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France Culture. Comment s'indigner [document électronique] / Salomé Saqué (1995-....), Auteur ; Véronique Samouiloff, Auteur . - Paris : Société Nationale de Radiodiffusion Radio France, 2024 . - 5 podacasts (13 min, 10 min, 10 min, 11 min, 13 min).
Langues : Français (fre)
Catégories : 323.21 Militantisme Participation Engagement
323.25 Résistance passive . Désobéissance civile. Lutte non armée
82-5 Eloquence DiscoursRésumé : Comment s'indigner, avec Salomé Saqué
Par Salomé Saqué. Faire entendre sa voix pour dénoncer les injustices auxquelles nous sommes confrontés, c'est essentiel. Et ça s'apprend. La journaliste Salomé Saqué vous partage cinq outils, étayés par des discours historiques, pour exprimer votre indignation, la faire entendre, et espérer changer les choses.
5 épisodes •
À propos de la série
Faire entendre sa voix pour dénoncer les injustices auxquelles nous sommes confrontés, c'est essentiel. Et ça s'apprend. La journaliste Salomé Saqué vous partage cinq outils, étayés par des discours historiques, pour exprimer votre indignation, la faire entendre, et espérer changer les choses.
S'indigner, c’est bien, mais réussir à rendre intelligible l’objet de son indignation, c’est mieux. C'est même la condition du dépassement de cette indignation vers l'engagement.
C’est pour cette raison que la journaliste Salomé Saqué, autrice de Sois jeune et tais-toi (Essais Payot, 2023), partage avec les jeunes - et les moins jeunes - cinq techniques rhétoriques pour donner de l'écho à son indignation. Pour faire en sorte que le sentiment de colère ressenti dépasse le stade des paroles en l’air, ne reste pas à l'état d'une rage impossible à partager, mais devienne une pierre ajoutée à l'édifice de la démocratie.
?
Épisode 1/5 : Faire de son indignation personnelle un cas politique
En 2020, la députée américaine Alexandria Ocasio-Cortez répond à des insultes sexistes dans un discours devenu viral. Elle y fait de son cas personnel un exemple de lutte universelle contre les violences. Une leçon magistrale de rhétorique pour apprendre à politiser son indignation personnelle.
Avec
• Salomé Saqué Journaliste et autrice
Première étape de cette réflexion pratique en cinq étapes pour réussir à rendre intelligible son indignation : politiser son cas personnel. La journaliste Salomé Saqué prend notamment appui sur deux célèbres discours pour mieux s'approprier cette technique rhétorique essentielle.
À lire aussi : Incarner son discours pour faire passer un message (Ma parole ! 12 min)
Insulter la femme, c'est insulter les femmes
Nous sommes le 23 juillet 2020 aux États Unis. L'élue démocrate de l'État de New York Alexandria Ocasio-Cortez (surnommée "AOC") a 30 ans. Trois jours plus tôt, elle a été insultée devant le Congrès par un député des Républicains, Ted Yoho, qui l’a traitée de "fucking bitch" [putain de salope] devant des journalistes.
La polémique enfle. Alors que la plus jeune élue de l’histoire des États-Unis, issue d’un milieu populaire, est la cible de nombreuses critiques, incluant des attaques du président Donald Trump, elle prend la parole au Congrès.
"M. Yoho n’était pas seul. Il marchait coude à coude avec le représentant Roger Williams. Et c’est là que nous commençons à voir que ce problème ne se résume pas à un seul incident. Il est culturel. C’est une culture de l'impunité, d’acceptation de la violence, et du langage violent à l’égard des femmes, toute une structure de pouvoir qui soutient cela. (...) C’est un schéma d’une certaine attitude envers les femmes, et de la déshumanisation des autres."
Ce qui est éloquent dans son discours, c'est qu'Alexandria Ocasio-Cortez ne s’attarde pas sur son histoire singulière. Elle utilise la légitimité que lui confère son expérience pour dénoncer les violences faites aux femmes, et soulever une vague d’indignation à l'échelle mondiale.
Pour Salomé Saqué, cette prise de parole, tout comme la défense de la liberté d'avorter par l'avocate Gisèle Halimi en 1972, sont deux moments politiques inspirants pour donner un écho à ce qui nous révolte, nous concerne, nous préoccupe. En effet, susciter l’indignation est un levier puissant pour faire advenir les changements que nous appelons de nos vœux.
?
Épisode 2/5 : Extérioriser son émotion
Comme l'a prouvé la jeune militante écologiste Greta Thunberg en 2019, exprimer son émotion est un outil rhétorique puissant. Mais c’est une arme à utiliser avec parcimonie, et dans des contextes appropriés.
