La Couleur et le sang : doctrines racistes à la française [texte imprimé] / Pierre-André Taguieff (1946-....), Auteur . - Paris : Mille et une nuits, 1998 . - 1 vol. (p. 206) ; 20 cm. - ( les petits libres, ISSN 1254-9495; 15) . ISBN : 978-2-84205-194-5 Langues : Français ( fre)
Catégories : |
323.118 Racisme. Rejet. Préjugés. Discriminations. Ségrégation raciale. Xénophobie 929 Le Bon, Gustave (1841-1931) 929 Serpeille de Gobineau, Clément 929 Vacher de Lapouge, Georges (1854-1936) 94(44) Histoire de la France
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Index. décimale : |
323.12 Racisme / Antiracisme |
Résumé : |
http://barthes.ens.fr/clio/revues/AHI/livres/taguieff.html
Cet ouvrage de P.A. Taguieff, dont la parution en un format maniable et une édition peu onéreuse mérite d'être saluée, reprend et prolonge les travaux que celui-ci a consacré aux grandes figures de la pensée raciste. P.A. Taguieff rappelle d'abord que la notion de race, c'est à dire l'idée d'une division de l'humanité en groupes dont les membres partagent des traits et des moeurs héréditairement transmis est une idée ancienne, repérable dès l'aube de l'époque moderne, l'idée qu'existe entre ces groupes une hiérarchie pouvant elle être rencontrée dès le dix-huitième siècle. L'originalité du dix-neuvième siècle en ce domaine vient pour lui de ce qu'il voit surgir des discours qui, mobilisant les ressources de la "science normale", tentent de promouvoir des modes d'explication du monde social dont l'idée d'une hiérarchie des races serait la clé de voûte (P.A. Taguieff parle alors de racialisme) de même que des doctrines, qui sont aussi des projets politiques, visant à faire de la race une catégorie mobilisable dans le champ politique et prise en compte par l'action publique (P.A. Taguieff parle alors de pensée raciste) qui doit établir entre les races des discriminations.
Ce vaste archipel de doctrines et d'idées est fort divers, ce qu'illustre ici l'étude fouillée de trois théoriciens majeurs de la race, Gobineau, Vacher de Lapouge et Le Bon. Le "racialisme Gobinien" est ainsi "la longue narration de la disparition des sangs purs par l'effet des mélanges interraciaux" (page 17) et ne peut nourrir de projet politique car, venu trop tard dans un monde trop vieux, le Comte Gobineau ne peut que contempler "attristé (...) le paysage final de la décadence humaine" (page 18). La dimension politique n'est cependant pas absente de son oeuvre puisqu'il est le premier à établir un lien étroit entre les progrès de la démocratie et de l'égalité et le mélange des races qui caractérise le monde moderne. Le "racialisme évolutionniste" d'un Gustave Le Bon, largement mâtiné de darwinisme social, fait de l'Histoire le récit de la lute pour l'existence de groupes humains porteurs de caractéristiques propres et stables, lutte qui seule permet le progrès. Cela conduit donc Le Bon à plaider pour l'instauration de régimes politiques permettant à " la lutte pour la vie et à la sélection des meilleurs de s'exercer sans obstacles" (page 18). Enfin, le sélectionisme d'un Vacher de Lapouge fait de la race supérieure un idéal encore à construire. Postulant la transmission héréditaires des qualités (au sens d'Eigenschaft) humaines, il prône l'amélioration de l'espèce par le biais d'une sélection systématique des reproducteurs. Affirmant que les sociétés modernes, non seulement ne favorisent pas celles-ci mais concourent à assurer la reproduction des médiocres, il appelle de ses voeux un état fort, seul capable de mettre en oeuvre un tel projet.
Ces oeuvres, qui furent passionnément lues et commentées pendant près d'un siècle, font aujourd'hui, d'après Pierre André Taguieff, figure de reliques. "A la fin du vingtième siècle, la page du racisme scientifique est tournée (page 162) en dépit de survivances facilement observables. On peut cependant retrouver certaines composantes de ces doctrines, reformulées, recomposées dans l'imaginaire contemporain" dont les normes nous dit l'auteur semblent " en parfaite consonance" avec les idéaux eugéniques. De même existe un "néoracisme", vivace, quoique celui-ci ne "se réfère plus centralement à la race biologique et n'affirme plus directement l'inégalité entre les races" (page 20) préférant à l'ancien "déterminisme biologicoracial" un déterminisme "ethnoculturel", qui peut, ajouterons nous, se frayer un chemin jusqu'au coeur même de nos institutions 1 . , cependant que s'affirme un réductionnisme génétique dans tous les domaines des sciences du comportement et de la médecine" (page 20).
