[article] Orthodoxie (Mots) [texte imprimé] / Henri Deleersnijder (1941-....), Auteur . - 2016 . - p. 10. Langues : Français ( fre) in Aide-Mémoire > 76 (avril-mai-juin 2016) . - p. 10
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Aide mémoire 76
Le sexe d’un seul regard
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Par Jean-Paul Bonjean
AM77 p.8 BonjeanDans son livre, Chahdortt Djavann mène une courte réflexion romancée autour du statut de la prostituée dans les pays orientaux (Iran) et, plus largement, de la femme dans les pays musulmans. En croisant les fils des destins parallèles de deux jeunes filles, l’auteure égrène les situations chaotiques de ces femmes qui jalonnent régulièrement la chronique nécrologique dans l’indifférence la plus totale, y compris celle des autorités judiciaires.
En toile de fond, l’auteure interroge la sexualité des femmes et l’incroyable hypocrisie qui entoure le sujet et le relègue dans les tabous absolus. Hypocrisie car le plus vieux métier du monde s’exerce au su de tous, tous feignant l’ignorance. Les mollahs eux-mêmes jouent de leur influence religieuse pour tordre les interprétations qui leur permettent de forniquer en toute légalité grâce au système de la sigheh[1] (certains vont même jusqu’au proxénétisme !)
Au final, on obtient des portraits de femmes au service de la thèse de l’auteure, peut-être au détriment de l’épaisseur narrative du récit. La succession de ces profils féminins évoqués sous l’angle de la mort et du sexe ne se lie pas en intrigue policière mais se présente au bout du compte comme un réquisitoire à charge de l’islam.
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Scott Walker : du crooner dérangeant au guerrier sonore (2e partie)
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Par Raphaël Schraepen
AM75 p.8 Schraepen(Suite de l'article paru dans le numéro précédent)
C’est en fantôme que Scott Walker va traverser la quasi-totalité des années septante. Il publie pourtant un cinquième album, qui ne sera pas titré « Scott 5 » comme on aurait pu s’y attendre, mais ‘Till The Band Comes In, d’après une des chansons. Signe de rupture avec le passé ? Besoin d’oublier l’échec de Scott 4 ? On ne le sait. Mais ce disque s’inscrit encore partiellement dans la suite logique de ce qu’il développe depuis 1967. Avec des différences. De façon exceptionnelle, toutes ses compositions sont cosignées par un certain Ady Semel, son manager d’un temps et son « censeur », selon lui. Il n’est plus question de « bordellos », en tout cas. Autre bizarrerie, un des morceaux (Long About Now) n’est pas chanté par lui mais par Esther Ofarim. De façon superficielle, on pourrait constater que l’album est bâti selon le même schéma que Scott 3 : d’abord, dix morceaux personnels, ensuite des reprises, sauf qu’ici ces dernières ne sont plus de Brel, mais des titres assez fades. Les dix chansons sont censées former un « concept », comme c’était la mode à l’époque, vaguement centré sur « la guerre et la solitude ». On peut y mettre ce qu’on veut, et pour la première fois depuis longtemps, on ressent des faiblesses dans son songwriting. Time Operator est un honteux tire-larmes, Joe est joli mais trop convenu. En revanche, Jean The Machine est un portrait hilarant de la paranoïa issue de la guerre froide – c’est peut-être la seule chanson de Scott Walker où on peut rire franchement ! Enfin, le diptyque final (‘Till The Band Comes In et The War Is Over) renoue avec l’artiste de l’intranquillité, avec notamment de subtiles secousses rythmiques inquiétantes au détour de mélodies qui semblaient rassurantes. L’album ne reçoit que des critiques négatives et est un nouvel échec public complet.
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La Bibliothèque George Orwell présente...
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Par Jérôme Delnooz, bibliothécaire
nouvel antisemitismeHenri Deleersnijder, Le nouvel antisémitisme : avatars d’une haine ancestrale, Renaissance du livre, 2016, 22,90€.