Avec
• Salomé Saqué Journaliste et autrice
Ce qui peut donner un écho à votre indignation, c’est l'authenticité que votre auditoire sent poindre dans l'expression de votre colère. Une rage qui doit être sincère si elle veut toucher juste.
Avertissement : ce podcast a été enregistré avant la révélation du scandale d'agressions sexuelles dont est accusé l'Abbé Pierre. Salomé Saqué cite son discours sans avoir eu connaissance de ces faits.
Quand la voix et la posture manifestent la colère
Militante écologiste suédoise née en 2003, Greta Thunberg a acquis son statut d’icône de la lutte contre le réchauffement climatique et de la révolte des jeunesses à partir d'un discours prononcé en 2019. Alors âgée de 16 ans seulement, elle s’insurge au sommet de l’ONU devant les dirigeants du monde entier. Les accents de gravité de sa voix dénotent avec l'image d'une lycéenne, à qui l'on prêterait plutôt un tempérament insouciant. C’est d’ailleurs ce qu’elle reproche aux dirigeants réunis pour ce sommet : de lui avoir volé ses rêves. "Comment osez-vous ? Depuis plus de trente ans, la science est parfaitement claire. Comment osez-vous encore regarder ailleurs ? Vous venez ici pour dire que vous faites assez, alors que les politiques et les actions nécessaires sont inexistantes" interpelle Greta Thunberg du haut de sa tribune.
Sa voix semble sur le point de se casser, son visage est dur, sa mâchoire crispée, elle a les larmes aux yeux, les sourcils froncés, le souffle court, presque une moue de dégoût. Et en termes d’indignation, le langage corporel est sûrement au moins aussi important que ce que l’on dit.
Si ce discours va bouleverser de nombreuses personnes, il va également susciter une vague de critiques sans précédent à l’endroit d’une adolescente de 16 ans. Le fait d'exprimer son angoisse avec autant d'intensité va lui être reproché, et certains commentateurs iront jusqu'à taxer Greta Thunberg de folle d'hystérique.
À lire aussi : Provoquer l’émotion, une arme à double tranchant (Ma parole ! 11 min)
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Épisode 3/5 : Prendre l'oppresseur à partie
Pour exprimer votre indignation, il faut faire l'effort conceptuel et rhétorique de nommer l'objet de votre colère : l'oppresseur ou le dominant. C'est ce que Salomé Saqué vous enjoint à réaliser ici, grâce à l'aide précieuse d'Émile Zola, d'Emma Gonzales et de Meryl Streep.
Avec
• Salomé Saqué Journaliste et autrice
La dénonciation explicite de l'auteur d'une injustice oblige en général à une réévaluation des valeurs et des principes. En dénonçant des figures d'autorité comme responsables d'actes injustes, Émile Zola, Emma Gonzales ou Meryl Streep poussent leur auditoire à questionner la légitimité et la moralité des institutions et des dirigeants en place. Cela encourage un débat plus large sur la justice, l'équité et le rôle de l'État.
À écouter : Émile Zola, mort pour ses idées ? (Le Cours de l'histoire 59 min)
Il accuse
C’est l’un des textes les plus célèbres de l’histoire de France. En janvier 1898, l'affaire Dreyfus déchire la société française. Alfred Dreyfus, un capitaine de l'armée, a été condamné pour trahison. Accusé d'avoir livré des secrets militaires à l'Allemagne, il est envoyé au bagne. Mais une partie de l'opinion publique, notamment des intellectuels, commence à douter de sa culpabilité. Derrière cette condamnation, certains suspectent une erreur judiciaire, la manipulation de preuves et voient la marque d'un antisémitisme rampant.
C'est dans ce contexte que paraît "J'accuse...!", une lettre ouverte de l’écrivain Émile Zola, publiée en Une du journal L'Aurore. Le titre est direct et provocateur. Il est une accusation, une menace, un appel au scandale. En nommant un à un ceux qu’il considère être les responsables d’une déroute intellectuelle et politique, Zola va susciter la colère et l’indignation, au point de bouleverser le débat public de l’époque. "J’accuse le général Mercier de s’être rendu complice, tout au moins par faiblesse d’esprit, d’une des plus grandes iniquités du siècle. J’accuse le général Billot d’avoir eu entre les mains les preuves certaines de l’innocence de Dreyfus et de les avoir étouffées, de s’être rendu coupable de ce crime de lèse-humanité et de lèse-justice, dans un but politique et pour sauver l’état-major compromis." écrit Emile Zola
Prendre des risques
Nommer explicitement les responsables d'un crime ou d'un délit a plusieurs effets puissants. D'abord, cela personnalise l'injustice. En mettant des noms sur des actes répréhensibles, Émile Zola empêche les responsables de se cacher derrière l'anonymat des institutions. Chaque lecteur peut identifier clairement qui a joué un rôle dans cette affaire, rendant la culpabilité plus tangible et indéniable.
