[article] Des théories qui tuent [texte imprimé] . - 2007 . - pp. 5-24. Langues : Français ( fre) in Manière de voir > 91 (janvier-février 2007) . - pp. 5-24
Catégories : |
330.1 Principes & lois économiques 330.8 Histoire des doctrines économiques 330.82 Libéralisme - Capitalisme 339 Commerce Economie mondiale Mondialisation / Altermondialisme
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Résumé : |
On parle parfois des « auteurs intellectuels » d’un délit ou d’un crime, et la justice peut les sanctionner. En formulant, dans son cabinet de travail, et même en toute indépendance, une théorie d’organisation de la société, un penseur prend le risque qu’elle soit appliquée par ceux qui en ont le pouvoir et que, par ricochet, on lui impute la paternité de ses effets négatifs, voire tragiques. Cela est arrivé à Marx, que l’Internationale de la droite et de l’extrême droite – sans que la plupart de ses dirigeants aient jamais lu une ligne de son œuvre – ont tenté de rendre rétrospectivement responsable du stalinisme. Tout comme Voltaire et Rousseau étaient censés avoir enfanté la Terreur... Les dominants excellent dans cet exercice de délégitimation des idées émancipatrices qui, si elles se diffusaient trop, conduiraient les citoyens à se révolter contre leurs privilèges. Ce qui est effectivement arrivé de nombreuses fois dans l’histoire.
Mais ce phénomène fonctionne à sens unique. La plupart des économistes, des dirigeants d’institutions financières internationales et des journalistes qui se font leurs porte-parole n’ont jamais de comptes à rendre à la société, tout simplement parce qu’ils ne font que modéliser et justifier les pratiques des possédants en leur donnant le statut de « lois naturelles » grâce à un vernis « scientifique » pas toujours mérité.
Nulle théorie économique n’a jamais eu d’effets aussi mortifères que celle du libre-échange. C’est en son nom que, au XIXe siècle, 1,5 million d’Irlandais ont péri de famine. Au cours de ces dernières décennies, elle a conduit des millions de paysans africains à la ruine ou à une émigration qui se terminait souvent par la noyade en haute mer de ceux qui tentaient d’atteindre les côtes de l’Europe du Sud. En Asie orientale, lors de la grande crise financière de 1997, le dogme de la liberté de circulation des capitaux a été la cause d’infinies souffrances. Il y a bien un Livre noir à écrire et à actualiser en permanence sur les coûts humains des théories libérales.
- Le poing invisible / Samuel Bowles
- Ordre social et dictature du marché / Denis Clerc
- Leçons d’histoire pour libre-échangistes / Ha-Joon Chang
- L’Irlande affamée par l’économie politique / Ibrahim Warde
- Et Dieu créa la mondialisation... / André Bellon |
Permalink : |
https://bibliotheque.territoires-memoire.be/pmb/opac_css/index.php?lvl=notice_di |
[article]
Titre : |
Des théories qui tuent |
Type de document : |
texte imprimé |
Année de publication : |
2007 |
Article en page(s) : |
pp. 5-24 |
Langues : |
Français (fre) |
Catégories : |
330.1 Principes & lois économiques 330.8 Histoire des doctrines économiques 330.82 Libéralisme - Capitalisme 339 Commerce Economie mondiale Mondialisation / Altermondialisme
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Résumé : |
On parle parfois des « auteurs intellectuels » d’un délit ou d’un crime, et la justice peut les sanctionner. En formulant, dans son cabinet de travail, et même en toute indépendance, une théorie d’organisation de la société, un penseur prend le risque qu’elle soit appliquée par ceux qui en ont le pouvoir et que, par ricochet, on lui impute la paternité de ses effets négatifs, voire tragiques. Cela est arrivé à Marx, que l’Internationale de la droite et de l’extrême droite – sans que la plupart de ses dirigeants aient jamais lu une ligne de son œuvre – ont tenté de rendre rétrospectivement responsable du stalinisme. Tout comme Voltaire et Rousseau étaient censés avoir enfanté la Terreur... Les dominants excellent dans cet exercice de délégitimation des idées émancipatrices qui, si elles se diffusaient trop, conduiraient les citoyens à se révolter contre leurs privilèges. Ce qui est effectivement arrivé de nombreuses fois dans l’histoire.
Mais ce phénomène fonctionne à sens unique. La plupart des économistes, des dirigeants d’institutions financières internationales et des journalistes qui se font leurs porte-parole n’ont jamais de comptes à rendre à la société, tout simplement parce qu’ils ne font que modéliser et justifier les pratiques des possédants en leur donnant le statut de « lois naturelles » grâce à un vernis « scientifique » pas toujours mérité.
Nulle théorie économique n’a jamais eu d’effets aussi mortifères que celle du libre-échange. C’est en son nom que, au XIXe siècle, 1,5 million d’Irlandais ont péri de famine. Au cours de ces dernières décennies, elle a conduit des millions de paysans africains à la ruine ou à une émigration qui se terminait souvent par la noyade en haute mer de ceux qui tentaient d’atteindre les côtes de l’Europe du Sud. En Asie orientale, lors de la grande crise financière de 1997, le dogme de la liberté de circulation des capitaux a été la cause d’infinies souffrances. Il y a bien un Livre noir à écrire et à actualiser en permanence sur les coûts humains des théories libérales.
- Le poing invisible / Samuel Bowles
- Ordre social et dictature du marché / Denis Clerc
- Leçons d’histoire pour libre-échangistes / Ha-Joon Chang
- L’Irlande affamée par l’économie politique / Ibrahim Warde
- Et Dieu créa la mondialisation... / André Bellon |
Permalink : |
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in Manière de voir > 91 (janvier-février 2007) . - pp. 5-24
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