Les religions de la politique : entre démocraties et totalitarismes [texte imprimé] / Emilio Gentile (1946-...), Auteur ; Anna Colao, Traducteur . - Paris : Éditions du Seuil, [s.d.] . - 301 p.. - ( La couleur des idées) . ISBN : 2-02-058045-4 : 24 EUR index Langues : Français ( fre)
Catégories : |
03 Dictionnaire. Référence. Adresses. Définitions 17 Morale Ethique Philosophie pratique Valeurs 172 Citoyenneté . Civisme . Solidarité . Morale sociale . Ethique sociale. Empathie 316 Sociologie 321 Formes de l'organisation politique 321.6 Régime autoritaire / Dictature / Gouvernement non démocratique / Totalitarisme 321.7 Démocratie / Démocratisation 323.2 Relation peuple/Etat 342.2 Structure des Etats
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Index. décimale : |
321.7 Démocratie / Dictature |
Résumé : |
note de l'éditeur :
L’époque moderne se caractérise par une forme particulière de sacralisation de la politique : d’authentiques religions de la politique sont apparues, qui font de la Nation, de l’Etat ou du Parti une entité sacrée, un moteur de systèmes de croyances, de mythes, de rites et de symboles, bref un laboratoire d’hallucination collective. Entre science politique et histoire, le livre analyse les diverses formes de religions politiques, décrypte les manifestations de ferveur et renouvelle la réflexion sur le fanatisme de masse, les idéologies et le lien politique.
Extrait (vient du site du Seuil) :
Venons-en maintenant à l’argument de ce livre. La religion civile américaine est le premier exemple historique contemporain d’une religion de la politique. Notre but, en employant cette expression, est de définir une forme particulière de sacralisation de la politique qui se manifeste à l’époque moderne et s’affirme lorsque la dimension politique, après avoir gagné son autonomie institutionnelle vis-à -vis de la religion traditionnelle, acquiert une dimension religieuse propre, au sens où elle prend un caractère sacré autonome lui permettant de revendiquer la prérogative de définir le sens et la fin ultime de l’existence humaine, tout au moins sur terre, pour l’individu et la collectivité. Cela advient chaque fois qu’une entité politique - la nation, l’État, la race, la classe, le parti, le mouvement... - se transforme en une entité sacrée, c’est-à -dire qu’elle devient transcendante, indiscutable, intangible et, en tant que telle, s’affirme comme le centre d’un système plus ou moins élaboré de croyances, mythes, valeurs, commandements, rites et symboles qui en font un objet de foi, de déférence, de culte, de fidélité, de dévouement et, si nécessaire, de sacrifice humain. Dans ce cas, nous assistons à la formation d’une religion de la politique, religion désignant un système de croyances, de mythes, de rites et de symboles qui interprètent et définissent le sens et la fin ultime de l’existence humaine, en subordonnant le destin de l’individu et de la collectivité à une entité suprême.
La sacralisation de la politique est un phénomène moderne qui se distingue d’autres formes historiques de sacralisation du pouvoir politique. Au cours de l’histoire, depuis des temps très anciens, le détenteur du pouvoir politique a été auréolé de sacralité, identifié à une divinité ou considéré comme son émanation directe, tel le Pharaon de l’ancienne Égypte. Dans les villes grecques et dans la Rome républicaine, la sphère religieuse épousait parfaitement la sphère politique en s’identifiant à la religion de la cité: la sacralité du pouvoir politique faisait corps avec les institutions civiques. Dans la Rome impériale, la divinisation de l’empereur personnalisa la sacralisation du pouvoir, en se superposant aussi à la religion de la cité. L’avènement du christianisme brisa la fusion entre religion et politique et donna naissance à une nouvelle forme de sacralisation du pouvoir dérivée de la prédominance spirituelle de l’Église sur l’État. Dans les monarchies chrétiennes, depuis le Moyen Âge jusqu’à l’avènement de la souveraineté populaire, la sacralisation du pouvoir répond à la sacralité du monarque par droit divin, reconnu et légitimé par l’Église lorsqu’il n’était pas lui-même, comme dans l’Angleterre anglicane, à sa tête. D’où, de nombreux siècles durant, tensions, rivalités et conflits entre le pouvoir spirituel de l’Église et le pouvoir temporel du monarque, chacun revendiquant la primauté d’une souveraineté sacralisée par l’investiture divine.