Ensuite, le fait de nommer rend l'accusation plus grave et plus audacieuse. Zola ne se contente pas de critiquer de manière vague : il prend un risque personnel en désignant directement les coupables à ses yeux. En prenant cette position, l'écrivain incite également ses lecteurs à réfléchir sur leur propre rôle et leur responsabilité face à l'injustice.
Enfin, en nommant des individus précis, Zola provoque une réaction des accusés, et de leurs soutiens. Cela ouvre la voie à une confrontation publique, obligeant les mis en cause à répondre à la charge portée contre eux. Cette dynamique de confrontation amplifie la chambre d’écho de l'indignation, et donc la prise de conscience collective.
À écouter : Figures de l'injustice (La Suite dans les idées 29 min)
À écouter : Les manifestes qui ont changé le monde
Épisode 4/5 : Casser les codes pour marquer le coup
Comme l'ont prouvé le chanteur Daniel Balavoine, ou plus récemment l'actrice Adèle Haenel, quand on a un message d'indignation fort à faire passer, briser les codes de l'énonciation s'avère redoutablement efficace.
Avec
• Salomé Saqué Journaliste et autrice
L’éloquence, ce n’est pas que du discours, c’est aussi une théâtralité, une scène, un cadre. Exprimer son indignation peut passer par des actes subversifs qui font exploser le cadre d'énonciation de la parole. A quelque quarante années de distance, le chanteur Daniel Balavoine ou l'actrice Adèle Haenel l'ont d'ailleurs prouvé avec panache.
À écouter : La crise du discours politique (L'Atelier du pouvoir 55 min)
Exploser le dispositif
"J'ai juste le temps de me mettre en colère, c'est le système de l’information qui est fait comme ça, j’aurai juste le temps de m’énerver, de paraître pour un petit merdeux, un petit jeune de plus qui fout la pagaille partout, si j’avais su que je pourrais rien dire j’aurais dormi beaucoup plus tard !" Daniel Balavoine, 1980
En 1980, Daniel Balavoine prend à partie le futur président de la République François Mitterrand, et l’accuse de ne pas le laisser parler. Cette séquence est restée célèbre dans l’histoire de l’indignation à la télévision, car le jeune chanteur, en cassant les codes du débat télévisé, a produit un coup d’éclat qui fera date.
Ce qui va rendre cette séquence culte, c’est le fait que Daniel Balavoine ose bousculer le dispositif médiatique, et soit l’un des premiers à le faire. Au cours de cette émission, il remet en cause le fait établi selon lequel on laisse peu de temps de parole aux jeunes, dénonce le fait que le candidat à la présidentielle en face de lui soit vieux, et va jusqu’à critiquer sa manière de s’habiller. On le devine prêt à quitter le plateau et à tout envoyer valser. Ce que Daniel Balavoine démontre, au fond au cours de cette séquence, c’est que ce qu’il a à dire est trop important pour être relégué en toute fin de programme. En intentant un procès en légitimité à son dispositif de hiérarchie de la parole, il désacralise la télévision, média roi à cette époque.
De la même manière, l’indignation de l’actrice Adèle Haenel en 2020 a eu un retentissement mondial lorsqu’elle décide de quitter la salle des César alors que Roman Polanski, condamné pour viol, vient d’être récompensé.
À écouter : Sois honteux et tais-toi (Carnet de philo 3 min)
?
Épisode 5/5 : Manier l'ironie pour dénoncer
L’humour permet de critiquer sans attaquer directement, en restant léger de façon à susciter un sourire de connivence, voire de sympathie. Trois leçons d'éloquence signées Fatou Diome, Bill Nye ou Christiane Taubira.
Avec
• Salomé Saqué Journaliste et autrice
•
L'ironie doit être subtile, mais suffisamment claire pour que votre auditoire saisisse la critique sous-jacente. Utilisez des exagérations ou des comparaisons absurdes pour renforcer votre propos. L’ironie et l’humour de manière générale ont comme vertu principale de permettre une certaine élégance tout en soulignant les contradictions du camp d’en face.
