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C'était il y a un peu plus de cent ans et les temps étaient alors plongés dans des turbulences meurtrières sans nom. La Grande Guerre labourait les champs d'horreur de l'Europe et ses peuples, pris dans la spirale des nationalismes, s'étripaient à qui mieux mieux dans ce qui paraît relever de nos jours d'une absurdité confondante.
La presse officielle de l'époque, au même titre que les organismes gouvernementaux, distillait des soi-disant vérités sur l'interminable conflit en cours, s'employant par un « bourrage de crânes » éhonté à ne pas saper le moral des poilus. S'activaient du coup les ciseaux d'« Anastasie », mot issu du grec Anastasia signifiant « résurrection » et désignant la censure omniprésente.
C'est dans le contexte de cette atmosphère délétère que naît, le 10 septembre 1915, un « canard » – dans le sens argotique de journal – appelé à voler dans les plumes des restrictions à la liberté d'informer. Il n'avait que quatre pages, ce frêle volatile de l'époque fondé par Maurice Maréchal ; il ne connaîtra que cinq numéros avant sa disparition le 25 octobre de la même année. Mais le 5 juillet 1916, il reparaît avec une régularité qui ne se démentira pas jusqu'aujourd'hui : Le Canard enchaîné, puisque c'est de lui qu'il s'agit bien sûr, est le plus ancien hebdomadaire de France, paraissant chaque mercredi.