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Notes dans la revue Vingtième siècle n°91 (07-09/2006) :
Historien du fascisme italien dont il a démontré le fonctionnement totalitaire, Emilio Gentile s’intéressait depuis longtemps au concept de religion politique. L’Italie mussolinienne semblait parfaitement en corroborer la pertinence (La Religion fasciste, Perrin, 2002). La liturgie politique déployée autour de l’idée et du régime fascistes, de son chef, grand prêtre de cette nouvelle religion, le parti fasciste comme Église de la nouvelle foi, la déification de l’État, autant d’attributs confortant la thèse de l’existence au 20e siècle de ce que Gentile nomme la « sacralisation de la politique », fil directeur de ce brillant essai.
La religion politique est donc une forme particulière de la sacralisation de la politique. Elle présuppose l’autonomie du politique à l’égard du religieux et, dans un second temps, l’autonomie de la religiosité à l’égard du politique. La politique acquiert « un caractère sacré autonome lui permettant de revendiquer la prérogative de définir le sens et la fin ultime de l’existence humaine, tout au moins sur terre, pour l’individu et la collectivité » (p. 14). Il ne faut toutefois pas confondre religion civile et religion politique, dont l’ouvrage s’attache à souligner les différences. La première repose sur un système de croyances, de mythes, de principes et de comportements symboliques exprimant les valeurs fondamentales d’une société. Il faut remonter au 18e siècle pour en trouver les premières traces dans la pensée politique d’abord (Rousseau) puis dans la pratique. Aux États-Unis, la sacralisation des institutions de la République naissante pourrait s’expliquer par ce que Tocqueville appelait le « point de départ » : la fondation d’une civilisation où la volonté politique à la base de sa construction s’appuie sur des valeurs préétablies empreintes de religion. La Révolution française constitue bien sûr le deuxième exemple probant : de la fête de la Fédération au culte de l’Être suprême cependant, on glisse déjà de la religion civile à la religion politique. Tocqueville peut à nouveau servir de repère : « Révolution […] avait l’air de tendre à la régénération du genre humain plus encore qu’à la réforme de la France » (p. 77). On touche l’un des traits qui distinguent la religion civile de la religion politique. Celle-là suppose certes la sacralisation de la politique, mais elle maintient la pluralité des idées et la primauté de l’individu. Celle-ci évoque un monopole irrévocable du pouvoir, un monisme idéologique et la subordination de l’individu à la foi nouvelle (p. 16). La religion politique participe ainsi de la définition du totalitarisme qui acquiert, grâce à Gentile, une dimension nouvelle. Le totalitarisme est en effet l’apogée de la sacralisation de la politique, qui se caractérise par un « énorme, exubérant déploiement de mythes, rites et symboles ». Bien sûr, il n’y a pas de cloisons étanches séparant les deux formes. Le 19e siècle montre les porosités, le glissement de la religion civile à la religion politique par le culte de la foi révolutionnaire ou celui de la nation qui culmine avec la guerre régénératrice de 1914-1918.
Gentile confronte toutes les thèses sur le sujet : il fait un sort à celles qui ne voient dans cette sacralisation de la politique qu’une stratégie démagogique et nie qu’il ne s’agisse que de propagande destinée à la manipulation des masses (de fait, l’idée de religion politique est, nous semble-t-il, inséparable de celle de « consensus » dans les régimes totalitaires). D’autres sociologues ont en revanche soulevé la question de cette recherche « fébrile », lorsque décline la foi religieuse, d’un « nouveau système de croyances et de principes généraux autour desquels se regrouper, au sein duquel trouver une intime raison de vivre dignement » (Antonio Gramsci). Si la sacralisation de la politique a survécu à la seconde guerre mondiale, notamment avec le communisme, nouvelle « religion » des intellectuels occidentaux, Gentile parle de « reflux » de la religion politique à l’aube du 21e siècle.
Frédéric Attal |
Note de contenu : |
Sommaire :