La description, précise, patiente, des discours étudiés ici s'avère convaincante et introduit des distinctions pertinentes, telle celle qui permet d'opposer racialismes et doctrines racistes. L'ouvrage cependant excite notre curiosité plus qu'il ne la satisfait. En effet nous convenons avec l'auteur que : " (...) ce qui demeure un problème, voire un défi pour les sciences sociales, c'est l'influence différée exercée non point par la philosophie de Gobineau, mais par l'idée raciale qu'il a élaborée comme un mythe moderne" (page 46). Encore que nous formulerions sans doute la question autrement en nous demandant pourquoi et comment des appareils de pouvoir très divers, ceux de l'Allemagne nazie, mais aussi de la Suède social-démocrate ou de l'Australie blanche, pour ne prendre que quelques exemples, ont pu élaborer des dispositifs conférant à la notion de race le statut d'une catégorie légitime et efficace de l'action publique. Force est de constater que l'auteur ne répond pas à cette question, sinon par le constat, emprunté à Keyserling que ce n'est pas la cohérence ou la clarté des doctrines racistes qui peut expliquer que des appareils de pouvoir s'en emparent. Il nous semble que cela revient à dire que l'Histoire des idées n'est sans doute pas la plus à même de retracer l'histoire de leurs succès ou de leur emploi, qui suppose une analyse de leurs fonctions au sein des configurations où elles apparaissent, ainsi que celle des groupes qui s'en emparent, soit un détour par le politique et le social.P. Rygiel
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1999_num_58_1_2537#
P.-A. Taguieff nous offre ici une fois de plus un témoignage de son érudition et de sa connaissance de l'histoire des idées relative aux problèmes du racisme et de l'antisémitisme. Pour lui, le racisme idéologico-politique au sens strict s'est étendu sur une période qui va du milieu du 19e siècle jusqu'à la défaite du nazisme. Si auparavant s'exprimait déjà le thème de la pureté du sang, c'est alors seulement qu'il prend la forme moderne liée à l'apparence physique et en particulier à la couleur, d'où le titre. Cependant, cette idéologie, que l'auteur désigne par le terme de racialisme, ne doit pas être considérée comme une réalité homogène mais plutôt comme un ensemble de théories diverses qui peuvent être rattachées à trois types idéaux, représentés chacun par un penseur dominant, dont il analyse le système. On peut ainsi définir un racialisme pessimiste représenté par Gobineau et son Essai sur l'inégalité des races humaines (1853- 1855), selon lequel les races pures qui existaient à l'origine ont irrémédiablement disparu par l'effet du métissage généralisé. Établissant une hiérarchie entre les trois races traditionnelles, il attribue à l'un des rameaux de la race blanche, la « variété ariane », la supériorité absolue, mais sans faire preuve pour autant d'antisémitisme, manifestant même pour les juifs une sympathie admirative. Mais cette situation initiale n'a pu subsister car, plus une race a de qualités, plus elle a tendance à civiliser les autres et à se mélanger avec elles. Le métissage est donc à la fois la cause de la civilisation et de sa décadence, dont le symptôme ultime est la démocratie égalitaire. Ce pessimisme radical, incompatible avec quelque projet politique que ce soit, n'a pas empêché le nazisme de le revendiquer par la suite comme l'un de ses précurseurs. |
Note de contenu : |
Sommaire
Introduction.
I. Le racisme pessimiste : la vision gobinienne de l'histoire comme décadence.
II. Racialisme évolutionniste et darwinisme social "libéral" : l'élaboration doctrinale de Gustave Le Bon.
III. Déterminisme racial, antisémitisme et nationalisme : de Drumont à Soury.
IV. Théorie des races, socialisme et eugénisme : doctrines, vissions et prévisions de Georges Vacher de Lapouge.
Annexes.
