[article] La convention de La Haye, la collaboration administrative en Belgique et la persécution des Juifs à Anvers, 1940-1942 [texte imprimé] / Herman Van Goethem, Auteur . - 2006 . - pp. 117-197. Langues : Français ( fre) in Cahiers d'Histoire du Temps Présent (CHTP) > 17 (2006) . - pp. 117-197
Catégories : |
34(493) Droit et lois belges 341.3(100) Convention de La Haye (1907) 351 Administration publique (services publics) 352 Administrations locales communales 352(493) Anvers 353(493) Province de Limbourg 94(100)"1939/45" Collaboration Seconde Guerre mondiale 94(493)"19" Histoire de la Belgique au XXe siècle Judéocide / Shoah
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Résumé : |
Sommaire :
1. la collaboration administrative et judiciaire en 1940-1944 : antécédents, contexte :
la conventiond e La Haye de 1907 - l'occupation allemande de 1914-1918 - la "politique de présence" et le livret de mobilisation de 1936
2. La collaboration administrative "légale" , 1940-1942 :
1940-1942, l'exécution des ordres et ordonnances allemands. Deux tendances - police administrative, police judiciaire : la missive de von Falkenhausen du 24 juillet 1941 - juillet 1941 à octobre 1942 : le principe des arrestations en suspens au niveau central belge - Bruxelles, 1941-1942 : réticences et réserves naissantes
3. Les hauts fonctionnaires belges et la persécution des Juifs en Belgique, 1940-1942 : l'acceptation d'illégalités :
La Belgique livrant ses Juifs aux Allemands. A la recherche d'une explication
4. Une métropole à l'avant-garde de la collaboration :
la grande agglomération d'Anvers - les responsables anversois : le procureur du Roi et le bourgmestre
5. La colaboration "légale" à Anvers, 1940-1942 :
la convention de La HAye à Anvers : une collaboration loyale et maximale
6. les persécutions illégales : Anvers et ses Juifs, 1940-1942 :
les Juifs : leur enregistrement à Anvers, décembre 1940 - le barreau et le parquet d'Anvers et la question des avocats juifs - le début des "déportations" et des "arrestations" de Juifs à Anvers : les expulsés vers le Limbourg, décembre 1940 - les ordonannces anti-juives à Anvers, 1941-1942 - Juin 1942 : l'étoile de David et le travail obligatoire au mur de l'Atlantique - les rafles d'Anvers, août-septembre 1942 - une prise de conscience ? Anvers se ressaisit, octobre-novembre 1942 - épiloque : le torpillage de la convention de La Haye
7. A la recherche d'une conclusion : Anvers et l'Ordre nouveau
Cet article prend comme point de départ les rafles des Juifs à Anvers en août 1942. Comment le corps de police anversois a-t-il pu y prêter son concours et devenir ainsi complice de ce qui est peut-être le plus grand crime de guerre commis en Belgique en 1940-1944 ? Le commissaire de police en chef transmit en effet les ordres administratifs allemands à son corps et veilla à leur exécution. Ses supérieurs belges directs, le bourgmestre et le procureur du Roi, observèrent les faits, mais n'intervinrent pas.
L'antisémitisme a peut-être joué un rôle dans le comportement sur le terrain de certains et l'abstention d'autres, mais il n'explique pas tout. Cet article explore un contexte plus large de collaboration administrative entre les autorités locales et le pouvoir occupant, attitude définie dans la convention de La Haye de 1907. La participation aux déportations repose en effet sur une base 'administrative', dans le contexte de prestations de services 'normales'.
L'analyse part de la collaboration administrative avec l'occupant en Belgique en 14-18. Avec l'appui de la Cour de cassation, les fonctionnaires belges ont alors accepté que la collaboration pouvait impliquer que les autorités belges aillent à l'encontre de la législation belge, et même de la Constitution, aussi longtemps que l'occupant était capable de justifier les mesures prises en s'appuyant sur la convention de La Haye. Lorsque dans le contexte de la Flamenpolitik, il abusa de ce principe, la magistrature belge cessa collectivement le travail début 1918, ce qui mena à une désorganisation extrême.
Dans les années 30, les gouvernements belges confirmèrent la pratique de la collaboration administrative en l'affinant. Le principe de la collaboration appliqué en 1914-1918 fut maintenu, mais il revenait maintenant au simple fonctionnaire d'estimer par lui-même en conscience quand il n'avait pas à réagir à la demande de l'occupant. En cas de doute, il lui fallait demander conseil au supérieur, qui devait alors décider. Il n'était donc plus question d'une démission collective.
