[article] “La honte du milieu d’où l’on vient ne nous quitte jamais” [texte imprimé] / Didier Eribon, Auteur . - 2017 . - p. 64-69. Langues : Français ( fre) in Philosophie magazine > 109 (mai 2017) . - p. 64-69
Catégories : |
316 Sociologie 316.4 Processus sociaux. Changement dans la société 316.6 Psychologie sociale 329.18 Tendance d'extrême droite Inégalités sociales / Précarité
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Résumé : |
Sociologue et philosophe, Didier Eribon défend la “ pensée critique” contre toute forme de réaction. Lui qui a signé “Retour à Reims”, actuel best-seller en Allemagne, revient sur l’abandon des classes populaires et la montée du Front national.
« Assez bourgeois, mais qui a le mérite d’être calme », nous dit Didier Eribon du bar d’hôtel où nous nous retrouvons, comme pour s’excuser. C’est que le sociologue et philosophe français a choisi son camp : contre les conservateurs et les réactionnaires ! Fils d’un père ouvrier et d’une mère femme de ménage, il s’est forgé une identité de « transfuge », à laquelle il ne cesse de revenir, constatant avec désarroi l’abandon des classes populaires et une implacable reproduction sociale, dont il s’est sorti, par accident, au contact de la littérature. Lui qui a dû aussi batailler avec son identité gay a fait de son histoire personnelle et de celle de sa famille le symptôme d’un malaise social, en empruntant sa méthode à Pierre Bourdieu autant qu’à Michel Foucault et à Annie Ernaux. Il rend compte de cette « auto-analyse » dans Retour à Reims, où, retrouvant sa ville natale et son milieu d’origine dont il s’est éloigné depuis trente ans, il entame une réflexion sur les classes sociales et les raisons du vote des classes populaires pour le Front national à partir de son expérience personnelle. Cet ouvrage rencontre aujourd’hui, après la France, un grand succès en Allemagne. Là-bas, il est accueilli comme une star de la pensée critique – 80 000 exemplaires vendus en moins d’un an et quatorze tirages. Le metteur en scène allemand Thomas Ostermeier, qui brille sur les scènes européennes par l’acuité de ses adaptations, l’a suivi à Reims pour réaliser avec lui un documentaire, qu’il intégrera à un prochain spectacle. Returning to Reims sera joué au théâtre à Manchester puis à la Schaubühne à Berlin. Et en France, qui sait ? Espérons-le. Entre deux voyages, le sociologue, enseignant à l’université d’Amiens, pose donc un pied à Paris. Il nous accorde près de trois heures d’entretien, après avoir vérifié qui nous sommes. En effet, cet habitué des tribunes se méfie de la presse. Il identifie des amis et des ennemis dans le champ politique, intellectuel et institutionnel, prêt à dégainer contre les conservateurs de tout poil. Ami de Foucault, dont il s’est fait l’héritier, Didier Eribon a beaucoup écrit sur la question gay. Il est prolixe lorsqu’il est question de littérature, de Genet, de « l’abject » Jouhandeau ou de Proust. Et finalement fort réservé lorsqu’il s’agit de parler de lui. Car derrière les prises de position tranchées, Didier Eribon reste comme traversé par une fracture, habité par une histoire personnelle dont il ne s’est pas complètement tiré, et qui, succès faisant, maintenant le dépasse. |
Permalink : |
https://bibliotheque.territoires-memoire.be/pmb/opac_css/index.php?lvl=notice_di |
[article]
Titre : |
“La honte du milieu d’où l’on vient ne nous quitte jamais” |
Type de document : |
texte imprimé |
Auteurs : |
Didier Eribon, Auteur |
Année de publication : |
2017 |
Article en page(s) : |
p. 64-69 |
Langues : |
Français (fre) |
Catégories : |
316 Sociologie 316.4 Processus sociaux. Changement dans la société 316.6 Psychologie sociale 329.18 Tendance d'extrême droite Inégalités sociales / Précarité
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Résumé : |
Sociologue et philosophe, Didier Eribon défend la “ pensée critique” contre toute forme de réaction. Lui qui a signé “Retour à Reims”, actuel best-seller en Allemagne, revient sur l’abandon des classes populaires et la montée du Front national.
« Assez bourgeois, mais qui a le mérite d’être calme », nous dit Didier Eribon du bar d’hôtel où nous nous retrouvons, comme pour s’excuser. C’est que le sociologue et philosophe français a choisi son camp : contre les conservateurs et les réactionnaires ! Fils d’un père ouvrier et d’une mère femme de ménage, il s’est forgé une identité de « transfuge », à laquelle il ne cesse de revenir, constatant avec désarroi l’abandon des classes populaires et une implacable reproduction sociale, dont il s’est sorti, par accident, au contact de la littérature. Lui qui a dû aussi batailler avec son identité gay a fait de son histoire personnelle et de celle de sa famille le symptôme d’un malaise social, en empruntant sa méthode à Pierre Bourdieu autant qu’à Michel Foucault et à Annie Ernaux. Il rend compte de cette « auto-analyse » dans Retour à Reims, où, retrouvant sa ville natale et son milieu d’origine dont il s’est éloigné depuis trente ans, il entame une réflexion sur les classes sociales et les raisons du vote des classes populaires pour le Front national à partir de son expérience personnelle. Cet ouvrage rencontre aujourd’hui, après la France, un grand succès en Allemagne. Là-bas, il est accueilli comme une star de la pensée critique – 80 000 exemplaires vendus en moins d’un an et quatorze tirages. Le metteur en scène allemand Thomas Ostermeier, qui brille sur les scènes européennes par l’acuité de ses adaptations, l’a suivi à Reims pour réaliser avec lui un documentaire, qu’il intégrera à un prochain spectacle. Returning to Reims sera joué au théâtre à Manchester puis à la Schaubühne à Berlin. Et en France, qui sait ? Espérons-le. Entre deux voyages, le sociologue, enseignant à l’université d’Amiens, pose donc un pied à Paris. Il nous accorde près de trois heures d’entretien, après avoir vérifié qui nous sommes. En effet, cet habitué des tribunes se méfie de la presse. Il identifie des amis et des ennemis dans le champ politique, intellectuel et institutionnel, prêt à dégainer contre les conservateurs de tout poil. Ami de Foucault, dont il s’est fait l’héritier, Didier Eribon a beaucoup écrit sur la question gay. Il est prolixe lorsqu’il est question de littérature, de Genet, de « l’abject » Jouhandeau ou de Proust. Et finalement fort réservé lorsqu’il s’agit de parler de lui. Car derrière les prises de position tranchées, Didier Eribon reste comme traversé par une fracture, habité par une histoire personnelle dont il ne s’est pas complètement tiré, et qui, succès faisant, maintenant le dépasse. |
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https://bibliotheque.territoires-memoire.be/pmb/opac_css/index.php?lvl=notice_di |
in Philosophie magazine > 109 (mai 2017) . - p. 64-69
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