Tourner en dérision
Mouloud : Vous avez peur de Marine le Pen ou pas ?
Fatou Diome : Moi je n’ai pas peur, c’est elle qui a peur de moi !
Voici la réponse de Fatou Diome, l’écrivaine franco-sénégalaise très engagée contre le racisme et la xénophobie, quand on l’interroge sur l’extrême droite. Mais au lieu d’attaquer frontalement l’extrême droite dans cette interview, elle la tourne en dérision, et a recours à un procédé précieux : l’humour.
Une utilisation de l’humour particulièrement efficace pour exprimer son indignation est celle du présentateur américain Bill Nye dans l’émission "Last Week Tonight with John Oliver" en 2019. Il essaie d’expliquer le réchauffement climatique avec un ton pédagogique et une mise en scène face caméra avec des accessoires qui fait fortement penser à celle de “C’est pas sorcier” en France.
Une affaire de décalage
Le fait qu’il devienne soudain vulgaire et cassant attire l’attention sur l’objet de son indignation : l’inaction face au réchauffement climatique. L’humour est souvent affaire de décalage : le décalage entre la violence des mots et le personnage le rend drôle. En utilisant un langage cru et direct, Bill Nye souligne la frustration ressentie par de nombreux scientifiques tout en captant l'attention du public par sa blague. Bref, il fait passer un message efficace contre l'inaction climatique.
De l'antiphrase à l'ironie
Une forme d’humour particulièrement adéquate lorsque l’on veut s’indigner est l'ironie. Elle permet de souligner les contradictions et les absurdités d'une situation ou d'une politique en disant le contraire de ce que l'on pense réellement. Cela engage l'auditoire à réfléchir plus profondément sur le sujet abordé. Par exemple, en utilisant l'ironie, un orateur peut démasquer les hypocrisies ou les injustices de manière subtile et élégante, souvent en présentant une réalité absurde qui révèle implicitement la vérité.
L’ironie repose sur ce décalage entre l'explicite - ce que veut dire l’orateur - et l'implicite - ce qu’il ne dit pas mais veut faire comprendre. Ça permet d’énoncer une idée tout en s’en indignant. Cette approche rend la critique moins agressive et plus acceptable pour ceux qui pourraient être en désaccord, car elle fait appel à l'intellect et à l'humour plutôt qu'à la confrontation directe.
À lire aussi : CARICATURE, HUMOUR ET IRONIE : PEUT-ON RIRE DE TOUT ?
Note de contenu : Épisodes
Épisode 1 : Faire de son indignation personnelle un cas politique
En 2020, la députée américaine Alexandria Ocasio-Cortez répond à des insultes sexistes dans un discours devenu viral. Elle y fait de son cas personnel un exemple de lutte universelle contre les violences. Une leçon magistrale de rhétorique pour apprendre à politiser son indignation personnelle.
19 août • 13 min
Épisode 2 : Extérioriser son émotion
Comme l'a prouvé la jeune militante écologiste Greta Thunberg en 2019, exprimer son émotion est un outil rhétorique puissant. Mais c’est une arme à utiliser avec parcimonie, et dans des contextes appropriés.
19 août • 10 min
Épisode 3 : Prendre l'oppresseur à partie
Pour exprimer votre indignation, il faut faire l'effort conceptuel et rhétorique de nommer l'objet de votre colère : l'oppresseur ou le dominant. C'est ce que Salomé Saqué vous enjoint à réaliser ici, grâce à l'aide précieuse d'Émile Zola, d'Emma Gonzales et de Meryl Streep.
19 août • 10 min
Épisode 4 : Casser les codes pour marquer le coup
Comme l'ont prouvé le chanteur Daniel Balavoine, ou plus récemment l'actrice Adèle Haenel, quand on a un message d'indignation fort à faire passer, briser les codes de l'énonciation s'avère redoutablement efficace.
19 août • 11 min
Épisode 5 : Manier l'ironie pour dénoncer
L’humour permet de critiquer sans attaquer directement, en restant léger de façon à susciter un sourire de connivence, voire de sympathie. Trois leçons d'éloquence signées Fatou Diome, Bill Nye ou Christiane Taubira.