Après mai 1940 une collaboration administrative poussée avec l'occupant fut à nouveau de mise. La politisation croissante du régime d'occupation devait toutefois susciter des interrogations. La réponse à ces questions fut conditionnée par deux facteurs qui influèrent étroitement l'un sur l'autre. D'une part, importait la permanence des institutions. En cas de changements de régime et de 'cataclysme', l'administration de l'Etat s'accroche plus encore qu'en temps normal à la permanence et à la survie. D'autre part, comptait l'évaluation de l'issue de la guerre. La certitude de la victoire allemande, même dans le cadre d'une paix de compromis (il en va ainsi jusque tard dans l'année 1942), conduisit à l'acceptation par les fonctionnaires belges de mesures allemandes extrêmes, allant même à l'encontre de la convention de La Haye. Il en est ainsi entre autres pour les ordonnances anti-juives prises en 1940-1942, qui constituaient une violation manifeste de l'article 46 de ce traité, mais qui de manière générale furent tout de même exécutées docilement dans toute la Belgique. Il convient d'insister ici sur le fait que l'occupant s'est toujours montré entièrement disposé à accepter un refus de collaborer sur base de ce traité.
L'appel à la responsabilité individuelle mais aussi, du fait de l'occupation, le glissement du pouvoir réel vers le niveau local, mit la responsabilité d'un éventuel refus administratif essentiellement entre les mains des bourgmestres et des procureurs du Roi. A Bruxelles, un début de revirement se manifesta en juin-juillet 1941, sous l'impulsion du bourgmestre Joseph Van de Meulebroeck. Anvers ne réagit que beaucoup plus tard à la politisation générale du régime d'occupation : en octobre 1942, dans le cadre de la protestation générale contre l'introduction du travail obligatoire en Allemagne. A ce moment, les Juifs avaient déjà été déportés depuis quelques mois de la métropole…
La différence de chronologie entre Bruxelles et Anvers s'explique par des facteurs culturels locaux. La plus importante paraît bien être l'attrait poussé vers l'Ordre nouveau parmi les autorités locales, comme nous avons pu entre autres le constater chez le bourgmestre Delwaide, le chef de la police anversoise.
En ce qui concerne l'administration belge, l''étrange été de 1940' est un concept trompeur. Ce n'est qu'à partir du milieu de l'année 1941 que la situation commença à changer en Belgique. Dans les régions qui emboîtèrent le pas par après, le prix à payer de la guerre serait particulier élevé. Et cela alors qu'un occupant 'correct' était en Belgique occupée prêt à adopter une position très conciliante.
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Permalink : |
https://bibliotheque.territoires-memoire.be/pmb/opac_css/index.php?lvl=notice_di |
[article]
Titre : |
La convention de La Haye, la collaboration administrative en Belgique et la persécution des Juifs à Anvers, 1940-1942 |
Type de document : |
texte imprimé |
Auteurs : |
Herman Van Goethem, Auteur |
Année de publication : |
2006 |
Article en page(s) : |
pp. 117-197 |
Langues : |
Français (fre) |
Catégories : |
34(493) Droit et lois belges 341.3(100) Convention de La Haye (1907) 351 Administration publique (services publics) 352 Administrations locales communales 352(493) Anvers 353(493) Province de Limbourg 94(100)"1939/45" Collaboration Seconde Guerre mondiale 94(493)"19" Histoire de la Belgique au XXe siècle Judéocide / Shoah
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Résumé : |
Sommaire :
1. la collaboration administrative et judiciaire en 1940-1944 : antécédents, contexte :
la conventiond e La Haye de 1907 - l'occupation allemande de 1914-1918 - la "politique de présence" et le livret de mobilisation de 1936
2. La collaboration administrative "légale" , 1940-1942 :
1940-1942, l'exécution des ordres et ordonnances allemands. Deux tendances - police administrative, police judiciaire : la missive de von Falkenhausen du 24 juillet 1941 - juillet 1941 à octobre 1942 : le principe des arrestations en suspens au niveau central belge - Bruxelles, 1941-1942 : réticences et réserves naissantes
3. Les hauts fonctionnaires belges et la persécution des Juifs en Belgique, 1940-1942 : l'acceptation d'illégalités :
La Belgique livrant ses Juifs aux Allemands. A la recherche d'une explication
4. Une métropole à l'avant-garde de la collaboration :
la grande agglomération d'Anvers - les responsables anversois : le procureur du Roi et le bourgmestre
5. La colaboration "légale" à Anvers, 1940-1942 :
la convention de La HAye à Anvers : une collaboration loyale et maximale
6. les persécutions illégales : Anvers et ses Juifs, 1940-1942 :
les Juifs : leur enregistrement à Anvers, décembre 1940 - le barreau et le parquet d'Anvers et la question des avocats juifs - le début des "déportations" et des "arrestations" de Juifs à Anvers : les expulsés vers le Limbourg, décembre 1940 - les ordonannces anti-juives à Anvers, 1941-1942 - Juin 1942 : l'étoile de David et le travail obligatoire au mur de l'Atlantique - les rafles d'Anvers, août-septembre 1942 - une prise de conscience ? Anvers se ressaisit, octobre-novembre 1942 - épiloque : le torpillage de la convention de La Haye
7. A la recherche d'une conclusion : Anvers et l'Ordre nouveau
Cet article prend comme point de départ les rafles des Juifs à Anvers en août 1942. Comment le corps de police anversois a-t-il pu y prêter son concours et devenir ainsi complice de ce qui est peut-être le plus grand crime de guerre commis en Belgique en 1940-1944 ? Le commissaire de police en chef transmit en effet les ordres administratifs allemands à son corps et veilla à leur exécution. Ses supérieurs belges directs, le bourgmestre et le procureur du Roi, observèrent les faits, mais n'intervinrent pas.