I. Jules Soury - Bibliographie sélective.
II. Georges Vacher de Lapouge - Bibliographie sélective. |
Permalink : |
https://bibliotheque.territoires-memoire.be/pmb/opac_css/index.php?lvl=notice_di |
Titre : |
La Couleur et le sang : doctrines racistes à la française |
Type de document : |
texte imprimé |
Auteurs : |
Pierre-André Taguieff (1946-....), Auteur |
Editeur : |
Paris : Mille et une nuits |
Année de publication : |
1998 |
Collection : |
les petits libres, ISSN 1254-9495 num. 15 |
Importance : |
1 vol. (p. 206) |
Format : |
20 cm |
ISBN/ISSN/EAN : |
978-2-84205-194-5 |
Langues : |
Français (fre) |
Catégories : |
323.118 Racisme. Rejet. Préjugés. Discriminations. Ségrégation raciale. Xénophobie 929 Le Bon, Gustave (1841-1931) 929 Serpeille de Gobineau, Clément 929 Vacher de Lapouge, Georges (1854-1936) 94(44) Histoire de la France
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Index. décimale : |
323.12 Racisme / Antiracisme |
Résumé : |
http://barthes.ens.fr/clio/revues/AHI/livres/taguieff.html
Cet ouvrage de P.A. Taguieff, dont la parution en un format maniable et une édition peu onéreuse mérite d'être saluée, reprend et prolonge les travaux que celui-ci a consacré aux grandes figures de la pensée raciste. P.A. Taguieff rappelle d'abord que la notion de race, c'est à dire l'idée d'une division de l'humanité en groupes dont les membres partagent des traits et des moeurs héréditairement transmis est une idée ancienne, repérable dès l'aube de l'époque moderne, l'idée qu'existe entre ces groupes une hiérarchie pouvant elle être rencontrée dès le dix-huitième siècle. L'originalité du dix-neuvième siècle en ce domaine vient pour lui de ce qu'il voit surgir des discours qui, mobilisant les ressources de la "science normale", tentent de promouvoir des modes d'explication du monde social dont l'idée d'une hiérarchie des races serait la clé de voûte (P.A. Taguieff parle alors de racialisme) de même que des doctrines, qui sont aussi des projets politiques, visant à faire de la race une catégorie mobilisable dans le champ politique et prise en compte par l'action publique (P.A. Taguieff parle alors de pensée raciste) qui doit établir entre les races des discriminations.
Ce vaste archipel de doctrines et d'idées est fort divers, ce qu'illustre ici l'étude fouillée de trois théoriciens majeurs de la race, Gobineau, Vacher de Lapouge et Le Bon. Le "racialisme Gobinien" est ainsi "la longue narration de la disparition des sangs purs par l'effet des mélanges interraciaux" (page 17) et ne peut nourrir de projet politique car, venu trop tard dans un monde trop vieux, le Comte Gobineau ne peut que contempler "attristé (...) le paysage final de la décadence humaine" (page 18). La dimension politique n'est cependant pas absente de son oeuvre puisqu'il est le premier à établir un lien étroit entre les progrès de la démocratie et de l'égalité et le mélange des races qui caractérise le monde moderne. Le "racialisme évolutionniste" d'un Gustave Le Bon, largement mâtiné de darwinisme social, fait de l'Histoire le récit de la lute pour l'existence de groupes humains porteurs de caractéristiques propres et stables, lutte qui seule permet le progrès. Cela conduit donc Le Bon à plaider pour l'instauration de régimes politiques permettant à " la lutte pour la vie et à la sélection des meilleurs de s'exercer sans obstacles" (page 18). Enfin, le sélectionisme d'un Vacher de Lapouge fait de la race supérieure un idéal encore à construire. Postulant la transmission héréditaires des qualités (au sens d'Eigenschaft) humaines, il prône l'amélioration de l'espèce par le biais d'une sélection systématique des reproducteurs. Affirmant que les sociétés modernes, non seulement ne favorisent pas celles-ci mais concourent à assurer la reproduction des médiocres, il appelle de ses voeux un état fort, seul capable de mettre en oeuvre un tel projet.
Ces oeuvres, qui furent passionnément lues et commentées pendant près d'un siècle, font aujourd'hui, d'après Pierre André Taguieff, figure de reliques. "A la fin du vingtième siècle, la page du racisme scientifique est tournée (page 162) en dépit de survivances facilement observables. On peut cependant retrouver certaines composantes de ces doctrines, reformulées, recomposées dans l'imaginaire contemporain" dont les normes nous dit l'auteur semblent " en parfaite consonance" avec les idéaux eugéniques. De même existe un "néoracisme", vivace, quoique celui-ci ne "se réfère plus centralement à la race biologique et n'affirme plus directement l'inégalité entre les races" (page 20) préférant à l'ancien "déterminisme biologicoracial" un déterminisme "ethnoculturel", qui peut, ajouterons nous, se frayer un chemin jusqu'au coeur même de nos institutions 1 . , cependant que s'affirme un réductionnisme génétique dans tous les domaines des sciences du comportement et de la médecine" (page 20).