19 août • 13 minEn ligne : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-comment-s-indigner-avec- [...] Format de la ressource électronique : Page web avec les 5 épisodes Permalink : https://bibliotheque.territoires-memoire.be/pmb/opac_css/index.php?lvl=notice_di
Titre de série : France Culture Titre : Comment s'indigner Type de document : document électronique Auteurs : Salomé Saqué (1995-....), Auteur ; Véronique Samouiloff, Auteur Editeur : Paris : Société Nationale de Radiodiffusion Radio France Année de publication : 2024 Importance : 5 podacasts (13 min, 10 min, 10 min, 11 min, 13 min) Langues : Français (fre) Catégories : 323.21 Militantisme Participation Engagement
323.25 Résistance passive . Désobéissance civile. Lutte non armée
82-5 Eloquence DiscoursRésumé : Comment s'indigner, avec Salomé Saqué
Par Salomé Saqué. Faire entendre sa voix pour dénoncer les injustices auxquelles nous sommes confrontés, c'est essentiel. Et ça s'apprend. La journaliste Salomé Saqué vous partage cinq outils, étayés par des discours historiques, pour exprimer votre indignation, la faire entendre, et espérer changer les choses.
5 épisodes •
À propos de la série
Faire entendre sa voix pour dénoncer les injustices auxquelles nous sommes confrontés, c'est essentiel. Et ça s'apprend. La journaliste Salomé Saqué vous partage cinq outils, étayés par des discours historiques, pour exprimer votre indignation, la faire entendre, et espérer changer les choses.
S'indigner, c’est bien, mais réussir à rendre intelligible l’objet de son indignation, c’est mieux. C'est même la condition du dépassement de cette indignation vers l'engagement.
C’est pour cette raison que la journaliste Salomé Saqué, autrice de Sois jeune et tais-toi (Essais Payot, 2023), partage avec les jeunes - et les moins jeunes - cinq techniques rhétoriques pour donner de l'écho à son indignation. Pour faire en sorte que le sentiment de colère ressenti dépasse le stade des paroles en l’air, ne reste pas à l'état d'une rage impossible à partager, mais devienne une pierre ajoutée à l'édifice de la démocratie.
?
Épisode 1/5 : Faire de son indignation personnelle un cas politique
En 2020, la députée américaine Alexandria Ocasio-Cortez répond à des insultes sexistes dans un discours devenu viral. Elle y fait de son cas personnel un exemple de lutte universelle contre les violences. Une leçon magistrale de rhétorique pour apprendre à politiser son indignation personnelle.
Avec
• Salomé Saqué Journaliste et autrice
Première étape de cette réflexion pratique en cinq étapes pour réussir à rendre intelligible son indignation : politiser son cas personnel. La journaliste Salomé Saqué prend notamment appui sur deux célèbres discours pour mieux s'approprier cette technique rhétorique essentielle.
À lire aussi : Incarner son discours pour faire passer un message (Ma parole ! 12 min)
Insulter la femme, c'est insulter les femmes
Nous sommes le 23 juillet 2020 aux États Unis. L'élue démocrate de l'État de New York Alexandria Ocasio-Cortez (surnommée "AOC") a 30 ans. Trois jours plus tôt, elle a été insultée devant le Congrès par un député des Républicains, Ted Yoho, qui l’a traitée de "fucking bitch" [putain de salope] devant des journalistes.
La polémique enfle. Alors que la plus jeune élue de l’histoire des États-Unis, issue d’un milieu populaire, est la cible de nombreuses critiques, incluant des attaques du président Donald Trump, elle prend la parole au Congrès.
"M. Yoho n’était pas seul. Il marchait coude à coude avec le représentant Roger Williams. Et c’est là que nous commençons à voir que ce problème ne se résume pas à un seul incident. Il est culturel. C’est une culture de l'impunité, d’acceptation de la violence, et du langage violent à l’égard des femmes, toute une structure de pouvoir qui soutient cela. (...) C’est un schéma d’une certaine attitude envers les femmes, et de la déshumanisation des autres."
Ce qui est éloquent dans son discours, c'est qu'Alexandria Ocasio-Cortez ne s’attarde pas sur son histoire singulière. Elle utilise la légitimité que lui confère son expérience pour dénoncer les violences faites aux femmes, et soulever une vague d’indignation à l'échelle mondiale.
Pour Salomé Saqué, cette prise de parole, tout comme la défense de la liberté d'avorter par l'avocate Gisèle Halimi en 1972, sont deux moments politiques inspirants pour donner un écho à ce qui nous révolte, nous concerne, nous préoccupe. En effet, susciter l’indignation est un levier puissant pour faire advenir les changements que nous appelons de nos vœux.
?
Épisode 2/5 : Extérioriser son émotion
Comme l'a prouvé la jeune militante écologiste Greta Thunberg en 2019, exprimer son émotion est un outil rhétorique puissant. Mais c’est une arme à utiliser avec parcimonie, et dans des contextes appropriés.
