tenu pour la clef de leur ténacité et de leur violence. Loin d’être dans « l’évitement » ou « l’occultation » de la violence de guerre comme son silence relatif l’indiquerait, Elias s’avère au contraire un témoin particulièrement scrupuleux, car c’est en sociologue soucieux d’objectivation qu’il évoque la guerre et sa propre expérience de soldat.
Vers une histoire au plus proche des interactions sociales ? Entretien sur l’histoire récente de la Shoah / Claire Zalc & André Loez
— Une des questions les plus discutées dans les dernières décennies est celle de la chronologie et de la prise de décision : quand l’extermination a-t-elle été décidée, planihée, ordonnée ? — Mes intérêts d’historienne me portent à chercher la réponse du côté des victimes : parmi les personnes qui sont à bord d’un convoi de déportation, quels savoirs circulent ? Les femmes qui écrivent « Mon mari a été déporté » savent- elles qu’il ne va jamais revenir ? Une femme, juive allemande, raconte qu’en arrivant à Auschwitz, en septembre 1942, elle s’adresse en allemand à un SS pour lui demander : « Que dois-je faire de mon manteau? Est-ce que je le pose sur ma valise? » Qu’elle puisse avoir cette préoccupation à ce moment-là montre que, sur un plan au moins, elle ne savait pas ce qui allait lui arriver.
Enquêtes au Rwanda. Questions de recherche sur le génocide tutsi / Claudine Vidal
En 1994, la population tutsie était principalement paysanne, si bien que le plus grand nombre des individus et des familles furent massacrés avec le concours de tueurs, eux aussi paysans. Comment en rendre compte ? Des études avaient montré l’aggravation des conditions de vie en milieu rural, la montée de la violence sociale et politique durant les années 1980 et 1990, l’insécurité due à la guerre débutée en 1990 au nord du Rwanda. Cependant, à l’exception des pogroms locaux qui furent suscités par des autorités extrémistes, les paysans tutsis n’étaient pas, avant 1994, la cible de leurs voisins hutus. J’ai voulu montrer ici que, jusqu’à présent, seules les approches microsociologiques (ou microhistoriques) ont réussi à observer comment, par quelles médiations, des paysans hutus n’ont plus considéré les paysans tutsis comme des individus qu’ils connaissaient et dont ils partageaient la quotidienneté, mais comme des ennemis à détruire.
« L’opération a été bien menée et vigoureusement exécutée ». Compte-rendu d’un coup de main à l’été 1916 / Dimitri Chavaroche & André Loez
Dans le regain d’intérêt pour les violences de guerre qu’ont connu les sciences sociales depuis les années 1990, la Grande Guerre tient une place importante : on qualifie souvent ses violences de « matricielles », annonçant des franchissements de seuils décisifs pour l’ensemble du XXe siècle. Curieusement, c’est le combat au corps à corps qui est fréquemment mis en avant comme l’élément central d’une « brutalisation » supposée des hommes et de la guerre. Des textes comme ceux d’Ernst Jünger et le couteau de tranchées deviennent ainsi emblématiques d’un discours sur la violence combattante qui s’est largement imposé. Nous donnons ici à lire - brièvement commenté - un document primaire illustrant les réalités du combat aux tranchées en 1914-1918, pour en montrer, en-deçà des images ou des idées reçues, les dimensions ordinaires.
Comment faire une histoire populaire des tranchées ? / Nicolas Mariot
On doit faire la distinction entre une histoire des tranchées vue d’en bas et une histoire populaire des tranchées. L’histoire du front à partir de sources populaires revient à se saisir des écrits du peuple comme source pour compléter nos connaissances de la vie des premières lignes. En revanche, une histoire populaire des tranchées consisterait à se saisir des écrits d’en bas en tant que la manière dont ils sont rédigés dit quelque chose de la façon spécifique par laquelle les classes populaires endurent la guerre. Et ce conflit donne des appuis inestimables : parce que l’immense majorité des conscrits a été scolarisée, ceux qu’en général on n’entend jamais, la masse de ceux qui « prennent la vie comme elle vient » ont parfois saisi la plume pour raconter, d’une manière spécifique, leur expérience du front.