La description, précise, patiente, des discours étudiés ici s'avère convaincante et introduit des distinctions pertinentes, telle celle qui permet d'opposer racialismes et doctrines racistes. L'ouvrage cependant excite notre curiosité plus qu'il ne la satisfait. En effet nous convenons avec l'auteur que : " (...) ce qui demeure un problème, voire un défi pour les sciences sociales, c'est l'influence différée exercée non point par la philosophie de Gobineau, mais par l'idée raciale qu'il a élaborée comme un mythe moderne" (page 46). Encore que nous formulerions sans doute la question autrement en nous demandant pourquoi et comment des appareils de pouvoir très divers, ceux de l'Allemagne nazie, mais aussi de la Suède social-démocrate ou de l'Australie blanche, pour ne prendre que quelques exemples, ont pu élaborer des dispositifs conférant à la notion de race le statut d'une catégorie légitime et efficace de l'action publique. Force est de constater que l'auteur ne répond pas à cette question, sinon par le constat, emprunté à Keyserling que ce n'est pas la cohérence ou la clarté des doctrines racistes qui peut expliquer que des appareils de pouvoir s'en emparent. Il nous semble que cela revient à dire que l'Histoire des idées n'est sans doute pas la plus à même de retracer l'histoire de leurs succès ou de leur emploi, qui suppose une analyse de leurs fonctions au sein des configurations où elles apparaissent, ainsi que celle des groupes qui s'en emparent, soit un détour par le politique et le social.P. Rygiel
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mots_0243-6450_1999_num_58_1_2537#
P.-A. Taguieff nous offre ici une fois de plus un témoignage de son érudition et de sa connaissance de l'histoire des idées relative aux problèmes du racisme et de l'antisémitisme. Pour lui, le racisme idéologico-politique au sens strict s'est étendu sur une période qui va du milieu du 19e siècle jusqu'à la défaite du nazisme. Si auparavant s'exprimait déjà le thème de la pureté du sang, c'est alors seulement qu'il prend la forme moderne liée à l'apparence physique et en particulier à la couleur, d'où le titre. Cependant, cette idéologie, que l'auteur désigne par le terme de racialisme, ne doit pas être considérée comme une réalité homogène mais plutôt comme un ensemble de théories diverses qui peuvent être rattachées à trois types idéaux, représentés chacun par un penseur dominant, dont il analyse le système. On peut ainsi définir un racialisme pessimiste représenté par Gobineau et son Essai sur l'inégalité des races humaines (1853- 1855), selon lequel les races pures qui existaient à l'origine ont irrémédiablement disparu par l'effet du métissage généralisé. Établissant une hiérarchie entre les trois races traditionnelles, il attribue à l'un des rameaux de la race blanche, la « variété ariane », la supériorité absolue, mais sans faire preuve pour autant d'antisémitisme, manifestant même pour les juifs une sympathie admirative. Mais cette situation initiale n'a pu subsister car, plus une race a de qualités, plus elle a tendance à civiliser les autres et à se mélanger avec elles. Le métissage est donc à la fois la cause de la civilisation et de sa décadence, dont le symptôme ultime est la démocratie égalitaire. Ce pessimisme radical, incompatible avec quelque projet politique que ce soit, n'a pas empêché le nazisme de le revendiquer par la suite comme l'un de ses précurseurs. |
Note de contenu : |
Sommaire
Introduction.
I. Le racisme pessimiste : la vision gobinienne de l'histoire comme décadence.
II. Racialisme évolutionniste et darwinisme social "libéral" : l'élaboration doctrinale de Gustave Le Bon.
III. Déterminisme racial, antisémitisme et nationalisme : de Drumont à Soury.
IV. Théorie des races, socialisme et eugénisme : doctrines, vissions et prévisions de Georges Vacher de Lapouge.
Annexes.
I. Jules Soury - Bibliographie sélective.
II. Georges Vacher de Lapouge - Bibliographie sélective. |
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