Certaines clés de lecture du présent peuvent être trouvées dans le passé. Dans cette optique, l’auteur s’interroge sur l’antisémitisme actuel et le met en perspective avec son évolution historique. Il dégage ainsi une typologie de dénominations – antijudaïsme, antisémitisme racial, antisionisme – qui sont les marqueurs d’une époque, mais qui illustrent en même temps la capacité de reproduction et d’adaptation d’une matrice idéologique judéophobe commune. « Cette étude de cas » devrait permettre d’élargir la réflexion sur la xénophobie, le rejet de l’Autre en général, et la désignation toujours rassurante d’un bouc émissaire.
chomeur suspectFlorence Loriaux (dir.), Le chômeur suspect : histoire d’une stigmatisation, CARHOP/CRISP, 2015, 19€.
« Fainéant », « profiteur », voire… « parasite ». En cette période de crise économique, qui n’a jamais entendu/proféré pareils clichés à l’encontre des chômeurs? Le travail semble être devenu un vrai devoir moral, et qui ne s’y plie pas, pour telle ou telle raison, subit l’opprobre de la population. Pourtant, cette stigmatisation est loin d’être récente... Cet ouvrage très détaillé remonte à ses origines en retraçant l’histoire du chômage en Belgique du XIXe siècle à nos jours. Un destin lié à celui du politique, du patronat, des syndicats, et à la construction d’une sécurité sociale. En forgeant une mémoire écrite des chômeurs, ce livre contribue à leur redonner une dignité et exhorte le reste de la population à ne pas emprunter les pentes les plus simples de l’esprit.
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Déradicaliser : des vertus de l’usage d’un verbe flou
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Par Olivier Starquit
Déradicaliser : verbe. En botanique, action qui coupe les racines à une plante afin de mettre un terme à son développement. Synonyme : dévitaliser. Cette définition fantaisiste mais néanmoins étymologiquement plausible montre et démontre à foison que ce verbe, qui a surgi ces derniers temps pour s’occuper des personnes ayant succombé à l’appel du Jihad (qu’il s’agirait également de définir, ce que l’on omet généralement de faire), est en fait une nouvelle illustration du mésusage de la langue française. Ne serait-il en effet pas plus judicieux et pertinent d’utiliser d’autres verbes comme déprogrammer un individu radical (une approche certes favorable à la réification de l’individu), voire le désintoxiquer ?
Le recours à une définition fantaisiste se justifie également par le fait que le verbe déradicaliser et sa variante pronominale (se déradicaliser) n’a pas encore fait son entrée dans les dictionnaires.
Le surgissement de ce vocable est interpellant car, comme le souligne Michel Francart dans sa chronique pour la gazette vespérale, « l’évolution du sens des mots, c’est bien plus qu’une question de langue. Une vision de la société s’y reflète et s’y construit. […] Notre interprétation des mots s’ajuste à l’évolution sémantique la plus récente […][1] ». Et comme toujours, le choix des mots est tout sauf innocent.
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Orthodoxie (Mots)
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Par Henri Deleersnijder
INTRODUCTION
À l'origine, le terme a une résonance religieuse. Puisque l'élément grec orthos signifiait d'abord « debout, dressé » et servait ainsi à désigner les angles droits en géométrie, il a petit à petit dérivé – d'après le Dictionnaire historique de la langue française – vers le champ ecclésiastique avec le sens de « conforme à la saine doctrine ». Celui qui pensait droit, dans la bonne voie donc, respectant la « norme de la vérité en matière de religion », était dit « orthodoxe », alors que quiconque s'écartait de la supposée vraie foi risquait à terme d'être traité d'« hérétique ». L'histoire du christianisme regorge de luttes fratricides auxquelles cette conception binaire a donné lieu : la coupure de 1054 entre la papauté de Rome et le patriarcat de Constantinople n'en a constitué qu'un moment emblématique. Mais ce n'est que bien plus tard, au XIXe siècle, que les Églises chrétiennes d'Orient – surtout grecque et russe – seront appelées « orthodoxes ». |
Permalink : |
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[article]
Titre : |
Orthodoxie (Mots) |
Type de document : |
texte imprimé |
Auteurs : |
Henri Deleersnijder (1941-....), Auteur |
Année de publication : |
2016 |
Article en page(s) : |
p. 10 |
Langues : |
Français (fre) |
Résumé : |
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AM77 p.8 BonjeanDans son livre, Chahdortt Djavann mène une courte réflexion romancée autour du statut de la prostituée dans les pays orientaux (Iran) et, plus largement, de la femme dans les pays musulmans. En croisant les fils des destins parallèles de deux jeunes filles, l’auteure égrène les situations chaotiques de ces femmes qui jalonnent régulièrement la chronique nécrologique dans l’indifférence la plus totale, y compris celle des autorités judiciaires.