Introduction : la sacralisation de la politique
1. Une religion qui n'existe pas ? Un ersatz de religion ? Une nouvelle religion ?
2. Religions civiles (démocraties) et religions politiques (totalitarismes)
3.L'Ecclesia du Léviathan : totalitarisme, une définition directrice - interprétation - masses, foi, mythes - l'esence religieuse du totalitarisme - etc
4. L'invasion des idoles
5. Vers le troisième millénaire : une guerre de religion - déifications communistes - anciennes démocraties, le reflux de la religion civile
6. Les religions de la politique : définition - conclusion - etc
notes
index de noms |
Permalink : |
https://bibliotheque.territoires-memoire.be/pmb/opac_css/index.php?lvl=notice_di |
Titre : |
Les religions de la politique : entre démocraties et totalitarismes |
Type de document : |
texte imprimé |
Auteurs : |
Emilio Gentile (1946-...), Auteur ; Anna Colao, Traducteur |
Editeur : |
Paris : Éditions du Seuil |
Collection : |
La couleur des idées |
Importance : |
301 p. |
ISBN/ISSN/EAN : |
2-02-058045-4 |
Prix : |
24 EUR |
Note générale : |
index |
Langues : |
Français (fre) |
Catégories : |
03 Dictionnaire. Référence. Adresses. Définitions 17 Morale Ethique Philosophie pratique Valeurs 172 Citoyenneté . Civisme . Solidarité . Morale sociale . Ethique sociale. Empathie 316 Sociologie 321 Formes de l'organisation politique 321.6 Régime autoritaire / Dictature / Gouvernement non démocratique / Totalitarisme 321.7 Démocratie / Démocratisation 323.2 Relation peuple/Etat 342.2 Structure des Etats
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Index. décimale : |
321.7 Démocratie / Dictature |
Résumé : |
note de l'éditeur :
L’époque moderne se caractérise par une forme particulière de sacralisation de la politique : d’authentiques religions de la politique sont apparues, qui font de la Nation, de l’Etat ou du Parti une entité sacrée, un moteur de systèmes de croyances, de mythes, de rites et de symboles, bref un laboratoire d’hallucination collective. Entre science politique et histoire, le livre analyse les diverses formes de religions politiques, décrypte les manifestations de ferveur et renouvelle la réflexion sur le fanatisme de masse, les idéologies et le lien politique.
Extrait (vient du site du Seuil) :
Venons-en maintenant à l’argument de ce livre. La religion civile américaine est le premier exemple historique contemporain d’une religion de la politique. Notre but, en employant cette expression, est de définir une forme particulière de sacralisation de la politique qui se manifeste à l’époque moderne et s’affirme lorsque la dimension politique, après avoir gagné son autonomie institutionnelle vis-à -vis de la religion traditionnelle, acquiert une dimension religieuse propre, au sens où elle prend un caractère sacré autonome lui permettant de revendiquer la prérogative de définir le sens et la fin ultime de l’existence humaine, tout au moins sur terre, pour l’individu et la collectivité. Cela advient chaque fois qu’une entité politique - la nation, l’État, la race, la classe, le parti, le mouvement... - se transforme en une entité sacrée, c’est-à -dire qu’elle devient transcendante, indiscutable, intangible et, en tant que telle, s’affirme comme le centre d’un système plus ou moins élaboré de croyances, mythes, valeurs, commandements, rites et symboles qui en font un objet de foi, de déférence, de culte, de fidélité, de dévouement et, si nécessaire, de sacrifice humain. Dans ce cas, nous assistons à la formation d’une religion de la politique, religion désignant un système de croyances, de mythes, de rites et de symboles qui interprètent et définissent le sens et la fin ultime de l’existence humaine, en subordonnant le destin de l’individu et de la collectivité à une entité suprême.
La sacralisation de la politique est un phénomène moderne qui se distingue d’autres formes historiques de sacralisation du pouvoir politique. Au cours de l’histoire, depuis des temps très anciens, le détenteur du pouvoir politique a été auréolé de sacralité, identifié à une divinité ou considéré comme son émanation directe, tel le Pharaon de l’ancienne Égypte. Dans les villes grecques et dans la Rome républicaine, la sphère religieuse épousait parfaitement la sphère politique en s’identifiant à la religion de la cité: la sacralité du pouvoir politique faisait corps avec les institutions civiques. Dans la Rome impériale, la divinisation de l’empereur personnalisa la sacralisation du pouvoir, en se superposant aussi à la religion de la cité. L’avènement du christianisme brisa la fusion entre religion et politique et donna naissance à une nouvelle forme de sacralisation du pouvoir dérivée de la prédominance spirituelle de l’Église sur l’État. Dans les monarchies chrétiennes, depuis le Moyen Âge jusqu’à l’avènement de la souveraineté populaire, la sacralisation du pouvoir répond à la sacralité du monarque par droit divin, reconnu et légitimé par l’Église lorsqu’il n’était pas lui-même, comme dans l’Angleterre anglicane, à sa tête. D’où, de nombreux siècles durant, tensions, rivalités et conflits entre le pouvoir spirituel de l’Église et le pouvoir temporel du monarque, chacun revendiquant la primauté d’une souveraineté sacralisée par l’investiture divine.