Avec
• Salomé Saqué Journaliste et autrice
Ce qui peut donner un écho à votre indignation, c’est l'authenticité que votre auditoire sent poindre dans l'expression de votre colère. Une rage qui doit être sincère si elle veut toucher juste.
Avertissement : ce podcast a été enregistré avant la révélation du scandale d'agressions sexuelles dont est accusé l'Abbé Pierre. Salomé Saqué cite son discours sans avoir eu connaissance de ces faits.
Quand la voix et la posture manifestent la colère
Militante écologiste suédoise née en 2003, Greta Thunberg a acquis son statut d’icône de la lutte contre le réchauffement climatique et de la révolte des jeunesses à partir d'un discours prononcé en 2019. Alors âgée de 16 ans seulement, elle s’insurge au sommet de l’ONU devant les dirigeants du monde entier. Les accents de gravité de sa voix dénotent avec l'image d'une lycéenne, à qui l'on prêterait plutôt un tempérament insouciant. C’est d’ailleurs ce qu’elle reproche aux dirigeants réunis pour ce sommet : de lui avoir volé ses rêves. "Comment osez-vous ? Depuis plus de trente ans, la science est parfaitement claire. Comment osez-vous encore regarder ailleurs ? Vous venez ici pour dire que vous faites assez, alors que les politiques et les actions nécessaires sont inexistantes" interpelle Greta Thunberg du haut de sa tribune.
Sa voix semble sur le point de se casser, son visage est dur, sa mâchoire crispée, elle a les larmes aux yeux, les sourcils froncés, le souffle court, presque une moue de dégoût. Et en termes d’indignation, le langage corporel est sûrement au moins aussi important que ce que l’on dit.
Si ce discours va bouleverser de nombreuses personnes, il va également susciter une vague de critiques sans précédent à l’endroit d’une adolescente de 16 ans. Le fait d'exprimer son angoisse avec autant d'intensité va lui être reproché, et certains commentateurs iront jusqu'à taxer Greta Thunberg de folle d'hystérique.
À lire aussi : Provoquer l’émotion, une arme à double tranchant (Ma parole ! 11 min)
?
Épisode 3/5 : Prendre l'oppresseur à partie
Pour exprimer votre indignation, il faut faire l'effort conceptuel et rhétorique de nommer l'objet de votre colère : l'oppresseur ou le dominant. C'est ce que Salomé Saqué vous enjoint à réaliser ici, grâce à l'aide précieuse d'Émile Zola, d'Emma Gonzales et de Meryl Streep.
Avec
• Salomé Saqué Journaliste et autrice
La dénonciation explicite de l'auteur d'une injustice oblige en général à une réévaluation des valeurs et des principes. En dénonçant des figures d'autorité comme responsables d'actes injustes, Émile Zola, Emma Gonzales ou Meryl Streep poussent leur auditoire à questionner la légitimité et la moralité des institutions et des dirigeants en place. Cela encourage un débat plus large sur la justice, l'équité et le rôle de l'État.
À écouter : Émile Zola, mort pour ses idées ? (Le Cours de l'histoire 59 min)
Il accuse
C’est l’un des textes les plus célèbres de l’histoire de France. En janvier 1898, l'affaire Dreyfus déchire la société française. Alfred Dreyfus, un capitaine de l'armée, a été condamné pour trahison. Accusé d'avoir livré des secrets militaires à l'Allemagne, il est envoyé au bagne. Mais une partie de l'opinion publique, notamment des intellectuels, commence à douter de sa culpabilité. Derrière cette condamnation, certains suspectent une erreur judiciaire, la manipulation de preuves et voient la marque d'un antisémitisme rampant.
C'est dans ce contexte que paraît "J'accuse...!", une lettre ouverte de l’écrivain Émile Zola, publiée en Une du journal L'Aurore. Le titre est direct et provocateur. Il est une accusation, une menace, un appel au scandale. En nommant un à un ceux qu’il considère être les responsables d’une déroute intellectuelle et politique, Zola va susciter la colère et l’indignation, au point de bouleverser le débat public de l’époque. "J’accuse le général Mercier de s’être rendu complice, tout au moins par faiblesse d’esprit, d’une des plus grandes iniquités du siècle. J’accuse le général Billot d’avoir eu entre les mains les preuves certaines de l’innocence de Dreyfus et de les avoir étouffées, de s’être rendu coupable de ce crime de lèse-humanité et de lèse-justice, dans un but politique et pour sauver l’état-major compromis." écrit Emile Zola
Prendre des risques
Nommer explicitement les responsables d'un crime ou d'un délit a plusieurs effets puissants. D'abord, cela personnalise l'injustice. En mettant des noms sur des actes répréhensibles, Émile Zola empêche les responsables de se cacher derrière l'anonymat des institutions. Chaque lecteur peut identifier clairement qui a joué un rôle dans cette affaire, rendant la culpabilité plus tangible et indéniable.
