[article] L'après-guerre des Jeunes Gardes socialistes : L'impossible réinsertion des anciens combattants de la Révolution [texte imprimé] / Alain Colignon, Auteur . - 2005 . - pp. 415-433. Article en français - Résumé en néerlandais et en anglais Langues : Français ( fre) in Cahiers d'Histoire du Temps Présent (CHTP) > 15 (2005) . - pp. 415-433
Catégories : |
329.14(091) Histoire des partis de gauche, du socialisme 94(493)"19" Histoire de la Belgique au XXe siècle
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Résumé : |
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la Jeune Garde socialiste n'était plus qu'un pâle reflet de ce qu'elle avait représenté au cœur de l'entre-deux-guerres. L'antifascisme pointu qu'elle avait manifesté à cette époque, s'était si mal accommodé de son antimilitarisme viscéral qu'incapable d'opérer une synthèse dialectique positive… ou une révision drastique de ses principes, elle s'était dévorée de ses contradictions. Épuisée par les querelles internes et les discussions byzantines, en porte-à -faux avec l'opinion commune, elle n'avait au bout du compte occupé en tant que telle qu'une place infime dans la Résistance.
À peu près exsangue à la Libération, tolérée mais tenue en piètre estime par la direction du nouveau Parti socialiste belge, elle reprit vaille que vaille ses activités militantes, sourde aux appels du pied venant du Parti communiste. Elle alla même, guerre froide oblige, jusqu'à mettre un temps une sourdine à la logomachie pacifiste qui avait constitué son fonds de commerce idéologique pendant tant d'années. Comme autrefois, elle s'attachait à former par l'étude et le délassement les adolescents, les jeunes adultes qui se retrouvaient dans ses rangs, pour les préparer à s'intégrer dans les structures sociétales de la famille socialiste. Elle ne prétendait plus à ce moment (1945-1952) abattre le régime capitaliste. Simplement l'amender, en s'appuyant et en appuyant le PSB.
Pourtant, à peine la 'guerre froide' faisait-elle place à un début de détente, on voyait sa direction renouer avec la radicalité d'antan. Cette 'nouvelle' ligne était en fait partiellement impulsée par un noyau de tenants de la IVe internationale appliqués à pratiquer l'entrisme. Se recrutant désormais dans une classe moyenne intellectuelle issue du monde enseignant, ce 'noyau dur' de l'intégralisme révolutionnaire parvenait à s'introduire par la petite porte dans la fédération JGS de Bruxelles (1951-1952) avant de gagner en partie les cercles dirigeants de Liège et de La Louvière (1953-1954). Ce travail de pénétration ne concernait, au mieux, qu'un millier de membres… Ce n'est qu'au déclin des années cinquante que la Jeune Garde accrut quelque peu son importance, le courant révolutionnaire prétendait incarner trouvant un relais certain avec l'hebdomadaire La Gauche (1956).
Au début de 1960, renouant sans complexe avec son antimilitarisme originel, exigeant la sortie de l'OTAN et réclamant plus que jamais des 'réformes de structures', elle passait à la vitesse supérieure. Sa fédération liégeoise (la plus infiltrée par les éléments trotskystes), qui occupait une position en flèche, parvenait à influencer environ 25 % des votes autour d'une motion anti-OTAN lors d'un congrès extraordinaire du PSB (déc. 1960). Son implication très nette dans la 'Grande Grève' de l'hiver 1960-1961 ne lui donna cependant pas l'occasion d'étendre de manière sensible sa part d'influence : au vrai, son 'révolutionnarisme' s'exaspérait dans la maison social-démocrate. Jusqu'à ce jour de septembre 1964 où quelque 300 JGS trouvèrent bon de perturber les commémorations qu'un PSB de plus en plus compassé avait organisées à l'occasion du 100e anniversaire de la 1e internationale. Leur comportement, leurs mots d'ordre furent de trop pour une famille politique qui ne remettait plus en cause la société de marché, quitte à l'amender… prudemment. Dès le mois de novembre, le Parti mettait en place, avec le Mouvement des Jeunes Socialistes, une structure concurrente; en décembre, lors du congrès dit 'des incompatibilités', la JGS était sanctionnée et mise en demeure de se soumettre. Entérinant la situation, les plus conscientisés de ses militants – ou les moins matures ? – rompaient le 21 mars 1965 les dernières attaches avec la maison mère pour se constituer en mouvement indépendant, mais sous la même étiquette. Elle évolua dès lors dans la mouvance gauchiste, en en partageant les espérances, les soubresauts, l'impuissance. Ce qui avait été un des mouvements de masse juvéniles de la deuxième révolution industrielle dans sa phase de crise la plus intense avait achevé sa parabole dans une existence groupusculaire, incapable de répondre aux défis de la société de consommation et de la grande crise du XX e siècle finissant. |
Permalink : |
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[article]
Titre : |
L'après-guerre des Jeunes Gardes socialistes : L'impossible réinsertion des anciens combattants de la Révolution |
Type de document : |
texte imprimé |
Auteurs : |
Alain Colignon, Auteur |
Année de publication : |
2005 |
Article en page(s) : |
pp. 415-433 |
Note générale : |
Article en français - Résumé en néerlandais et en anglais |
Langues : |
Français (fre) |
Catégories : |
329.14(091) Histoire des partis de gauche, du socialisme 94(493)"19" Histoire de la Belgique au XXe siècle
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Résumé : |
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la Jeune Garde socialiste n'était plus qu'un pâle reflet de ce qu'elle avait représenté au cœur de l'entre-deux-guerres. L'antifascisme pointu qu'elle avait manifesté à cette époque, s'était si mal accommodé de son antimilitarisme viscéral qu'incapable d'opérer une synthèse dialectique positive… ou une révision drastique de ses principes, elle s'était dévorée de ses contradictions. Épuisée par les querelles internes et les discussions byzantines, en porte-à -faux avec l'opinion commune, elle n'avait au bout du compte occupé en tant que telle qu'une place infime dans la Résistance.