En toile de fond, l’auteure interroge la sexualité des femmes et l’incroyable hypocrisie qui entoure le sujet et le relègue dans les tabous absolus. Hypocrisie car le plus vieux métier du monde s’exerce au su de tous, tous feignant l’ignorance. Les mollahs eux-mêmes jouent de leur influence religieuse pour tordre les interprétations qui leur permettent de forniquer en toute légalité grâce au système de la sigheh[1] (certains vont même jusqu’au proxénétisme !)
Au final, on obtient des portraits de femmes au service de la thèse de l’auteure, peut-être au détriment de l’épaisseur narrative du récit. La succession de ces profils féminins évoqués sous l’angle de la mort et du sexe ne se lie pas en intrigue policière mais se présente au bout du compte comme un réquisitoire à charge de l’islam.
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Scott Walker : du crooner dérangeant au guerrier sonore (2e partie)
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Par Raphaël Schraepen
AM75 p.8 Schraepen(Suite de l'article paru dans le numéro précédent)
C’est en fantôme que Scott Walker va traverser la quasi-totalité des années septante. Il publie pourtant un cinquième album, qui ne sera pas titré « Scott 5 » comme on aurait pu s’y attendre, mais ‘Till The Band Comes In, d’après une des chansons. Signe de rupture avec le passé ? Besoin d’oublier l’échec de Scott 4 ? On ne le sait. Mais ce disque s’inscrit encore partiellement dans la suite logique de ce qu’il développe depuis 1967. Avec des différences. De façon exceptionnelle, toutes ses compositions sont cosignées par un certain Ady Semel, son manager d’un temps et son « censeur », selon lui. Il n’est plus question de « bordellos », en tout cas. Autre bizarrerie, un des morceaux (Long About Now) n’est pas chanté par lui mais par Esther Ofarim. De façon superficielle, on pourrait constater que l’album est bâti selon le même schéma que Scott 3 : d’abord, dix morceaux personnels, ensuite des reprises, sauf qu’ici ces dernières ne sont plus de Brel, mais des titres assez fades. Les dix chansons sont censées former un « concept », comme c’était la mode à l’époque, vaguement centré sur « la guerre et la solitude ». On peut y mettre ce qu’on veut, et pour la première fois depuis longtemps, on ressent des faiblesses dans son songwriting. Time Operator est un honteux tire-larmes, Joe est joli mais trop convenu. En revanche, Jean The Machine est un portrait hilarant de la paranoïa issue de la guerre froide – c’est peut-être la seule chanson de Scott Walker où on peut rire franchement ! Enfin, le diptyque final (‘Till The Band Comes In et The War Is Over) renoue avec l’artiste de l’intranquillité, avec notamment de subtiles secousses rythmiques inquiétantes au détour de mélodies qui semblaient rassurantes. L’album ne reçoit que des critiques négatives et est un nouvel échec public complet.
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nouvel antisemitismeHenri Deleersnijder, Le nouvel antisémitisme : avatars d’une haine ancestrale, Renaissance du livre, 2016, 22,90€.