LA LEÇON DES CHOSES
Non-prolifération nucléaire : arme de justification massive. Le traité de non-protestation nucléaire / Susan Watkins, traduit par Clément Petitjean, présenté par Philippe Olivera & Clément Petitjean
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[n° ou bulletin] est un bulletin de
Titre : |
53 - 2014 - L’ordinaire de la guerre |
Type de document : |
texte imprimé |
Année de publication : |
2014 |
Importance : |
221 p. |
Format : |
21 cm |
Langues : |
Français (fre) |
Catégories : |
17 Morale Ethique Philosophie pratique Valeurs 172.4 Morale Ethique internationale / Paix / Pacifisme 341.485(675.98) Génocide des Tutsis au Rwanda 37:17 Travail de Mémoire 94(100)"1914/18" Histoire Première Guerre mondiale Judéocide / Shoah
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Résumé : |
Site éditeur:
Ce numéro est conçu en réaction aux postures, souvent esthétisantes, par lesquelles l’objet guerrier est trop souvent mis en scène comme sidérant, obscur, dépassant l’entendement, et dont il faudrait avant tout « retrouver » la violence dans ce qu’elle a de plus immédiatement brutal. On retrouve notamment cette tendance dans les travaux des historiens de la Guerre de 1914–1918 aujourd’hui dominants. Les contributions ici réunies montrent au contraire que les guerres et leurs violences peuvent répondre de logiques sociales ordinaires. En effet, c’est précisément parce que les meurtres de masses du xxe siècle suscitent à bon droit la stupeur et l’effroi qu’il importe de montrer ce qu’ils doivent aux sociétés qui les ont produites. Contre le tout culturel qui accompagne aujourd’hui la fascination de la violence ou de l’événement guerrier pour lui-même, ce numéro est un plaidoyer pour l’histoire sociale des conflits. |
Note de contenu : |
Table des matières :
L’ordinaire de la guerre / François Buton, AndréLoez, Nicolas Mariot, Philippe Olivera
Histoires de violences et violence (sociale) de l’histoire / Philippe Olivera
Une certaine histoire de la Grande Guerre s’est progressivement imposée au tournant des années 2000, stigmatisant l’aveuglement et les fautes professionnelles de ses prédécesseurs et renvoyant tous les concurrents à l’idéologie. Caractérisée par sa volonté de balayer la parole des témoins directs de l’événement, portée sur les fonts baptismaux par les plus hautes autorités éditoriale et universitaire, cette « école de Péronne » s’incarne au cours des années 1990 dans les personnes d’Annette Becker et de Stéphane Audoin-Rouzeau, sous la houlette d’un grand entrepreneur en « nouvelle histoire », leur éditeur Pierre Nora. Mais cette « nouvelle histoire » de la Grande Guerre est surtout une histoire sans complexe de dominants pour les dominants, dont l’essentiel du propos est de nier la domination en confisquant la parole des dominés.
Aux sources d’une histoire controversée. Une lecture de 14-18, retrouver la guerre de S. Audoin-Rouzeau et A. Becker / Blaise Wilfert-Portal
Compte-rendu de 14-18, retrouver la guerre, livre publié dans la prestigieuse « Bibliothèque des histoires » des éditions Gallimard en 2000, ce texte propose, en même temps qu’une leçon d’histoire, deux leçons de politique. Analyse fouillée et argumentée des thèses du livre d’Annette Becker et Stéphane Audoin-Rouzeau, qui en soulève les limites méthodologiques et en dévoile les partis-pris idéologiques, ce compte-rendu fut censuré par les Cahiers Jean Jaurès et l’auteur, dans le même élan, écarté de son poste de secrétaire de rédaction pour avoir contredit à l’« esprit amical » qui reliait ses directeurs et les auteurs critiqués.
Norbert Elias soldat ou La Grande Guerre du sociologue / François Buton
On sait peu de choses de Norbert Elias soldat pendant la Grande Guerre, mais le regard de sociologue expérimenté qu’il porte sur son expérience de la guerre, sur la guerre et sur le monde en général, peut nous aider à mieux saisir l’ordinaire de la guerre. En particulier pour mettre en doute le « consentement » patriotique des soldats à la guerre, tenu pour la clef de leur ténacité et de leur violence. Loin d’être dans « l’évitement » ou « l’occultation » de la violence de guerre comme son silence relatif l’indiquerait, Elias s’avère au contraire un témoin particulièrement scrupuleux, car c’est en sociologue soucieux d’objectivation qu’il évoque la guerre et sa propre expérience de soldat.