Ensuite, le fait de nommer rend l'accusation plus grave et plus audacieuse. Zola ne se contente pas de critiquer de manière vague : il prend un risque personnel en désignant directement les coupables à ses yeux. En prenant cette position, l'écrivain incite également ses lecteurs à réfléchir sur leur propre rôle et leur responsabilité face à l'injustice.
Enfin, en nommant des individus précis, Zola provoque une réaction des accusés, et de leurs soutiens. Cela ouvre la voie à une confrontation publique, obligeant les mis en cause à répondre à la charge portée contre eux. Cette dynamique de confrontation amplifie la chambre d’écho de l'indignation, et donc la prise de conscience collective.
À écouter : Figures de l'injustice (La Suite dans les idées 29 min)
À écouter : Les manifestes qui ont changé le monde
Épisode 4/5 : Casser les codes pour marquer le coup
Comme l'ont prouvé le chanteur Daniel Balavoine, ou plus récemment l'actrice Adèle Haenel, quand on a un message d'indignation fort à faire passer, briser les codes de l'énonciation s'avère redoutablement efficace.
Avec
• Salomé Saqué Journaliste et autrice
L’éloquence, ce n’est pas que du discours, c’est aussi une théâtralité, une scène, un cadre. Exprimer son indignation peut passer par des actes subversifs qui font exploser le cadre d'énonciation de la parole. A quelque quarante années de distance, le chanteur Daniel Balavoine ou l'actrice Adèle Haenel l'ont d'ailleurs prouvé avec panache.
À écouter : La crise du discours politique (L'Atelier du pouvoir 55 min)
Exploser le dispositif
"J'ai juste le temps de me mettre en colère, c'est le système de l’information qui est fait comme ça, j’aurai juste le temps de m’énerver, de paraître pour un petit merdeux, un petit jeune de plus qui fout la pagaille partout, si j’avais su que je pourrais rien dire j’aurais dormi beaucoup plus tard !" Daniel Balavoine, 1980
En 1980, Daniel Balavoine prend à partie le futur président de la République François Mitterrand, et l’accuse de ne pas le laisser parler. Cette séquence est restée célèbre dans l’histoire de l’indignation à la télévision, car le jeune chanteur, en cassant les codes du débat télévisé, a produit un coup d’éclat qui fera date.
Ce qui va rendre cette séquence culte, c’est le fait que Daniel Balavoine ose bousculer le dispositif médiatique, et soit l’un des premiers à le faire. Au cours de cette émission, il remet en cause le fait établi selon lequel on laisse peu de temps de parole aux jeunes, dénonce le fait que le candidat à la présidentielle en face de lui soit vieux, et va jusqu’à critiquer sa manière de s’habiller. On le devine prêt à quitter le plateau et à tout envoyer valser. Ce que Daniel Balavoine démontre, au fond au cours de cette séquence, c’est que ce qu’il a à dire est trop important pour être relégué en toute fin de programme. En intentant un procès en légitimité à son dispositif de hiérarchie de la parole, il désacralise la télévision, média roi à cette époque.
De la même manière, l’indignation de l’actrice Adèle Haenel en 2020 a eu un retentissement mondial lorsqu’elle décide de quitter la salle des César alors que Roman Polanski, condamné pour viol, vient d’être récompensé.
À écouter : Sois honteux et tais-toi (Carnet de philo 3 min)
?
Épisode 5/5 : Manier l'ironie pour dénoncer
L’humour permet de critiquer sans attaquer directement, en restant léger de façon à susciter un sourire de connivence, voire de sympathie. Trois leçons d'éloquence signées Fatou Diome, Bill Nye ou Christiane Taubira.
Avec
• Salomé Saqué Journaliste et autrice
•
L'ironie doit être subtile, mais suffisamment claire pour que votre auditoire saisisse la critique sous-jacente. Utilisez des exagérations ou des comparaisons absurdes pour renforcer votre propos. L’ironie et l’humour de manière générale ont comme vertu principale de permettre une certaine élégance tout en soulignant les contradictions du camp d’en face.
Tourner en dérision
Mouloud : Vous avez peur de Marine le Pen ou pas ?