L'antisémitisme a peut-être joué un rôle dans le comportement sur le terrain de certains et l'abstention d'autres, mais il n'explique pas tout. Cet article explore un contexte plus large de collaboration administrative entre les autorités locales et le pouvoir occupant, attitude définie dans la convention de La Haye de 1907. La participation aux déportations repose en effet sur une base 'administrative', dans le contexte de prestations de services 'normales'.
L'analyse part de la collaboration administrative avec l'occupant en Belgique en 14-18. Avec l'appui de la Cour de cassation, les fonctionnaires belges ont alors accepté que la collaboration pouvait impliquer que les autorités belges aillent à l'encontre de la législation belge, et même de la Constitution, aussi longtemps que l'occupant était capable de justifier les mesures prises en s'appuyant sur la convention de La Haye. Lorsque dans le contexte de la Flamenpolitik, il abusa de ce principe, la magistrature belge cessa collectivement le travail début 1918, ce qui mena à une désorganisation extrême.
Dans les années 30, les gouvernements belges confirmèrent la pratique de la collaboration administrative en l'affinant. Le principe de la collaboration appliqué en 1914-1918 fut maintenu, mais il revenait maintenant au simple fonctionnaire d'estimer par lui-même en conscience quand il n'avait pas à réagir à la demande de l'occupant. En cas de doute, il lui fallait demander conseil au supérieur, qui devait alors décider. Il n'était donc plus question d'une démission collective.
Après mai 1940 une collaboration administrative poussée avec l'occupant fut à nouveau de mise. La politisation croissante du régime d'occupation devait toutefois susciter des interrogations. La réponse à ces questions fut conditionnée par deux facteurs qui influèrent étroitement l'un sur l'autre. D'une part, importait la permanence des institutions. En cas de changements de régime et de 'cataclysme', l'administration de l'Etat s'accroche plus encore qu'en temps normal à la permanence et à la survie. D'autre part, comptait l'évaluation de l'issue de la guerre. La certitude de la victoire allemande, même dans le cadre d'une paix de compromis (il en va ainsi jusque tard dans l'année 1942), conduisit à l'acceptation par les fonctionnaires belges de mesures allemandes extrêmes, allant même à l'encontre de la convention de La Haye. Il en est ainsi entre autres pour les ordonnances anti-juives prises en 1940-1942, qui constituaient une violation manifeste de l'article 46 de ce traité, mais qui de manière générale furent tout de même exécutées docilement dans toute la Belgique. Il convient d'insister ici sur le fait que l'occupant s'est toujours montré entièrement disposé à accepter un refus de collaborer sur base de ce traité.
L'appel à la responsabilité individuelle mais aussi, du fait de l'occupation, le glissement du pouvoir réel vers le niveau local, mit la responsabilité d'un éventuel refus administratif essentiellement entre les mains des bourgmestres et des procureurs du Roi. A Bruxelles, un début de revirement se manifesta en juin-juillet 1941, sous l'impulsion du bourgmestre Joseph Van de Meulebroeck. Anvers ne réagit que beaucoup plus tard à la politisation générale du régime d'occupation : en octobre 1942, dans le cadre de la protestation générale contre l'introduction du travail obligatoire en Allemagne. A ce moment, les Juifs avaient déjà été déportés depuis quelques mois de la métropole…
La différence de chronologie entre Bruxelles et Anvers s'explique par des facteurs culturels locaux. La plus importante paraît bien être l'attrait poussé vers l'Ordre nouveau parmi les autorités locales, comme nous avons pu entre autres le constater chez le bourgmestre Delwaide, le chef de la police anversoise.
En ce qui concerne l'administration belge, l''étrange été de 1940' est un concept trompeur. Ce n'est qu'à partir du milieu de l'année 1941 que la situation commença à changer en Belgique. Dans les régions qui emboîtèrent le pas par après, le prix à payer de la guerre serait particulier élevé. Et cela alors qu'un occupant 'correct' était en Belgique occupée prêt à adopter une position très conciliante.
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