À peu près exsangue à la Libération, tolérée mais tenue en piètre estime par la direction du nouveau Parti socialiste belge, elle reprit vaille que vaille ses activités militantes, sourde aux appels du pied venant du Parti communiste. Elle alla même, guerre froide oblige, jusqu'à mettre un temps une sourdine à la logomachie pacifiste qui avait constitué son fonds de commerce idéologique pendant tant d'années. Comme autrefois, elle s'attachait à former par l'étude et le délassement les adolescents, les jeunes adultes qui se retrouvaient dans ses rangs, pour les préparer à s'intégrer dans les structures sociétales de la famille socialiste. Elle ne prétendait plus à ce moment (1945-1952) abattre le régime capitaliste. Simplement l'amender, en s'appuyant et en appuyant le PSB.
Pourtant, à peine la 'guerre froide' faisait-elle place à un début de détente, on voyait sa direction renouer avec la radicalité d'antan. Cette 'nouvelle' ligne était en fait partiellement impulsée par un noyau de tenants de la IVe internationale appliqués à pratiquer l'entrisme. Se recrutant désormais dans une classe moyenne intellectuelle issue du monde enseignant, ce 'noyau dur' de l'intégralisme révolutionnaire parvenait à s'introduire par la petite porte dans la fédération JGS de Bruxelles (1951-1952) avant de gagner en partie les cercles dirigeants de Liège et de La Louvière (1953-1954). Ce travail de pénétration ne concernait, au mieux, qu'un millier de membres… Ce n'est qu'au déclin des années cinquante que la Jeune Garde accrut quelque peu son importance, le courant révolutionnaire prétendait incarner trouvant un relais certain avec l'hebdomadaire La Gauche (1956).
Au début de 1960, renouant sans complexe avec son antimilitarisme originel, exigeant la sortie de l'OTAN et réclamant plus que jamais des 'réformes de structures', elle passait à la vitesse supérieure. Sa fédération liégeoise (la plus infiltrée par les éléments trotskystes), qui occupait une position en flèche, parvenait à influencer environ 25 % des votes autour d'une motion anti-OTAN lors d'un congrès extraordinaire du PSB (déc. 1960). Son implication très nette dans la 'Grande Grève' de l'hiver 1960-1961 ne lui donna cependant pas l'occasion d'étendre de manière sensible sa part d'influence : au vrai, son 'révolutionnarisme' s'exaspérait dans la maison social-démocrate. Jusqu'à ce jour de septembre 1964 où quelque 300 JGS trouvèrent bon de perturber les commémorations qu'un PSB de plus en plus compassé avait organisées à l'occasion du 100e anniversaire de la 1e internationale. Leur comportement, leurs mots d'ordre furent de trop pour une famille politique qui ne remettait plus en cause la société de marché, quitte à l'amender… prudemment. Dès le mois de novembre, le Parti mettait en place, avec le Mouvement des Jeunes Socialistes, une structure concurrente; en décembre, lors du congrès dit 'des incompatibilités', la JGS était sanctionnée et mise en demeure de se soumettre. Entérinant la situation, les plus conscientisés de ses militants – ou les moins matures ? – rompaient le 21 mars 1965 les dernières attaches avec la maison mère pour se constituer en mouvement indépendant, mais sous la même étiquette. Elle évolua dès lors dans la mouvance gauchiste, en en partageant les espérances, les soubresauts, l'impuissance. Ce qui avait été un des mouvements de masse juvéniles de la deuxième révolution industrielle dans sa phase de crise la plus intense avait achevé sa parabole dans une existence groupusculaire, incapable de répondre aux défis de la société de consommation et de la grande crise du XX e siècle finissant. |
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