Certaines clés de lecture du présent peuvent être trouvées dans le passé. Dans cette optique, l’auteur s’interroge sur l’antisémitisme actuel et le met en perspective avec son évolution historique. Il dégage ainsi une typologie de dénominations – antijudaïsme, antisémitisme racial, antisionisme – qui sont les marqueurs d’une époque, mais qui illustrent en même temps la capacité de reproduction et d’adaptation d’une matrice idéologique judéophobe commune. « Cette étude de cas » devrait permettre d’élargir la réflexion sur la xénophobie, le rejet de l’Autre en général, et la désignation toujours rassurante d’un bouc émissaire.
chomeur suspectFlorence Loriaux (dir.), Le chômeur suspect : histoire d’une stigmatisation, CARHOP/CRISP, 2015, 19€.
« Fainéant », « profiteur », voire… « parasite ». En cette période de crise économique, qui n’a jamais entendu/proféré pareils clichés à l’encontre des chômeurs? Le travail semble être devenu un vrai devoir moral, et qui ne s’y plie pas, pour telle ou telle raison, subit l’opprobre de la population. Pourtant, cette stigmatisation est loin d’être récente... Cet ouvrage très détaillé remonte à ses origines en retraçant l’histoire du chômage en Belgique du XIXe siècle à nos jours. Un destin lié à celui du politique, du patronat, des syndicats, et à la construction d’une sécurité sociale. En forgeant une mémoire écrite des chômeurs, ce livre contribue à leur redonner une dignité et exhorte le reste de la population à ne pas emprunter les pentes les plus simples de l’esprit.
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Déradicaliser : des vertus de l’usage d’un verbe flou
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Déradicaliser : verbe. En botanique, action qui coupe les racines à une plante afin de mettre un terme à son développement. Synonyme : dévitaliser. Cette définition fantaisiste mais néanmoins étymologiquement plausible montre et démontre à foison que ce verbe, qui a surgi ces derniers temps pour s’occuper des personnes ayant succombé à l’appel du Jihad (qu’il s’agirait également de définir, ce que l’on omet généralement de faire), est en fait une nouvelle illustration du mésusage de la langue française. Ne serait-il en effet pas plus judicieux et pertinent d’utiliser d’autres verbes comme déprogrammer un individu radical (une approche certes favorable à la réification de l’individu), voire le désintoxiquer ?
Le recours à une définition fantaisiste se justifie également par le fait que le verbe déradicaliser et sa variante pronominale (se déradicaliser) n’a pas encore fait son entrée dans les dictionnaires.
Le surgissement de ce vocable est interpellant car, comme le souligne Michel Francart dans sa chronique pour la gazette vespérale, « l’évolution du sens des mots, c’est bien plus qu’une question de langue. Une vision de la société s’y reflète et s’y construit. […] Notre interprétation des mots s’ajuste à l’évolution sémantique la plus récente […][1] ». Et comme toujours, le choix des mots est tout sauf innocent.
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INTRODUCTION
À l'origine, le terme a une résonance religieuse. Puisque l'élément grec orthos signifiait d'abord « debout, dressé » et servait ainsi à désigner les angles droits en géométrie, il a petit à petit dérivé – d'après le Dictionnaire historique de la langue française – vers le champ ecclésiastique avec le sens de « conforme à la saine doctrine ». Celui qui pensait droit, dans la bonne voie donc, respectant la « norme de la vérité en matière de religion », était dit « orthodoxe », alors que quiconque s'écartait de la supposée vraie foi risquait à terme d'être traité d'« hérétique ». L'histoire du christianisme regorge de luttes fratricides auxquelles cette conception binaire a donné lieu : la coupure de 1054 entre la papauté de Rome et le patriarcat de Constantinople n'en a constitué qu'un moment emblématique. Mais ce n'est que bien plus tard, au XIXe siècle, que les Églises chrétiennes d'Orient – surtout grecque et russe – seront appelées « orthodoxes ». |
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in Aide-Mémoire > 76 (avril-mai-juin 2016) . - p. 10
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