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Notes dans la revue Vingtième siècle n°91 (07-09/2006) :
Historien du fascisme italien dont il a démontré le fonctionnement totalitaire, Emilio Gentile s’intéressait depuis longtemps au concept de religion politique. L’Italie mussolinienne semblait parfaitement en corroborer la pertinence (La Religion fasciste, Perrin, 2002). La liturgie politique déployée autour de l’idée et du régime fascistes, de son chef, grand prêtre de cette nouvelle religion, le parti fasciste comme Église de la nouvelle foi, la déification de l’État, autant d’attributs confortant la thèse de l’existence au 20e siècle de ce que Gentile nomme la « sacralisation de la politique », fil directeur de ce brillant essai.
La religion politique est donc une forme particulière de la sacralisation de la politique. Elle présuppose l’autonomie du politique à l’égard du religieux et, dans un second temps, l’autonomie de la religiosité à l’égard du politique. La politique acquiert « un caractère sacré autonome lui permettant de revendiquer la prérogative de définir le sens et la fin ultime de l’existence humaine, tout au moins sur terre, pour l’individu et la collectivité » (p. 14). Il ne faut toutefois pas confondre religion civile et religion politique, dont l’ouvrage s’attache à souligner les différences. La première repose sur un système de croyances, de mythes, de principes et de comportements symboliques exprimant les valeurs fondamentales d’une société. Il faut remonter au 18e siècle pour en trouver les premières traces dans la pensée politique d’abord (Rousseau) puis dans la pratique. Aux États-Unis, la sacralisation des institutions de la République naissante pourrait s’expliquer par ce que Tocqueville appelait le « point de départ » : la fondation d’une civilisation où la volonté politique à la base de sa construction s’appuie sur des valeurs préétablies empreintes de religion. La Révolution française constitue bien sûr le deuxième exemple probant : de la fête de la Fédération au culte de l’Être suprême cependant, on glisse déjà de la religion civile à la religion politique. Tocqueville peut à nouveau servir de repère : « Révolution […] avait l’air de tendre à la régénération du genre humain plus encore qu’à la réforme de la France » (p. 77). On touche l’un des traits qui distinguent la religion civile de la religion politique. Celle-là suppose certes la sacralisation de la politique, mais elle maintient la pluralité des idées et la primauté de l’individu. Celle-ci évoque un monopole irrévocable du pouvoir, un monisme idéologique et la subordination de l’individu à la foi nouvelle (p. 16). La religion politique participe ainsi de la définition du totalitarisme qui acquiert, grâce à Gentile, une dimension nouvelle. Le totalitarisme est en effet l’apogée de la sacralisation de la politique, qui se caractérise par un « énorme, exubérant déploiement de mythes, rites et symboles ». Bien sûr, il n’y a pas de cloisons étanches séparant les deux formes. Le 19e siècle montre les porosités, le glissement de la religion civile à la religion politique par le culte de la foi révolutionnaire ou celui de la nation qui culmine avec la guerre régénératrice de 1914-1918.
Gentile confronte toutes les thèses sur le sujet : il fait un sort à celles qui ne voient dans cette sacralisation de la politique qu’une stratégie démagogique et nie qu’il ne s’agisse que de propagande destinée à la manipulation des masses (de fait, l’idée de religion politique est, nous semble-t-il, inséparable de celle de « consensus » dans les régimes totalitaires). D’autres sociologues ont en revanche soulevé la question de cette recherche « fébrile », lorsque décline la foi religieuse, d’un « nouveau système de croyances et de principes généraux autour desquels se regrouper, au sein duquel trouver une intime raison de vivre dignement » (Antonio Gramsci). Si la sacralisation de la politique a survécu à la seconde guerre mondiale, notamment avec le communisme, nouvelle « religion » des intellectuels occidentaux, Gentile parle de « reflux » de la religion politique à l’aube du 21e siècle.
Frédéric Attal |
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Sommaire :
Introduction : la sacralisation de la politique
1. Une religion qui n'existe pas ? Un ersatz de religion ? Une nouvelle religion ?
2. Religions civiles (démocraties) et religions politiques (totalitarismes)
3.L'Ecclesia du Léviathan : totalitarisme, une définition directrice - interprétation - masses, foi, mythes - l'esence religieuse du totalitarisme - etc
4. L'invasion des idoles
5. Vers le troisième millénaire : une guerre de religion - déifications communistes - anciennes démocraties, le reflux de la religion civile
6. Les religions de la politique : définition - conclusion - etc
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