Fatou Diome : Moi je n’ai pas peur, c’est elle qui a peur de moi !
Voici la réponse de Fatou Diome, l’écrivaine franco-sénégalaise très engagée contre le racisme et la xénophobie, quand on l’interroge sur l’extrême droite. Mais au lieu d’attaquer frontalement l’extrême droite dans cette interview, elle la tourne en dérision, et a recours à un procédé précieux : l’humour.
Une utilisation de l’humour particulièrement efficace pour exprimer son indignation est celle du présentateur américain Bill Nye dans l’émission "Last Week Tonight with John Oliver" en 2019. Il essaie d’expliquer le réchauffement climatique avec un ton pédagogique et une mise en scène face caméra avec des accessoires qui fait fortement penser à celle de “C’est pas sorcier” en France.
Une affaire de décalage
Le fait qu’il devienne soudain vulgaire et cassant attire l’attention sur l’objet de son indignation : l’inaction face au réchauffement climatique. L’humour est souvent affaire de décalage : le décalage entre la violence des mots et le personnage le rend drôle. En utilisant un langage cru et direct, Bill Nye souligne la frustration ressentie par de nombreux scientifiques tout en captant l'attention du public par sa blague. Bref, il fait passer un message efficace contre l'inaction climatique.
De l'antiphrase à l'ironie
Une forme d’humour particulièrement adéquate lorsque l’on veut s’indigner est l'ironie. Elle permet de souligner les contradictions et les absurdités d'une situation ou d'une politique en disant le contraire de ce que l'on pense réellement. Cela engage l'auditoire à réfléchir plus profondément sur le sujet abordé. Par exemple, en utilisant l'ironie, un orateur peut démasquer les hypocrisies ou les injustices de manière subtile et élégante, souvent en présentant une réalité absurde qui révèle implicitement la vérité.
L’ironie repose sur ce décalage entre l'explicite - ce que veut dire l’orateur - et l'implicite - ce qu’il ne dit pas mais veut faire comprendre. Ça permet d’énoncer une idée tout en s’en indignant. Cette approche rend la critique moins agressive et plus acceptable pour ceux qui pourraient être en désaccord, car elle fait appel à l'intellect et à l'humour plutôt qu'à la confrontation directe.
À lire aussi : CARICATURE, HUMOUR ET IRONIE : PEUT-ON RIRE DE TOUT ?
Note de contenu : Épisodes
Épisode 1 : Faire de son indignation personnelle un cas politique
En 2020, la députée américaine Alexandria Ocasio-Cortez répond à des insultes sexistes dans un discours devenu viral. Elle y fait de son cas personnel un exemple de lutte universelle contre les violences. Une leçon magistrale de rhétorique pour apprendre à politiser son indignation personnelle.
19 août • 13 min
Épisode 2 : Extérioriser son émotion
Comme l'a prouvé la jeune militante écologiste Greta Thunberg en 2019, exprimer son émotion est un outil rhétorique puissant. Mais c’est une arme à utiliser avec parcimonie, et dans des contextes appropriés.
19 août • 10 min
Épisode 3 : Prendre l'oppresseur à partie
Pour exprimer votre indignation, il faut faire l'effort conceptuel et rhétorique de nommer l'objet de votre colère : l'oppresseur ou le dominant. C'est ce que Salomé Saqué vous enjoint à réaliser ici, grâce à l'aide précieuse d'Émile Zola, d'Emma Gonzales et de Meryl Streep.
19 août • 10 min
Épisode 4 : Casser les codes pour marquer le coup
Comme l'ont prouvé le chanteur Daniel Balavoine, ou plus récemment l'actrice Adèle Haenel, quand on a un message d'indignation fort à faire passer, briser les codes de l'énonciation s'avère redoutablement efficace.
19 août • 11 min
Épisode 5 : Manier l'ironie pour dénoncer
L’humour permet de critiquer sans attaquer directement, en restant léger de façon à susciter un sourire de connivence, voire de sympathie. Trois leçons d'éloquence signées Fatou Diome, Bill Nye ou Christiane Taubira.
19 août • 13 minEn ligne : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-comment-s-indigner-avec- [...] Format de la ressource électronique : Page web avec les 5 épisodes Permalink : https://bibliotheque.territoires-memoire.be/pmb/opac_css/index.php?lvl=notice_di Exemplaires
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Titre : Radio France Type de document : document électronique Editeur : Paris : Société Nationale de Radiodiffusion Radio France Langues : Français (fre) Catégories : 070 Presse Journalisme Médias Résumé : Site des radios : France Inter
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