Vers une histoire au plus proche des interactions sociales ? Entretien sur l’histoire récente de la Shoah / Claire Zalc & André Loez
— Une des questions les plus discutées dans les dernières décennies est celle de la chronologie et de la prise de décision : quand l’extermination a-t-elle été décidée, planihée, ordonnée ? — Mes intérêts d’historienne me portent à chercher la réponse du côté des victimes : parmi les personnes qui sont à bord d’un convoi de déportation, quels savoirs circulent ? Les femmes qui écrivent « Mon mari a été déporté » savent- elles qu’il ne va jamais revenir ? Une femme, juive allemande, raconte qu’en arrivant à Auschwitz, en septembre 1942, elle s’adresse en allemand à un SS pour lui demander : « Que dois-je faire de mon manteau? Est-ce que je le pose sur ma valise? » Qu’elle puisse avoir cette préoccupation à ce moment-là montre que, sur un plan au moins, elle ne savait pas ce qui allait lui arriver.
Enquêtes au Rwanda. Questions de recherche sur le génocide tutsi / Claudine Vidal
En 1994, la population tutsie était principalement paysanne, si bien que le plus grand nombre des individus et des familles furent massacrés avec le concours de tueurs, eux aussi paysans. Comment en rendre compte ? Des études avaient montré l’aggravation des conditions de vie en milieu rural, la montée de la violence sociale et politique durant les années 1980 et 1990, l’insécurité due à la guerre débutée en 1990 au nord du Rwanda. Cependant, à l’exception des pogroms locaux qui furent suscités par des autorités extrémistes, les paysans tutsis n’étaient pas, avant 1994, la cible de leurs voisins hutus. J’ai voulu montrer ici que, jusqu’à présent, seules les approches microsociologiques (ou microhistoriques) ont réussi à observer comment, par quelles médiations, des paysans hutus n’ont plus considéré les paysans tutsis comme des individus qu’ils connaissaient et dont ils partageaient la quotidienneté, mais comme des ennemis à détruire.
« L’opération a été bien menée et vigoureusement exécutée ». Compte-rendu d’un coup de main à l’été 1916 / Dimitri Chavaroche & André Loez
Dans le regain d’intérêt pour les violences de guerre qu’ont connu les sciences sociales depuis les années 1990, la Grande Guerre tient une place importante : on qualifie souvent ses violences de « matricielles », annonçant des franchissements de seuils décisifs pour l’ensemble du XXe siècle. Curieusement, c’est le combat au corps à corps qui est fréquemment mis en avant comme l’élément central d’une « brutalisation » supposée des hommes et de la guerre. Des textes comme ceux d’Ernst Jünger et le couteau de tranchées deviennent ainsi emblématiques d’un discours sur la violence combattante qui s’est largement imposé. Nous donnons ici à lire - brièvement commenté - un document primaire illustrant les réalités du combat aux tranchées en 1914-1918, pour en montrer, en-deçà des images ou des idées reçues, les dimensions ordinaires.
Comment faire une histoire populaire des tranchées ? / Nicolas Mariot
On doit faire la distinction entre une histoire des tranchées vue d’en bas et une histoire populaire des tranchées. L’histoire du front à partir de sources populaires revient à se saisir des écrits du peuple comme source pour compléter nos connaissances de la vie des premières lignes. En revanche, une histoire populaire des tranchées consisterait à se saisir des écrits d’en bas en tant que la manière dont ils sont rédigés dit quelque chose de la façon spécifique par laquelle les classes populaires endurent la guerre. Et ce conflit donne des appuis inestimables : parce que l’immense majorité des conscrits a été scolarisée, ceux qu’en général on n’entend jamais, la masse de ceux qui « prennent la vie comme elle vient » ont parfois saisi la plume pour raconter, d’une manière spécifique, leur expérience du front.
LA LEÇON DES CHOSES
Non-prolifération nucléaire : arme de justification massive. Le traité de non-protestation nucléaire / Susan Watkins, traduit par Clément Petitjean, présenté par Philippe Olivera & Clément Petitjean
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